Un trésor des collections de l’Observatoire : le bureau d’Alexandre de Humboldt

L’Observatoire de Paris a accueilli en 2014 une exposition organisée par PSL, Les frères Humboldt et l’esprit de l’Europe, qui a été prolongée en 2015 par une exposition virtuelle. A cette occasion étaient présentées des pièces remarquables provenant de différentes institutions françaises et allemandes. Parmi elles, le bureau et le nécessaire à dessin d’Alexandre de Humboldt qui appartiennent à... l’Observatoire. Comment ces objets se sont ils retrouvés dans nos murs ? Début d’enquête...

Les deux frères appartiennent à la génération qui a eu 20 ans en 1789 et chacun dans son domaine a marqué son temps : Wilhelm dans celui de la philosophie, de la linguistique et de la pédagogie, Alexander, en tant que naturaliste, géographe et explorateur. Ce dernier a un lien tout particulier avec l’Observatoire de Paris où il a vécu, travaillé et où il a côtoyé son plus grand ami, François Arago. Ce n’est pourtant pas lui qui a laissé à l’Observatoire le bureau et le nécessaire qui s’y trouvent.

Humboldt à son bureau
© Bildarchiv Preußischer Kulturbesitz

Alexander von Humboldt, qu’en francophone et francophile il francisait en Alexandre de Humboldt, a utilisé ce bureau pendant plus de 30 ans à Berlin. On le reconnait par exemple sur une aquarelle d’Eduard Leist représentant vers 1847 l’illustre savant au travail.

Portrait de David Henriques de Castro
© 23dingenvoormusea

L’exposition Humboldt a permis aux commissaires d’apporter quelques éléments nouveaux sur sa provenance. Quelques années après la mort d’Humboldt, on le retrouve en effet en possession de David Henriques de Castro (1826-1898), savant et collectionneur hollandais, membre d’une illustre famille séfarade d’origine portugaise. Numismate éclairé, il possédait une belle collection de monnaies et était membre de nombreuses sociétés savantes. Les archives des Musées nationaux mentionnent qu’il est recommandé en avril 1865 par la légation des Pays-Bas au comte de Nieuwerkerke, directeur général des musées impériaux, intendant des Beaux-Arts de la Maison de l’Empereur et membre de l’Institut car il souhaite offrir à Napoléon III un "objet d’une grande valeur historique, le bureau de feu M. de Humboldt dont il est devenu propriétaire lors d’un récent voyage à Berlin". Il s’agissait en fait d’une proposition d’acquisition car en septembre de la même année le Comte de Nieuwerkerke lui signifie que l’empereur n’a pas agréé la transaction et lui demande de "reprendre le meuble et les accessoires qui l’accompagnent, ces objets gênant la circulation dans mon appartement". Cette dernière lettre montre d’une part que le bureau était à Paris, d’autre part qu’il était accompagné d’accessoires et on peut donc supposer qu’il s’agissait du nécessaire à écrire qui se trouve aujourd’hui avec le bureau à l’Observatoire. Que s’est-il passé ensuite ?

Le Bureau lui-même porte une plaque destinée à éclairer sa provenance. On y lit : "Bureau de Humboldt. Légué à l’Académie des sciences. Donné en 1883 à l’Observatoire de Paris". Cette mention est cependant sujette à caution. Les rapports annuels de l’Observatoire de Paris sont en effet très détaillés en ce qui concerne le musée et ses enrichissements dans les années 1880 : or ils ne contiennent nulle trace de ce don. La mention du legs n’est pas plus claire. La brièveté de la formule peut laisser penser qu’Humboldt lui-même aurait légué le bureau à l’Académie des sciences ce qui n’est pas le cas, Humboldt ayant fait de son valet de chambre Johann Gustav Seifert (1800-1877) le légataire de ses biens non scientifiques et le bureau ayant été précisément vendu par ce dernier. Il n’est cependant pas invraisemblable que le bureau ait été transmis à l’Observatoire de Paris par l’Académie des sciences au terme d’un parcours qui reste encore à élucider.

Le nécessaire à écrire et le portefeuille qui l’accompagnent sont plus encore que le bureau des témoignages précieux sur Alexandre de Humboldt. On y trouve notamment les lunettes de l’illustre savant, et tous les accessoires qu’il utilisait pour écrire et correspondre. Le portefeuille renferme quant à lui les derniers papiers qu’il a laissés ainsi qu’une note de Seifert.

Laurence Bobis

Le nécessaire à écrire d’A. de Humboldt
© D. Monseigny/Observatoire de Paris
Les lunettes
© D. Monseigny/Observatoire de Paris
Modifié le 23 décembre 2015