Tout commence à l’Observatoire de Strasbourg où André Lallemand (1904-1978) travaille sous la direction d’Ernest Esclangon dès 1925, puis d’André Danjon à partir de 1930. Il se spécialise alors dans la réalisation d’instruments d’observation.

Etudiant de près la photométrie photographique, Lallemand pressent que la photoélectricité est une voie prometteuse, même si les astronomes tentent en vain d’exploiter l’effet photoélectrique depuis sa découverte au début du XXe siècle. S’appuyant sur ses études de multiplication d’électrons dans des tubes radioélectriques, Lallemand imagine et réalise en 1934 un instrument qui permet d’amplifier la brillance des astres : le télescope électronique, qui prendra pour nom en 1954 la caméra électronique. Ernest Esclangon (devenu alors directeur de l’Observatoire de Paris) présente à l’Académie des Sciences en 1936 les travaux de Lallemand et un premier tube opérationnel est réalisé en 1939.
La guerre arrête brutalement les expériences. Lallemand est appelé au laboratoire de Bellevue pour aider à la défense nationale, puis rejoint l’équipe de l’Observatoire de Strasbourg repliée auprès de l’Université de Clermont-Ferrand. A la libération, le nouveau directeur de l’Observatoire de Paris, André Danjon, invite son ami strasbourgeois à développer les caméras électroniques à Paris.
Le premier laboratoire Lallemand s’installe dans le bâtiment Perrault, à côté de la salle de la Méridienne (la salle Cassini), côtoyant le laboratoire d’optique. Avec son élève Maurice Duchesne, Lallemand obtient les premières photographies électroniques d’objets célestes en 1952, avec l’instrument du Petit Coudé [1].
Ces caméras électroniques nécessitaient la fabrication de tubes en verre complexes et c’est toute une équipe de souffleurs de verre qui s’y attellera : M. Guedu, R. Alexandre (qui deviendra chef d’atelier), M. Delanoue, M. Mafaity, etc. [2]

Suivent rapidement d’autres images prises à l’Observatoire de Haute-Provence au télescope de 1m20 et en 1954 la caméra électronique est installée à l’Observatoire de Lick avec la collaboration de l’astronome américain Merle Walker. W.A. Hiltner de l’Observatoire de Yerkes écrit : « Avec la réalisation des gains prévus, les recherches spectroscopiques stellaires peuvent être étendues à un domaine qui n’est limité que par l’imagination de l’observateur. » [3]
Parallèlement, Duchesne mettra au point une caméra électrostatique qui mènera à la caméra Grand Champ testée en 1972. Ces travaux commencent dans le pavillon Baillaud, puis les équipes sont regroupées dans le nouveau « laboratoire Lallemand ». A noter que Lallemand mènera également des études relatives aux capteurs infra-rouge pour le compte de la Marine Nationale dont un service était situé dans le bâtiment Perrault.
Le développement de l’activité des caméras électroniques nécessitait de nouveaux locaux ; un bâtiment (le bâtiment maintenant appelé Lallemand) est construit en 1960. Le département DOPTO (Département d’Optique et Photométrie) est né. L’équipe de mécanique rejoint le SERT (Service d’Etudes et de Réalisations Techniques).

Avec des utilisations à l’Observatoire de Haute-Provence, au Pic du Midi, à Lick, à l’Observatoire Européen Austral, au CFH (Canada France Hawaii) et même sur la Lune (la mission Apollo 16 en 1972), le laboratoire Lallemand a fourni 800 photomultiplicateurs, 4000 cellules photoémissives pour les caméras électrostatiques, 50 tubes de caméras électrostatiques, 410 cellules pour les caméras Grand Champ, 25 tubes de caméras Grand Champ, etc. La caméra électronique sera à l’honneur sur le stand du CNRS au pavillon France de l’Exposition Internationale de 1967 à Montréal.
Pour le dépouillement des clichés, un micro densitomètre performant était nécessaire. Ce sera en 1972 la MAMA (Machine Automatique à Mesurer pour l’Astronomie), installée dans l’aile Est du bâtiment Perrault. La fabrication des photomultiplicateurs et photocathodes, dirigée par Françoise Gex à partir de 1964, s’installera dans un nouveau bâtiment construit en 1977, l’actuel « bâtiment B ».
Les observations avec les caméras électroniques sont assurées jusqu’en 1989. L’avantageux capteur CCD (Charge-Coupled Device) inventé dans les laboratoires Bell en 1969, avec un fonctionnement beaucoup plus facile que la caméra électronique, va progressivement mais durablement équiper les observatoires à partir de 1985.
Le travail et la carrière d’André Lallemand ont été récompensés par de très nombreuses distinctions françaises et étrangères. Un prix Lallemand a été créé en 1990 par l’Académie des sciences, grâce à une souscription honorant la mémoire de l’astronome.
Pour en savoir plus sur la caméra Lallemand suivez ce lien
Nicolas Leste-Lasserre
[1] Le Petit Coudé, aujourd’hui disparu, est le premier instrument du genre réalisé en 1882 par Maurice Loewy, avant la construction du Grand Coudé en 1891, instrument dont il reste quelques éléments et le bâtiment aujourd’hui désaffecté
[2] Aujourd’hui encore, un souffleur de verre travaille dans le bâtiment Lallemand
[3] Notice nécrologique sur André Lallemand, Charles Fehrenbach, Institut de France, 1978.