Patrimoine insolite : la mèche de cheveux de Newton

Comme le Musée Galilée, qui expose à Florence le doigt du célèbre astronome dont il a pris le nom, l’Observatoire de Paris conserve des objets inattendus. Ainsi, en 1965, les arrières petits-enfants d’Urbain Le Verrier firent don à notre établissement d’un ensemble d’archives dans lequel figurait...une mèche de cheveux d’Isaac Newton.

La mémoire de Newton, comme celle de Galilée, a été célébrée par la conservation de "reliques", pieusement prélevées et conservées. La figure du savant rejoint ainsi celle du saint dans la mémoire collective. Comme toutes les reliques, dérobées, transmises, données, vendues, la mèche de cheveux de l’Observatoire a une longue histoire.

La mèche de cheveux de Newton, Ms 1071/3
© Observatoire de Paris

En 1847, Madame Le Verrier reçoit de J. Johnson -il s’agit sans doute de l’astronome Manuel John Johnson (1805-1859)- ce précieux cadeau en souvenir du séjour de son mari à Oxford et plus largement en reconnaissance de sa contribution à la science. Un certificat d’authenticité accompagne la précieuse mèche. Il précise qu’elle faisait partie d’une mèche plus importante qui appartenait au Comte de Portsmouth, héritier quasi direct d’Isaac Newton. Sa mère était en effet Catherine Conduit (1719-1750), elle-même arrière petite fille de Hannah Asycough, mère de Newton. Ce dernier étant mort sans enfant, ses manuscrits et souvenirs étaient passés à la troisième fille d’Hannah, née du second mariage qu’elle avait contracté avec le Révérend Barnabas Smith.

Certificat d’authenticité et provenance de la mèche de cheveux, Ms 1071/4
© Observatoire de Paris

Les choses se compliquent ensuite : le comte de Portsmouth donne en 1784 une partie de la mèche au révérend John Garnett qui la divise à nouveau pour en faire don à plusieurs de ses amis, notamment un certain B. Greenwood qui l’offre deux ans plus tard à un dénommé J. Bayner. C’est ce dernier fragment qui est parvenu à l’Observatoire sans qu’on sache très bien comment il a quitté la famille Bayner. Le récit des tribulations de la mèche s’arrête en effet en 1821 et l’on ignore donc comment elle est parvenue entre les mains de M. J. Johnson.
D’autres mèches sont conservées dans différentes institutions, notamment la Bibliothèque du Trinity College à Cambridge qui revendique la même provenance que celle de l’Observatoire de Paris. Certaines ont fait l’objet d’études : en 1979, on trouve dans l’une d’elle un taux significatif de mercure, ce qui accrédite l’hypothèse d’un auto-empoisonnement accidentel de Newton et explique la crise nerveuse qu’il a traversée en 1693. Plus récemment, en 2004,des biologistes rapportent dans la revue Current biology la difficulté d’authentifier des séquences anciennes ADN en raison des risques de contamination des échantillons. Ils y citent au passage une étude non publiée portant sur six mèches attribuées à Newton : toutes ne provenaient pas du même individu... Notre mèche n’a donc pas fini de susciter des interrogations !

Pour en savoir plus sur Newton et l’Observatoire de Paris, voir l’article de Suzanne Débarbat

Laurence Bobis

Modifié le 25 mai 2016