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La plus grande concentration de matière à grande échelle de l’Univers proche

1er novembre 2005 La plus grande concentration de matière à grande échelle de l'Univers proche

Depuis les années 80’s, nous savons que notre Galaxie, la Voie Lactée, et la trentaine de galaxies voisines qui forment avec elle le "Groupe Local" de galaxies, se dirige à grande vitesse dans la direction du Centaure. Sans doute y-a-t-il dans cette direction un "Grand Attracteur", c’est-à-dire un superamas de galaxies très massif, dont la gravité attire le Groupe Local dans sa direction. Une collaboration internationale, animée par un astronome de l’Observatoire de Paris, vient de mettre en évidence la plus grande concentration de matière à grande échelle dans l’Univers proche, à moins de 500 millions d’années lumière de nous. Cette concentration explique pour moitié la "Grande Attraction" recherchée, mais il reste encore à trouver la seconde moitié.

Figure 1 : Le centre du superamas Shapley 8 Palomar Observatory Sky atlas - National Geographic Society.

Les galaxies ont été sélectionnées à partir de plaques photographiques de l’Observatoire Européen Austral (ESO), numérisées sur la MAMA (machine à mesurer automatique) de l’Observatoire de Paris. Les observations ont été effectuées avec le télescope Du Pont de 2.50m de l’Observatoire de Las Campanas (Chili) équipé du spectrographe 2D-frutti, le télescope de 3.60m de l’ESO et des spectrographes OPTOPUS et MEFOS à La Silla (Chili), et le télescope UKST de 1.80m de l’Anglo-Australian Observatory (Australie) équipé des spectrographes FLAIR et 6dF. En complétant les observations par les vitesses contenues dans la base de données extragalactiques de la NASA (NED), 10529 vitesses ont été ainsi rassemblées, correspondant à 8632 galaxies. Dans la partie centrale du superamas, 90% des galaxies ont pu être mesurées jusqu’à la magnitude 18.0, et au total 61% des objets du superamas ont été observés.La figure 2 montre le diagramme "en cône" de ces galaxies. La vitesse est portée en fonction de l’ascension droite comprise entre 12h 30 et 14h 30. On remarque sur cette figure le superamas Hydra-Centaurus, dont les galaxies ont une vitesse moyenne de récession de 4000 km/s, en "avant plan" (par rapport à le ligne de visée). Il est relié par un pont de galaxies au superamas de Shapley proprement dit dont les 5701 galaxies ont une vitesse moyenne de récession de 15400 km/s. Cette énorme structure est composée d’un empilement de trois "feuilles" de galaxies, reliées entre elles par plusieurs amas comme le montre la figure 3, où la vitesse est portée en fonction de la déclinaison (vue perpendiculaire à la précédente), entre –20° et –40°.

Figure 2 : Diagramme en cône (ascension droite) des galaxies observées dans la région du superamas de Shapley jusqu’àune vitesse de récession de 30 000 km/s.

De nombreuses ramifications relient le superamas de Shapley à d’autres superamas, soulignant la distribution en filaments de la matière dans l’Univers proche. En outre, l’analyse du superamas a permis de montrer qu’il est composé de 44 amas de galaxies, dont ceux situés au centre sont des sources de rayonnement X, indiquant la présence de gaz à très haute température, plus de dix millions de degrés. Chaque amas est caractérisé par une structure oblongue due à la force de gravitation mutuelle des galaxies au sein de l’amas. Cette structure porte le nom générique de "doigt de Dieu". Les galaxies contenues dans le superamas de Shapley présentent une surdensité de matière dans un rapport 5.4 ± 0.2 de la densité moyenne, soit une valeur de la densité nettement plus grande que les superamas voisins, tel celui de la région Horloge-Réticule dont l’excès de densité n’est que de 2.4. Le superamas de Shapley s’étend sur plus de 120 millions d’années lumière, son volume étant équivalent à celui d’une sphère de 80 millions d’années lumière de rayon, ce qui en fait la plus grande concentration de matière à grande échelle dans l’Univers proche, à moins de 500 millions d’années-lumière de nous. À l’aide des données obtenues, les astronomes ont déterminé la luminosité et la masse du superamas en utilisant différents modèles tels que la détermination de la masse par les propriétés X, l’analyse des champs de vitesse de chaque amas de galaxies ou encore par le modèle de collapse sphérique. Ils ont obtenu une luminosité totale de l’ordre de 1.4 x 1014 fois celle du Soleil pour une masse du superamas de l’ordre de 5 x 1016 fois celle du Soleil. Bien que très élevée, cette masse ne représente que la moitié de celle qui devrait être présente pour attirer le Groupe Local dans la direction du superamas. Outre les barres d’erreur, il reste à mettre en évidence une quantité de matière identique, dans la même direction pour pouvoir rendre compte du mouvement particulier de la Galaxie.

Figure 3 : Diagramme en cône (déclinaison) des galaxies observées dans la région du superamas de Shapley jusqu’àune vitesse de récession de 30 000 km/s.

Référence Dominique Proust, Hernan Quintana, Eleazar R. Carrasco, Andreas Reisenegger, Eric Slezak, Hernan Muriel, Rolando Dünner, Laerte Sodré Jr., Michael J. Drinkwater, Quentin A. Parker, Cinthia J. Ragone, Structure and dynamics of the Shapley Supercluster, astro-ph/0509903, Astronomy and Astrophysics, in press.

Contact

  • Dominique Proust (Observatoire de Paris, GEPI)