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Une méthode numérique "multi-zoom" pour étudier la formation des galaxies

1er septembre 2005

Lors de sa croissance, une galaxie absorbe la matière qui l’environne par attraction gravitationnelle. Ce processus peut se dérouler par à-coups : fusion avec une galaxie voisine, ou en douceur : accrétion lente du milieu intergalactique diffus. La part relative des fusions et de l’accrétion dépend de l’environnement : amas de galaxies ou vide entre les amas, et détermine l’évolution morphologique de la galaxie. Seules des simulations à grande dynamique d’échelle peuvent permettre de mieux comprendre ces processus ; c’est pourquoi des astronomes de l’Observatoire de Paris ont mis au point de telles simulations, avec une nouvelle méthode numérique. L’ évolution du taux d’accrétion de gaz des galaxies, de 5 milliards d’années après le Big-Bang jusqu’à nos jours a pu ainsi être étudiée, de même que la géométrie de l’accrétion. Il s’avère que l’accrétion de gaz domine sur les fusions, dans la formation des galaxies.

Pour étudier l’accrétion, une large gamme d’échelles doit être prise en compte : de moins de 3000 années-lumière, pour distinguer entre accrétion du milieu diffus et fusion avec une galaxie naine, à quelques 30 millions d’années-lumière pour que le cube simulé représente une fraction représentative de l’univers et que les résultats ne soient pas biaisés par les conditions périodiques imposées au système. Dans ce but, a été développée la technique numérique N-corps dite "multi-zoom" pour couvrir la gamme d’échelles requise avec des moyens de calcul raisonnables. Les résultats de cette technique sont illustrés sur la Figure 1. Le principe est de réaliser successivement, une série de simulations dans des boîtes dont la taille est divisée par 2 à chaque étape, en augmentant d’un facteur 8 la résolution en masse à chaque fois. Lors de la simulation n , à chaque pas de temps est enregistré le champ de marée gravitationnel créé dans la zone que traitera la simulation n+1 par la matière située à l’extérieur de cette zone. Est également enregistré le flux de matière entrant dans cette zone. Les mêmes données enregistrées à l’étape n-1 servent à tenir compte de l’influence de la matière située à l’extérieur de la boîte de simulation n. A l’étape n=1 des conditions périodiques sont appliquées au système. Cette procédure permet de n’appliquer la résolution maximale que dans une faible fraction du volume initial, dans une zone où se forme une galaxie ou un amas. La méthode multi-zoom est couplée à un code de dynamique N-corps prenant en compte la matière noire, deux phases de gaz (chaud-diffus et froid à structure fractale) et une phase stellaire ainsi que les échanges de matière et d’énergie entre ces phases. Le calcul des interactions gravitationnelles, de la formation d’étoiles, du chauffage/refroidissement du gaz, permet une étude détaillée de l’accrétion de gaz sur la formation des galaxies.

En zoomant sur 4 niveaux dans différentes régions de la boîte de simulation initiale (60 millions d’années-lumière) 10 galaxies ont pu être isolées, contenant de 3.7 1010 à 1.9 1012 masses solaires ( 5 103 à 2.5 105 particules). La croissance de ces galaxies a été suivie pas à pas, ce qui a permis de montrer que l’accrétion apporte une plus grande fraction de la masse finale (45% à 95% suivant les cas) que les fusions avec d’autres galaxies. Le taux d’accrétion, de 1 à 100 masses solaires par an est comparable au taux de formation d’étoiles : l’accrétion remplit le réservoir de gaz froid galactique qui nourrit la formation stellaire. Enfin des cartes d’accrétion pour chaque galaxie ont pu être tracées en coordonnées galactocentriques.

L’ analyse de ces cartes révèle que la géométrie de l’accrétion est assez variable. Certaines constantes se dégagent pourtant. L’accrétion n’est pas isotrope, elle est prédominante dans le plan galactique si l’on se situe entre 150 et 300 000 années-lumière du centre galactique. Cette prédominance est plus marquée pour l’accrétion du gaz que pour celle de la matière noire. Cette directivité de l’accrétion aurait une conséquence sur le taux de rotation et la taille des disques.