Depuis longtemps, on pensait que les galaxies naines situées au voisinage de la Voie lactée s’étaient satellisées autour d’elle il y a plusieurs milliards d’années. Mais cette idée a pu directement être remise en question grâce aux nouvelles données astrométriques du satellite Gaia, publiées en décembre 2020 dans le catalogue EDR3, et à ce jour les plus précises au monde à disposition de la communauté scientifique.
Une équipe internationale dirigée par un astronome de l’Observatoire de Paris – PSL au département Galaxies, étoiles, physique et instrumentation - GEPI (Observatoire de Paris – PSL / CNRS) et associant des scientifiques du National Astronomical Observatory of China (NAOC) et du Leibnitz Institute for Astrophysics at Postdam (AIP) s’est en effet penchée sur les mouvements propres des galaxies naines autour de la Voie lactée.
Et le résultat de l’étude est une complète surprise.
L’équipe a calculé les mouvements de 40 galaxies naines cartographiées par Gaia autour de la Voie lactée. Pour ce faire, elle a mesuré, pour chaque galaxie, un ensemble de quantités connues sous le nom de vitesses tridimensionnelles, puis en a déduit leurs énergies orbitales et leurs moments angulaires (rotationnels) [1]. Ce sont ces deux dernières quantités qui ont créé la surprise : elles se sont avérées bien plus grandes, comparées à celles d’autres objets astronomiques entourant notre Galaxie que sont les étoiles géantes ou les amas d’étoiles appelés "amas globulaires".
Il est admis que tous les objets qui gravitent au voisinage de la Voie Lactée - étoiles géantes, amas globulaires et galaxies naines -, ont des énergies et moments angulaires (rotationnels) qui décroissent avec le temps. Ils subissent en effet des pertes d’énergie dues à des effets de marée ou au gré de rencontres avec d’autres objets. En d’autres termes, plus ils sont en orbite sur de longues périodes, plus leurs énergies et moments angulaires diminuent en intensité.
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Lire aussi :
La story parue à ce sujet sur le site de l’ESA ✴ en anglais
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L’étude qui paraît en ligne dans la revue Astrophysical Journal permet de réécrire l’histoire des galaxies naines situées dans l’environnement de Voie lactée. On sait déjà que la plupart des étoiles géantes entourant la Galaxie résultent d’une ancienne collision qui a formé la Voie Lactée, il y a huit à dix milliards d’années. D’autres étoiles sont dans un gigantesque courant stellaire, dont l’origine est liée à la chute et à la destruction de la galaxie naine du Sagittaire dans la Voie Lactée, il y a 4 à 5 milliards d’années…
Mais parce que les galaxies naines ont des énergies et moments angulaires plus grands, l’étude conclut qu’elles ont rejoint la Voie Lactée beaucoup plus récemment : il y a seulement un ou deux milliards d’années. Dans ces conditions, elles ont à peine eu le temps de compléter une seule orbite. Il en résulte que ces galaxies naines viennent juste d’arriver à proximité de la Voie Lactée.
Il y a deux conséquences à cette découverte :
- La première, c’est que cette arrivée récente des galaxies naines au voisinage de la Galaxie est concomitante avec celle des Nuages de Magellan. Cela implique que notre Galaxie a très peu de vrais satellites contrairement à ce que l’on pensait.
- La seconde conséquence porte sur la présence de matière sombre dans les galaxies naines. Si ces dernières étaient des satellites de notre Voie lactée depuis plusieurs milliards d’années, elles devraient contenir beaucoup de matière sombre pour survivre aux gigantesques forces de marée de notre Galaxie. Puisque ces galaxies viennent d’entrer à proximité de la Voie Lactée, la présence de la matière sombre n’est plus nécessaire.
La question centrale est maintenant de savoir si ces petites galaxies naines sont à l’équilibre ou en processus de destruction.
Référence
Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé “Gaia EDR3 proper motions of Milky Way dwarfs. II : Velocities, Total Energy and Angular Momentum”, par F. Hammer et al., paru en ligne le 24 novembre 2021 sur Astrophysical Journal
Doi : 10.3847/1538-4357/ac27a8.
Collaboration
L’équipe scientifique est composée de François Hammer (Observatoire de Paris – PSL), Jianling Wang (National Astronomical Observatory of China), Marcel Pawlowski (Leibniz-Institut for Astrophysics), Piercarlo Bonifacio (CNRS), Yanbin Yang (CNRS), Hefan Li (University of the Chinese Academy of Sciences), Carine Babusiaux (Université Grenoble Alpes), Frédéric Arenou (CNRS)
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[1] Le moment angulaire est le produit de la vitesse tangentielle de la galaxie naine (la composante de la vitesse qui est projetée sur le ciel) par sa distance au centre de la Voie Lactée.
Dernière modification le 12 janvier 2022