
Lancé le 19 décembre 2013 depuis Kourou, le satellite européen Gaia a été posté au point Lagrange à 1,5 million de km de la Terre. Depuis le 25 juillet 2014, il opère par un mouvement rotatif un balayage systématique du ciel. Aussi détecte-il au sein de la Voie lactée et dans ses environs tous les objets dont la magnitude apparente se situe entre 3 et 21.
Cela concerne principalement les étoiles, mais aussi les planètes, satellites et astéroïdes du Système solaire, les quasars, les lentilles gravitationnelles et, indirectement, des exoplanètes… Ses trois instruments – astrométrique, photométrique et spectroscopique – permettent d’en faire la caractérisation complète.
À ce jour, Gaia a réalisé 1 600 milliards de mesures astrométriques, 320 milliards de mesures spectrophotométriques et 32 milliards de spectres. Ces données ont déjà permis de livrer le 16 septembre 2016 un premier catalogue, DR1, puis le 25 avril 2018, un deuxième, DR2.
Depuis lors, l’ESA enregistre sur sa base de données dédiée des records de consultations mensuelles : 5 000 utilisateurs, ainsi que 2,5 à 5 de millions de requêtes. Au total, plus de 3 800 publications scientifiques s’appuient sur des données de DR2.
Le 3 décembre 2020, c’est donc au tour du troisième catalogue de voir le jour, plus exactement sa première partie : le « early » DR3. S’il nous parvient sous une forme partielle, c’est que le volume total des données collectées est colossal mais qu’il convient dores et déjà de partager à la communauté celles qui sont déjà prêtes.
La parution complète du catalogue Gaia DR3 est prévue au premier semestre 2022. A cette date, il contiendra toute l’analyse des données obtenues par Gaia pendant les 34 premiers mois de mission, soit sur une période comprise entre le 25 juillet 2014 et le 28 mai 2017. Cette version proposera de nombreux et nouveaux résultats dont la France est le principal contributeur. Cela mobilise au CNES, à Toulouse, une ferme de 6 000 cœurs de calcul et un volume de 5 péta-octets de données.
Les apports de EDR3
Par rapport à la version antérieure DR2, ce nouveau catalogue est considérablement enrichi : il contient désormais les positions, éclats et couleurs de 1,8 milliard d’étoiles. Pour les objets dont la magnitude apparente est située entre 12 et 17, le catalogue est quasi complet. Pour 1,5 milliard de ces sources, les parallaxes, les mouvements propres et la couleur sont également disponibles.
Par rapport à Gaia DR2, Gaia EDR3 constitue une avancée majeure. Pour les données astrométriques et photométriques, il gagne en précision, en exactitude et en homogénéité. La précision sur les parallaxes trigonométriques est améliorée d’environ 30% et celle des mouvements propres est typiquement deux fois meilleure.
Toutes les positions et mouvements propres des objets sont rattachés à la troisième réalisation du repère de référence Gaia (Gaia CRF3, Gaia Reference Frame). Matérialisé par 1 614 173 quasars (soit trois fois plus que pour Gaia DR2), Gaia-CRF3 est aligné sur le repère de référence international (ICRF) à mieux que 0,01 milliseconde de degré.
La photométrie est, elle aussi, plus précise, mais surtout beaucoup plus homogène sur l’ensemble du ciel et sur toute la gamme des magnitudes et des couleurs, sans aucune erreur systématique supérieure à 1%.
Gaia DR3 inclut enfin les 7 millions de vitesses radiales déjà contenues dans Gaia DR2, mais corrigées pour l’occasion d’un petit nombre de valeurs erronées.
Premières applications de EDR3
La sortie de Gaia EDR3 s’accompagne de quatre articles scientifiques parus dans la revue Astronomy & Astrophysics, démontrant son potentiel scientifique dans quatre domaines différents :
- Un catalogue très complet des 331 312 étoiles situées à moins de 100 parsecs du Soleil, permettant nombre de recherches sur les luminosités, la cinématique et les orbites de ces étoiles, parmi lesquelles notamment les plus faibles dont le recensement était jusqu’ici très incomplet ;
- Une étude détaillée des différentes populations d’étoiles, d’origine galactique et extragalactique, en direction de l’anticentre galactique. En sondant les confins du disque de la Voie lactée, sa dynamique complexe y est dévoilée ;
- Une étude complète de la structure, de la cinématique et des propriétés des deux Nuages de Magellan et de leurs différentes populations d’étoiles, ainsi que du pont (le « Magellanic Bridge ») qui les relie, montrant le courant d’étoiles partant du Petit Nuage de Magellan et allant vers le Grand Nuage ;

- Une étude des mouvements propres par rapport aux quasars de Gaia EDR3 qui révèle un effet systématique dû à l’accélération du barycentre du Système solaire par rapport au repère de référence des sources extragalactiques distantes. C’est l’amélioration spectaculaire de la qualité de l’astrométrie et la diminution drastique des erreurs systématiques qui ont rendu cette mesure possible.
Le plus vaste relevé de la Voie lactée est loin d’être achevé. Il sera complété au fur et à mesure du traitement des données. Trois autres rendez-vous sont prévus, DR3 dans sa version intégrale en 2022, puis DR4 et DR5. Le dépouillement complet s’étendra sur près de 20 ans.
Rappels contextuels de la mission spatiale Gaia
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