Un des objectifs scientifiques du spectromètre imageur visible et infrarouge à bord de Rosetta (VIRTIS) est de cartographier l’émission de différents gaz provenant de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko et d’étudier leur évolution avec l’activité cométaire.
Début octobre 2014, l’activité cométaire de la région au-dessus du « cou » de la comète est devenue suffisamment importante pour permettre la détection de l’eau (H2O) et du dioxyde de carbone (CO2) par le canal à haute-résolution de l’instrument, VIRTIS-H.
L’instrument comporte un autre canal, le spectro-imageur visible et proche infrarouge VIRTIS-M, qui cartographie quant à lui la surface cométaire.
Cartographie d’émission des gaz, traceur d’activité
Les spectres acquis par VIRTIS-H ont permis de révéler de nombreuses informations sur le gaz dans la coma.

Ces spectres montrent dans l’infrarouge des bandes moléculaires dont le profil dépend de la température de la coma, tandis que l’intensité de ces signatures spectrales est fonction du nombre de molécules présentes sur la ligne de visée de VIRTIS.
À partir de ces mesures, l’abondance relative du dioxyde de carbone par rapport à l’eau est estimée à environ 4%, montrant que la comète 67P/C-G n’est pas aussi riche en dioxyde de carbone que la comète 103P/Hartley. En effet, l’abondance relative de 103P/Hartley, mesurée en 2010 lors de la mission EPOXI de la NASA, avait été évaluée à environ 20%. Les deux comètes appartiennent à la même famille de Jupiter et à ce titre, il est intéressant de les comparer.
Comparer les différences de température
Depuis juillet, VIRTIS mesure la température moyenne de la surface cométaire, qui est d’environ -70°C. Les nouvelles mesures du gaz dans la chevelure donnent à présent aux scientifiques des informations sur la température à une distance donnée de la surface. Ainsi, à un kilomètre de la surface (soit à la distance où les mesures ont été effectuées), la température est d’environ -183°C.
La différence de température est grande, mais attendue. Elle s’explique par le fait qu’au moment de l’expansion des gaz dans la coma, ceux-ci sont accélérés et refroidis par un mécanisme appelé "détente adiabatique", provoquant une baisse de leur température, qui tombe alors bien en-dessous de la température de surface.
La détection des gaz dans l’atmosphère de la comète (la coma) à un stade précoce de la mission est importante afin de comprendre la structure des glaces présentes à l’intérieur de la comète.
Même si l’eau et le dioxyde de carbone ont déjà été découverts (respectivement par MIRO et ROSINA), VIRTIS permet de détecter à distance ces deux molécules simultanément et par conséquent, de mesurer directement leur abondance relative.
Une indication supplémentaire est ainsi fournie sur les abondances relatives au niveau du noyau, là où les gaz sont libérés.
De plus, des détections indépendantes par différents instruments à bord de Rosetta confirment la robustesse des mesures. Ces nouvelles mesures obtenues par VIRTIS représentent donc un élément important permettant de déterminer de quoi la comète est faite.
À mesure que la comète 67P/C-G se rapprochera de son périhélie en août 2015, son activité ira en augmentant et les scientifiques observeront les variations de température à sa surface et dans sa coma. VIRTIS les aidera à déterminer la distribution du dioxyde de carbone et de l’eau, ainsi que celle d’autres espèces mineures telles que par exemple le monoxyde de carbone (CO), le méthanol (CH3OH), le méthane (CH4), le formaldéhyde (H2CO) et des hydrocarbures comme l’acétylène (C2H2) et l’éthane (C2H6).
Les chercheurs impliqués au LESIA sur ces premiers résultats de VIRTIS-H sont Dominique Bockelée-Morvan, Stéphane Érard et Cédric Leyrat, avec le concours de Florence Henry, Sophie Jacquinod et Jean-Michel Reess.