S’il y a bien un objet dans le Système solaire au sein duquel l’on ne s’attendait pas à trouver de l’eau à l’état liquide, c’est sans nul doute Mimas.
À la différence de sa grande sœur Encelade, la surface de Mimas est extrêmement cratérisée et inactive, ne témoignant d’aucun signe d’activité sous sa surface. De plus, Mimas est une lune de taille modeste (de l’ordre de 400 km de diamètre), taille qui ne lui permet pas de retenir longtemps sa chaleur interne.
C’est en étudiant le mouvement de l’orbite de Mimas, grâce aux données de la sonde Cassini de la NASA, que les chercheurs sont parvenus à confirmer la présence d’un océan sous l’ensemble de la surface glacée du satellite.
Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont étudié l’effet de la rotation de Mimas sur son orbite. Comme la plupart des lunes du Système solaire proches de leur planète, Mimas présente toujours la même face à Saturne. La rotation du satellite sur lui-même s’effectue donc à la même fréquence que son mouvement orbital. En plus de cette rotation moyenne, Mimas voit sa rotation affectée par de petites oscillations, appelées librations. C’est précisément la rétroaction de ces librations sur le mouvement orbital que les chercheurs ont étudiée.
En comparant la solution issue des modèles numériques qui décrivent l’orbite de Mimas aux observations fournies par la sonde Cassini, ils ont découvert que les caractéristiques fines de l’orbite de Mimas ne peuvent s’expliquer que par la présence d’un océan global caché sous toute la surface du satellite.
De plus, en y associant les mesures directes des librations, ils ont pu déduire que l’épaisseur de la coquille de glace de Mimas est comprise entre 20 et 30 km, soit une épaisseur comparable à la coquille de glace d’Encelade.
Afin de déterminer l’origine et l’âge de cet océan, les chercheurs ont modélisé les effets de marées provoqués par la planète Saturne sur Mimas. Les calculs ont montré que la naissance de cet océan, datant seulement de 5 à 15 millions d’années, a très certainement été causée par le triplement de l’excentricité orbitale initiale de Mimas, sous l’influence gravitationnelle de plusieurs autres lunes de Saturne. L’amorce de l’activité interne est donc tellement récente qu’elle explique la raison pour laquelle aucun signe d’activité n’a encore jamais été constaté en surface.
Mimas rejoint ainsi le club très fermé des lunes qui possèdent un océan d’eau global [1]. C’est même la plus petite d’entre elles.
À la différence des autres lunes où un océan a déjà été détecté, il s’agit ici d’un océan naissant, offrant des conditions uniques pour étudier, de nos jours, des processus d’interaction eau-roche, tels qu’ils ont pu exister dans de nombreux corps, au jeune âge du Système solaire.
Cette découverte en fait une cible unique pour étudier les conditions primitives d’apparition de la vie.
Explications en vidéo
"Mimas : à la recherche de l’océan caché" [durée : 6:28]
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Référence
Ce travail de recherche fait l’objet d’un article intitulé "A recently-formed ocean inside Saturn’s moon Mimas" par Valéry Lainey (astronome de l’Observatoire de Paris - PSL, IMCCE), Nicolas Rambaux (enseignant-chercheur à Sorbonne Université, IMCCE), Gabriel Tobie (chercheur CNRS, Nantes Université), Benoît Noyelles (Enseignant-chercheur à l’Université Franche-Comté, UTINAM), Kévin Baillié (chercheur CNRS, à l’Observatoire de Paris - PSL, IMCCE), Nick Cooper, chercheur honoraire (Queen Mary University of London) et Qingfeng Zhang (Jinan University), qui paraît le 8 février 2024 dans la revue Nature.
DOI : 10.1038/s41586-023-06975-9
https://www.nature.com/articles/s41586-023-06975-9
[1] La présence d’un océan sous la coquille de glace de Mimas avait déjà été suggérée par la même équipe en 2014. Elle est désormais démontrée, à l’instar des océans internes des lunes Europe et Ganymède pour Jupiter, et Encelade et Titan pour Saturne.
Dernière modification le 29 mars 2024