GRB 230307A est le deuxième sursaut gamma le plus brillant jamais observé.
Son étude a permis de révéler du tellure, un élément plus rare que le platine sur Terre. D’autres éléments proches du tellure dans le tableau périodique – comme l’iode, qui est nécessaire à une grande partie de la vie sur Terre – sont également susceptibles d’être présents parmi les matériaux éjectés, lors de ce phénomène explosif.
Les résultats publiés dans la revue Nature du 25 octobre 2023 confortent l’hypothèse selon laquelle les fusions d’étoiles à neutrons constituent l’une des principales sources de production et d’expulsion dans le milieu interstellaire de certains des éléments les plus lourds connus dans l’Univers.
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Lire aussi l’information sur le site du CEA :
"James Webb : Première détection d’un élément lourd à 52 protons venant d’une fusion d’étoiles"
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Alors que les fusions d’étoiles à neutrons ont longtemps été théorisées comme étant les cocottes-minute idéales pour créer certains des éléments les plus rares et les plus lourds connus aujourd’hui, les astronomes ont rencontré jusqu’ici un certain nombre d’obstacles pour en obtenir des preuves solides.
Les sursauts gamma courts (traditionnellement considérés comme durant moins de deux secondes) et les kilonovae, que l’on attribue généralement à l’explosion produite par des fusions d’astres compacts, sont en effet des phénomènes extrêmement rares, ce qui les rend difficilement observables.
GRB 230307A : un sursaut particulièrement remarquable
Détecté pour la première fois par le télescope spatial Fermi de la NASA, le 7 mars 2023, GRB 230307A est le sursaut le plus brillant jamais observé en plus de 50 ans : environ 1 000 fois plus lumineux qu’un sursaut gamma classique observé par Fermi.
Ce sursaut a également duré 200 secondes. Ceci le place résolument dans la catégorie des sursauts gamma de longue durée, provenant en principe de l’effondrement d’une étoile massive (ce qui n’est pas le cas ici).
Une combinaison de plusieurs télescopes au sol et dans l’espace a permis aux scientifiques de rassembler une mine d’informations sur cet événement, dès la première détection de l’explosion.
Après celle-ci, une série intensive d’observations a été menée pour en localiser la source dans le ciel et suivre l’évolution de sa luminosité : menées dans les rayons gamma, les rayons X, l’optique, l’infrarouge et la radio, ces observations ont montré que la contrepartie optique/infrarouge était de faible intensité et qu’elle évoluait rapidement dans le temps, en passant du bleu au rouge, présentant toutes les caractéristiques d’une kilonova.
L’apport du Webb Telescope
Le spectre de la source, obtenu grâce au télescope James Webb, présente également de larges raies qui montrent que le matériau est éjecté à grande vitesse, avec une signature très claire : la présence du tellure, un élément plus rare que le platine sur Terre.
Les capacités infrarouges très sensibles de Webb ont aussi aidé les scientifiques à localiser l’"adresse cosmique" des deux étoiles à neutrons qui ont provoqué la kilonova : une galaxie spirale située à environ 120 000 années-lumière de la zone où s’est produite la fusion.
Comme le duo était lié gravitationnellement, les deux étoiles ont été propulsées ensemble dans l’espace à deux occasions distinctes :
- lorsque l’une des deux étoiles a explosé en supernova et est devenue une étoile à neutrons,
- et lorsque l’autre lui a emboîté le pas.
Ce système binaire a donc été expulsé de sa galaxie d’origine et a parcouru en distance l’équivalent d’environ le diamètre de la Voie lactée, avant de fusionner plusieurs centaines de millions d’années plus tard.
Les scientifiques s’attendent à l’avenir à trouver davantage de kilonovae, notamment grâce aux possibilités toujours plus nombreuses de combiner les télescopes spatiaux et terrestres, avec aussi les détecteurs d’ondes gravitationnelles, pour étudier les phénomènes variables dans l’Univers.
Leurs moyens seront enrichis, à partir du printemps 2024, avec la mission spatiale sino-française SVOM, dédiée à la détection, localisation et étude des sursauts gamma.
Référence
Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature du 25 octobre 2023 sous le titre : Heavy element production in a compact object merger observed by JWST, Levan et al.