Lancé le 26 décembre 2006, le télescope spatial CoRoT est né d’une initiative française. Il a été réalisé sous la maîtrise d’œuvre du CNES et sous la responsabilité scientifique de l’Observatoire de Paris, qui préside le comité scientifique rassemblant de nombreux laboratoires français et étrangers [1]. Il restera une référence scientifique.
Satellite pionnier, dédié à l’étude des étoiles et à la recherche de planètes extrasolaires, il a dès son lancement démontré l’efficacité de la méthode employée : la mesure ultra-précise (à un dix-millième) de l’intensité lumineuse des étoiles sur de longues durées (plusieurs mois) et de façon quasi continue. Avec à la clé une moisson de résultats inédits, loin d’être terminée puisqu’une partie importante des données reste à exploiter.
Les succès de CoRoT, initialement prévu pour une durée de vie de 3 ans, avaient conduit le CNES et ses partenaires à prolonger sa mission une première fois en 2009, puis une seconde fois en 2012. Mais après 6 ans de bombardement intense par les particules de haute énergie qui sillonnent l’espace, l’instrument de CoRoT a cessé de transmettre ses données le 2 novembre 2012, probablement victime de l’une d’elles et n’a pu être remis en service à distance par les équipes techniques du CNES et du CNRS. Un ensemble d’opérations va maintenant être réalisé pour abaisser l’orbite de CoRoT, réaliser des expérimentations technologiques puis passiver le satellite. Le voyage de CoRoT se terminera ensuite lorsqu’il se consumera dans l’atmosphère de la Terre.
Dans le domaine des exoplanètes, CoRoT a ouvert l’exploration du domaine des petites planètes avec la découverte de la première exoplanète tellurique confirmée autour d’une étoile semblable à notre Soleil, démontrant ainsi l’atout des observations spatiales. Au total, il a révélé à ce jour 32 planètes et une centaine d’autres en cours de confirmation.
Grâce à l’appui d’un vaste réseau d’observations complémentaires réalisées au sol, on dispose pour les planètes découvertes par CoRoT, de précieuses informations : leur rayon, leur masse et donc leur densité, révélatrice de la structure et de la composition interne de la planète, l’inclinaison et l’excentricité de leur orbite. Au-delà des nombres, c’est leur extraordinaire diversité qui est frappante, notamment dans le domaine des géantes gazeuses.
Certaines planètes, comme CoRoT-7b, orbitent autour de leur étoile en moins de 24 heures ! Corot-9b à l’inverse, avec sa période de 95 jours reste l’une des très rares exoplanètes « tièdes » en transit connues. Les densités de ces planètes présentent également d’étonnantes différences : celle de CoRoT-20b est près du double de celle de la Terre, révélant un intérieur planétaire très enrichi en éléments lourds dont l’origine est difficile à expliquer par les modèles actuels de formation des planètes ; d’autres comme CoRoT-26b sont encore moins denses que Saturne avec une taille anormalement grande elle aussi difficile à expliquer. Enfin, CoRoT a permis les premières mesures du rayon des « naines brunes », intermédiaires entre les étoiles et les planètes.
La formation et l’évolution des systèmes planétaires, basées jusque dans les années 1990 uniquement sur notre propre système, a connu un bouleversement avec la découverte depuis le sol des premières exoplanètes, très différentes en terme d’orbite ou de masse. Mais sans plus d’informations, il restait difficile d’en savoir plus sur leur nature. La mission spatiale avec son programme d’observations complémentaires au sol a ainsi fait passer la science des exoplanètes de l’ère de la détection à celle de la caractérisation et des études détaillées.
Six ans de labeur dans l’espace :
deux fois plus que prévu
CoRoT et le suivi au sol ont également ouvert une autre voie nouvelle, l’étude conjointe de l’étoile et de son cortège planétaire, et leurs interactions : effets de marée dans les étoiles, impact du rayonnement de l’étoile sur la structure de la planète et autres.
CoRoT a tout autant révolutionné la physique stellaire. En mesurant les fréquences et les amplitudes des vibrations des étoiles avec une précision inédite, il a littéralement ouvert un nouveau domaine, celui de l’analyse temporelle de la microvariabilité des étoiles.
Ces fréquences de vibration des étoiles, comme celles des instruments de musique, fournissent un diagnostic unique sur la structure, le fonctionnement et l’âge de l’étoile. Parmi les nombreux résultats de CoRoT, la découverte de vibrations comparables à celles du Soleil dans des étoiles très différentes, notamment plus massives ou plus vieilles, est fondamentale. L’enjeu ici est de mieux comprendre le fonctionnement interne des étoiles, ces usines où sont fabriqués tous les ingrédients des planètes et de la vie.
Pour les géantes rouges, ces étoiles en fin de vie très répandues dans notre Galaxie, CoRoT a démontré que les propriétés des oscillations sont des indicateurs précis de leur masse, de leur rayon et de leur âge, et il a pu les mesurer jusqu’au fin fond de notre Galaxie. Un résultat majeur qui, combiné à la mesure des positions et des vitesses avec GAIA, dévoilera l’histoire et l’avenir de ces régions lointaines de la Voie Lactée.
Si l’héritage de CoRoT est considérable, ses successeurs sont nombreux. A l’ESA, la mission Cheops, sélectionnée en 2012 pour un lancement en 2017, et les missions EChO et Plato, en compétition pour un lancement en 2024, se nourrissent de l’expérience de CoRoT. Au sol, de nombreuses campagnes de détection d’exoplanètes sont en cours. Outre Atlantique, le satellite Kepler de la NASA (aujourd’hui arrêté lui aussi) a suivi CoRoT à partir de 2009, et la mission TESS vient d’être sélectionnée. En 2012, malgré les succès de Kepler, la majorité des téléchargements de données depuis l’archive CoRoT a été effectuée depuis les États-Unis.
[1] Le satellite CoRoT a été développé et exploité par le CNES et l’Observatoire de Paris à travers son Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (Observatoire de Paris, CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Université Paris Diderot), le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (CNRS, Université d’Aix-Marseille), l’Institut d’Astrophysique Spatiale à Orsay (CNRS, Université Paris-Sud 11) et l’Observatoire Midi Pyrénées à Toulouse (Observatoire des Sciences de l’Univers du CNRS-INSU et de l’Université Paul Sabatier). Le projet a également bénéficié d’une importante participation européenne (Allemagne, Autriche, Belgique, ESA et Espagne) complétée par celle du Brésil.
Dernière modification le 21 décembre 2021