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Les grandes abondances en éléments lourds « cachées » par la poussière

21 juillet 2022

Pendant longtemps, les galaxies ultra-lumineuses en infrarouge, provenant de la fusion majeure de galaxies, sont apparues avec une abondance d’éléments lourds relativement faible, par rapport à des galaxies isolées de masse semblable, formant aussi des étoiles. Cela était interprété par la chute de gaz pauvre en métaux, provenant des parties externes des galaxies, qui alimentait la formation d’étoiles très active dans ces galaxies en fusion. Mais les mesures provenaient d’observations optiques. Une équipe anglo-américaine conduite par Nima Chartab a observé ces galaxies ultra-lumineuses en spectroscopie infra-rouge, permettant de pénétrer la poussière, et trouve en fait une abondance en métaux tout à fait comparable aux galaxies de même masse. La faible abondance de métaux n’était qu’un biais dû à l’obscuration de la poussière. Francois Hammer, astronome dans le laboratoire d’Études des Galaxies, Étoiles, de la Physique à l’Instrumentation (GEPI) à l’Observatoire de Paris - PSL, commente ces résultats dans un "News & Views" de Nature Astronomy publié le 18 juillet 2022

La plupart des grandes galaxies se sont formées après fusion d’entités plus petites, selon un scénario appelé « formation hiérarchique des galaxies ». C’est durant ces fusions que les étoiles se forment ainsi que les éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium. Les grandes galaxies fortement émettrices en infrarouge sont des galaxies en cours de fusion comme l’illustre la séquence montrée dans la Figure, de gauche à droite.

Un grand problème avec le scénario hiérarchique venait du fait que ces galaxies fortement émettrices en infrarouge, semblaient avoir beaucoup moins d’éléments lourds que les autres galaxies. Alors, les galaxies se formaient-elles vraiment par fusion, ou alors d’autres phénomènes expliquaient leur formation ?

Une équipe anglo-américaine conduite par Nima Chartab (Université de Californie) a soulevé le voile, en faisant la spectroscopie en infrarouge de ces galaxies, pour en déduire la fraction d’éléments lourds. Et là, surprise ! Contrairement aux mesures précédentes toutes faites aux longueurs d’onde visibles, elles possèdent autant d’éléments lourds que les autres galaxies de même masse. L’article est publié dans la revue Nature Astronomy, en Mai 2022.

Figure : Images des galaxies dont la chimie a été ré-analysée. Les images faites par le Télescope Spatial sont le résultat d’une composition entre les bandes en infrarouge proche, à 1.2 (bleu), à 1.6 (vert), et à 2.1 micron (rouge). Ces images suivent une séquence, de gauche à droite, qui montre les différentes étapes de la fusion entre deux galaxies. A gauche les deux galaxies se rencontrent (IRAS F08572+3915), puis se rapprochent et interagissent formant des queues de marée (IRAS 12112+0305), puis commencent à fusionner même si on distingue encore les deux noyaux (IRAS 15250+3609), pour finalement ne former plus qu’une galaxie, dont la morphologie est fortement affectée par la violence de la fusion (IRAS 17208-0014).

Que s’est-il passé ? L’astronome François Hammer de l’Observatoire de Paris, Paris Sciences et Lettres, interprète ces résultats, dans un article publié dans la revue Nature Astronomy le 18 Juillet 2022. Les analyses faites en lumière visible ne pouvaient identifier qu’une infime partie de la formation des éléments lourds dans ces galaxies, créant un biais observationnel. La formation des éléments lourds dans les galaxies montrées dans la Figure se concentre dans les régions centrales de ces galaxies en fusion. C’est là ou se forment en même temps les poussières qui nous cachent la formation d’étoiles et d’éléments lourds aux longueurs d’ondes visibles.

D’où la conclusion que les galaxies lumineuses en infrarouge font bien partie de la même séquence chimique que les autres galaxies. De plus, elles représentent bien les différentes étapes des fusions durant lesquelles toutes les galaxies se sont formées, qu’elles soient spirales ou elliptiques. Le scénario hiérarchique des galaxies est bien confirmé.

Références

  Chartab, Nima et al., Low gas-phase metallicities of ultraluminous infrared galaxies are a result of dust obscuration, Nature Astronomy 6, 844 (2022)

  Hammer, François, High abundances hidden in the very dusty medium, Nature Astronomy 6, 776 (2022)