Vendredi 14 avril 2023, à 14h14, heure de Paris, s’est élancée depuis Kourou la mission spatiale JUICE (Jupiter ICy moons Explorer), pilotée par l’ESA.
Message de l’ESA en date du 14/04/2023 :![]() |
Avec une arrivée prévue en 2031 après un très long voyage, la sonde disposera d’une phase d’observation de 3 ans et demi pour étudier le système jovien dans son ensemble :
- Jupiter, située à 628 millions de kilomètres de la Terre, la plus grande et la plus massive planète du Système solaire, gazeuse, dépourvue de surface ;
- et ses trois grandes lunes glacées : Ganymède, la plus grosse lune du Système solaire, supposée abriter sous sa surface glacée un océan liquide, et qui possède une magnétosphère, Callisto et Europe.

L’objectif de cette mission de grande ampleur de l’ESA est d’étudier l’habitabilité des lunes glacées de Jupiter, c’est-à-dire de déterminer si les conditions d’émergence de la vie peuvent y être réunies, d’obtenir de nouvelles données sur la formation du Système solaire et des planètes, et de caractériser la magnétosphère de Jupiter et son interaction avec ses lunes.
Au sein des laboratoires de l’Observatoire de Paris - PSL, nos scientifiques participent à cette incroyable aventure exploratoire, débutée, pour certains d’entre eux, il y a 15 ans :
◼ Au sein du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA), nos chercheurs sont intervenus bien en amont de la mission, dès 2010, en tant que membres de la Science Study Team, le groupe qui, à l’origine, a développé la proposition de la mission, puis porté Juice aux différentes étapes de sa sélection, jusqu’à son adoption définitive au sein de l’ESA en 2012.
◼ Au sein de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE), nos chercheurs ont participé à l’élaboration des éphémérides des lunes de Jupiter, pour la trajectoire de la sonde.
◼ Enfin, sous la maîtrise d’ouvrage du CNES, au sein du Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (LERMA) et du LESIA, nos scientifiques ont contribué à trois des dix instruments scientifiques embarqués :
▶ SWI (Sub-millimeter Wave Instrument)
Un radiotélescope hétérodyne pour l’étude de l’atmosphère
Au sein du Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (LERMA) de l’Observatoire de Paris - PSL, l’équipe d’instrumentation "Térahertz" développe, depuis des décennies, des radiomètres de pointe pour détecter, avec une grande précision en fréquence, des signaux extrêmement faibles émis par des molécules présentes dans les atmosphères planétaires, les nuages de gaz du milieu interstellaire ou encore les comètes [1].
En développant des circuits électroniques à l’échelle sub-micronique, à base de technologie semi-conducteurs ou supra-conducteurs, le groupe a été sélectionné pour participer à la conception et à la fabrication de l’électronique hyper-fréquence de l’instrument SWI. C’est à ce titre la deuxième contribution française instrumentale à la mission JUICE.
L’objectif est de détecter des signaux extrêmement faibles émis par des molécules en mouvement présentes dans les vents de haute altitude de Jupiter, puis dans les glaces de Ganymède et d’Europe.
L’instrument SWI fonctionne dans le domaine des ondes radio, dans des longueurs d’ondes inférieures au millimètre, à des fréquences très élevées (1012 Hertz = Térahertz). Il a été conçu pour pouvoir réaliser instantanément, ou pendant un temps très court, un spectre des signatures de molécules d’eau et de méthane, avec la résolution spectrale très élevée de 107.
(Re)Faire la visite guidée du laboratoire de l’équipe "Térahertz", filmée lors de la Fête de la science 2020 : |
Il n’existe pas à l’heure actuelle de capteurs commerciaux exploitables pour ce type de mesure. C’est la raison pour laquelle l’Observatoire de Paris - PSL développe, en laboratoire, à partir de nanotechnologies, des technologies de pointe pour réaliser ce type de capteurs, à 600 GHz et 1200 GHz.
Contributions scientifiques et industrielles à SWI : SWI a été développé sous la responsabilité scientifique du Max Planck Institute (Allemagne), avec la participation des laboratoires français :
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▶ RPWI (Radio and Plasma Waves Instrument)
Un instrument de mesure de plasmas et de champs électromagnétiques
Avec sa rotation rapide et son champ magnétique intense, Jupiter est un gigantesque accélérateur de particules. Ses ceintures de radiations sont si intenses que la sonde JUICE ne s’y risquera pas. Reste que l’un des principaux objectifs de la sonde est de caractériser la magnétosphère de la planète géante, sa structure et sa dynamique, ainsi que ses interactions électromagnétiques avec les lunes galiléennes, dont elle détaillera de manière comparée l’environnement local.
À cette fin, la suite instrumentale RPWI a été conçue pour fonctionner dans l’environnement extrême du système jovien. RPWI fournira des mesures sur les propriétés du plasma (densité, température), des ondes plasmas (avec les composantes électriques et magnétiques) et des émissions radio basses fréquences de la magnétosphère de Jupiter.
La contribution française à RPWI se traduit par la mise au point de quatre modules, le tout relié à un boîtier électronique de bord :
- SCM : un magnétomètre à induction ;
- MIME : un instrument de mesure des paramètres plasma ;
- LP : un capteur de langmuir ;
- RWI : un triplet d’antennes électriques radio basses fréquences.
▪ Le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA) de l’Observatoire de Paris - PSL assure la coresponsabilité scientifique (Co-PI ship) du consortium de l’instrument RPWI ;
Le LESIA a défini les spécifications de l’expérience JENRAGE (Jovian Environment Radio Astronomy and Ganymede Exploration). Cette expérience repose sur une combinaison d’instruments : l’antenne électrique RWI, un récepteur radio et un logiciel de bord innovant. JENRAGE surclasse les capacités instrumentales de l’instrument Waves de la sonde Juno, actuellement en orbite autour de Jupiter.
▪ Pour sa part, le Laboratoire de physique des plasmas (LPP) de l’École polytechnique, sous tutelle secondaire de l’Observatoire de Paris - PSL, est lead Co-I du consortium RPWI, assurant la responsabilité scientifique du magnétomètre à induction tri-axe SCM (Search-Coil Magnetometer), qu’il a réalisé en collaboration avec la DT-INSU (structure mécanique) et le GEEPS (électronique en technologie ASIC, pour la première fois).
SCM fournira pour la première fois des mesures tridimensionnelles des fluctuations magnétiques dans la magnétosphère de Jupiter. La performance des mesures attendues du magnétomètre est inédite, notamment grâce au mât déployable de plus de 10 m qui l’accueille et lui permettra de s’affranchir des perturbations de la plateforme du satellite. Ces mesures permettront des études très novatrices sur les interactions ondes-particules qui sont au cœur de processus fondamentaux, tels que : la reconnexion magnétique, la turbulence et l’accélération des particules, aujourd’hui largement inexplorés dans les plasmas joviens.
Contributions scientifiques à RPWI : RPWI a été développé sous la responsabilité scientifique du SNSB (Suède), avec la participation des laboratoires français :
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▶ MAJIS (Moons And Jupiter Imaging Spectrometer)
Un spectromètre imageur infrarouge pour caractériser la surface des lunes de Jupiter
Le spectro-imageur MAJIS est l’un des instruments majeurs de la mission JUICE. Sensible aux longueurs d’ondes comprises entre 0,4 et 5,7 μm, avec une résolution spectrale de 3 à 7 μm, il permet de sonder la composition chimique des atmosphères et la composition minéralogique et en glace des surfaces lunaires.
Ses objectifs scientifiques dans le système jovien sont très vastes, puisqu’ils visent à caractériser l’atmosphère de Jupiter depuis les profondeurs (pression de 5 bar) jusqu’à l’ionosphère (pression de quelques nano bar), à obtenir des cartes minéralogiques des satellites glacés galiléens à haute résolution spatiale, et à caractériser l’exosphère de ces satellites glacés.
Le LESIA a contribué techniquement à l’instrument MAJIS au niveau de la pipeline de traitement de données. L’expertise du laboratoire permet de développer des algorithmes dont le but est de fournir aux équipes scientifiques les paramètres géométriques d’observations afin de permettre l’analyse ultérieure des données. Le logiciel sera fourni à l’IAS et à l’ESA pour permettre le calcul des cubes de données géométriques en temps réel.
Contributions scientifiques à MAJIS : MAJIS a été fourni par l’IAS, un laboratoire du CNRS et de l’Université Paris-Saclay à Orsay (France) dans le cadre d’un partenariat technique CNES/IAS. Il a bénéficié de l’expertise du LESIA en France, avec la participation de l’IAPS (Italie) et de ROB (Belgique). |
Autres contributions
À souligner enfin :
◼ Athéna Coustenis est Co-Lead Scientifique de Juice et membre du comité Science Working Team.
◼ Valérie Lainey est CoI sur l’expérience Pride qui réalise le suivi sol de la sonde.
Il est par ailleurs Associate scientist sur la camera visible Janus, avec une implication sur l’astrométrie des lunes.
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(Re)Voir notre carte de vœux 2023, placée sous le signe de JUICE :
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[1] Exemples de réalisation au LERMA, à l’Observatoire de Paris - PSL, d’instruments de détection en fréquence radio Térahertz : SAPHIR (sur le satellite Megha-Tropiques pour l’observation de la Terre), HIFI (sur le télescope spatial Herschel), MIRO (sur la sonde cométaire Rosetta) ainsi que sur ALMA, grand radiotélescope au sol.