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Focus sur 40 ans d’observations au réseau décamétrique de Nançay

3 October 2017

Modernisé au fil du temps depuis sa mise en service fin 1977, le réseau décamétrique de la station de radioastronomie de Nançay (RDN) se distingue par une continuité des données, uniques au monde en radio basse fréquence, collectées à la faveur de plusieurs décennies d’observations.

Un bilan des résultats scientifiques récents, de la base de données et des récepteurs en service au RDN a été publié dans l’article [1], dont est extraite la figure ci dessous.

Figure1 : Jupiter decametric emission observed at various temporal (and spectral) scales by digital receivers in operation at the NDA
(top row) Low resolution data with the so-called « Routine » swept-frequency analyzer with, from left to right, the left-hand (LH) circularly polarized flux, the right-hand (RH) one, and the circular polarization ratio. (middle row) Same observations with the more sensitive "New Routine" multi-channel receiver. (bottom row) Zooms on the LH polarized emission with the "Juno-Nançay" receiver.

Jupiter : une radiosource complexe révélée par plusieurs décennies d’observation

Dans le cas de Jupiter, dont les émissions radio décamétriques sporadiques, découvertes en 1955, couvrent la gamme spectrale d’environ 1 à 40 MHz, l’analyse des données à haute résolution temporelle permet d’étudier finement le mécanisme d’émission radio, résultant d’une d’une instabilité cyclotron d’électrons énergétiques en mouvement dans le champ magnétique jovien.

La haute résolution temporelle compense l’absence de résolution angulaire et permet littéralement de "suivre" le mouvement des électrons le long des lignes de champ magnétique, de déterminer leur énergie, et d’en tirer des informations sur la manière dont ils ont été accélérés dans la magnétosphère de Jupiter.

L’analyse des données à basse résolution temporelle permet quant-à elle, par des études statistiques ou la comparaison à des simulations, de tirer des informations sur la topologie et l’amplitude du champ magnétique jovien ainsi que sur la dynamique à grande échelle de la magnétosphère de Jupiter incluant son interaction avec le vent solaire et avec les satellites galiléens, en particulier Io.

L’interaction électro-dynamique entre Io et Jupiter a été découverte dès 1964 par l’analyse statistique de l’occurrence des émissions radio de Jupiter en fonction de la phase orbitale de Io, et constitue l’exemple de référence des interactions planète-satellite.

Des "catalogues d’occurrence" de l’émission décamétrique de Jupiter ont été construits et publiés (dans A&A supplement series) depuis le début des opérations du RDN.

La disponibilité de plus de 25 ans de données numériques a motivé en 2016, grâce à la présence (et à la persévérance) d’un doctorant Brésilien (M. Marquès) au pôle plasmas du LESIA, la construction d’une base de données de l’émission radio jovienne couvrant la durée la plus longue à ce jour (6200 émissions relevées dans >8000 sessions d’observation représentant >54000 h d’observation), et contenant des informations beaucoup plus détaillées que par le passé.

La construction et la première analyse de cette base de données ont été publiées dans A&A [2].

Elle a permis de caractériser en détail les propriétés de l’émission décamétrique dépendante et indépendante de Io (probabilité d’occurrence, durée, intensité, polarisation, fréquence maximum), incluant notamment l’identification de nouvelles composantes du rayonnement (Figure 1).

L’analyse de l’occurrence de l’émission en fonction de la phase orbitale des satellites galiléens autres que Io a alors permis de détecter pour la première fois très clairement l’interaction électrodynamique Jupiter-Ganymède (Figure 2) et plus marginalement les interactions Jupiter-Europe et peut-être Jupiter-Amalthée [3]. Des indices de ces interactions avaient été déduits d’observations spatiales. Le bilan énergétique de ces interactions aura des implications sur la recherche d’émissions radio d’exoplanètes (article en préparation).

Figure 2
(left) Distribution of all Jupiter decametric emissions catalogued by Marquès et al. [2017]. The colors indicate the various radio components listed, including known and new ones. The plots resp. above and to the right of the figure give the integrated distributions as a function of resp. the rotation of Jupiter (CML = observer’s jovicentric longitude) and the orbital phase of Io (ΦIo). (right) This distribution splits into components depending on the position of Io (top), thus governed by the electrodynamic interaction Io-Jupiter, and components independent of this position (bottom), thus of auroral origin. .

Le RDN est aujourd’hui en opération sous la responsabilité scientifique de L. Lamy (LESIA) et la responsabilité technique de L. Denis (USN). Ses données sont exploitées par une équipe d’une petite dizaine de personnes à l’Observatoire de Paris (LESIA) et leurs collaborateurs étrangers.

Figure 3
(left) Probability of observing Jupiter’s decametric emission as a function of the rotation of Jupiter (CML) and the phase of Io. The components produced by the Io-Jupiter interaction are marked by letters and framed in white. Plotted as a function of the longitude of Io, the cumulative occurrence in all the white boxes groups in a single longitude range (around 150°-300 °). (right) Same diagrams but this time according to the orbital phase of Ganymede. The components produced by the Ganymede-Jupiter interaction clearly show up, and also group within a single longitude domain (around 180°-300°).

[11977-2017 : 40 years of decametric observations of Jupiter and the Sun with the Nançay Decameter Array, L. Lamy, P. Zarka, B. Cecconi, L.-K. Klein, S. Masson, L. Denis, A. Coffre, C. Viou, Proceeding to the 8th International Workshop on Planetary, Solar and Heliospheric Radio Emissions (PRE VIII), G. Fischer et al., eds, in press, preprint : https://arxiv.org/abs/1709.03821

[2Statistical analysis of 26 years of observations of decametric radio emissions from Jupiter, M. S. Marques, P. Zarka, E. Echer, V. B. Ryabov, M. V. Alves, L. Denis and A. Coffre, Astronomy and Astrophysics, 604, A17, 2017 https://www.aanda.org/articles/aa/pdf/forth/aa30025-16.pdf

[3Radio emission from satellite-Jupiter interactions (especially Ganymede), P. Zarka, M. S. Marques, C. Louis, V. B. Ryabov, L. Lamy, E. Echer, B. Cecconi, Proceeding to the 8th International Workshop on Planetary, Solar and Heliospheric Radio Emissions (PRE VIII), G. Fischer et al., eds, in press , preprint : http://arxiv.org/abs/1709.04386