La grande nébuleuse d’Orion, localisée à l’extrémité de l’épée de la constallation d’Orion, fait partie des objets les plus photographiés par les astronomes amateurs. La grande variété de couleurs des images obtenues traduisent l’interaction avec la matière interstellaire de l’intense rayonnement dans le domaine ultraviolet (UV) produit par les étoiles massives rassemblées dans l’amas dit du Trapèze. De part, leur proximité et leur concentration, ces étoiles massives attirent aussi l’attention des astronomes professionnels. Situé à une distance de 1350 années-lumières de la Terre, l’amas du Trapèze est en effet la région de formation d’étoiles massives la plus proche. Les astrophysiciens étudient cette région pour percer les secrets de la formation de ces étoiles lumineuses, qui produisent un rayonnement 200 000 fois plus intense que celui du soleil.
Javier Goicoechea nous explique : “Jusqu’à présent, nous avions une vision statique des phénomènes qui influencent la matière dans cette région de transition à cause de la faible résolution angulaire de la précédente génération de radiotélescopes. Avec ALMA, le changement est radical. Nous obtenons une image de très grande sensibilité et avec une précision de 1 seconde d’arc, l’angle sous lequel le système solaire serait vu, s’il était placé à la même distance que Orion.”
Cependant, le défaut de l’interférométrie, la technique utilisée par ALMA pour atteindre la résolution, est une réduction de la sensibilité pour les structures présentant un faible contraste avec le fond. Pour corriger ce biais qui affecte l’image en supprimant des informations importantes, l’équipe a obtenue des observations avec le grand radiotélescope de 30m de diamètre de l’IRAM et les a combinées de manière optimale avec celles résultant de l’interféromètre ALMA. Jérôme Pety indique : "de manière imagée, la combinaison nous donne une image de la peau du chasseur de la constellation d’Orion, alors que les données d’ALMA seules ne nous auraient révélé que les pores de la peau !”
Javier Goicoechea continue : "La combinaison des deux jeux de données révèle que le bord du nuage moléculaire est composée de filaments très fins et de petit globules, organisés en structures plus ou moins périodiques. L’explication de cette structure n’est pas intuitive. Dans une vision statique, on s’attend en effet à ce le rayonnement UV intense émis par les étoiles du Trapèze détruise les molécules et ionise les atomes. Dans une vision dynamique, le surplus d’énergie apporté par le rayonnement UV produit un choc qui comprime le bord du nuage moléculaire et conduit à la formation de filaments et globules dans le gaz qui reste moléculaire. Jérôme Pety conclut avec enthousiasme : "Cette couche de matière comprimée devrait contribuer à protéger le nuage moléculaire de l’effet destructeur du rayonnement UV. Derrière ce mur, la température du gaz décroït rapidement, le nuage peut évoluer tranquillement et former une nouvelle génération d’étoiles.”
Référence
Javier R. Goicoechea, Jérôme Pety, Sara Cuadrado, José Cernicharo, Edwige Chapillon, Asunción Fuente, Maryvonne Gerin, Christine Joblin, Nuria Marcelino & Paolo Pilleri. Compression and ablation of the photo-irradiated molecular cloud the Orion Bar. Nature. Doi : 10.1038/nature18957
Dernière modification le 21 décembre 2021