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Variation des constantes fondamentales contrainte par les fontaines atomiques

1er mai 2003 Variation des constantes fondamentales contrainte par les fontaines atomiques

Une équipe du SYRTE (Systèmes de Référence Temps Espace, UMR-CNRS 8630) de l’Observatoire de Paris vient d’établir la meilleure limite supérieure, pour une expérience de laboratoire, sur une variation possible de la constante de et du facteur gyromagnétique du proton, avec le temps. Cette limite, qui améliore d’un facteur 20 les mesures précédentes, est basée sur la détermination de la fréquence d’oscillation du césium et du rubidium à environ 10-15 près, dans des fontaines atomiques.

Variation des constantes fondamentales

L’idée de la variation des constantes sur des temps cosmologiques remonte à Dirac en 1937 : il avait remarqué une curieuse coïncidence entre de très grands nombres, le rapport entre l’âge de l’Univers et l’échelle de temps atomique d’une part, et le rapport entre les forces électromagnétique et de gravité d’autre part. Une façon simple d’harmoniser ces forces serait de faire varier la constante de gravitation d’une valeur relative de 10-10 par an (ainsi, la gravité aurait été plus forte dans le passé, comparable à la force électromagnétique). Si cette idée ne s’est pas vérifiée, de nombreux autres travaux ont vu le jour, qui prédisent de faibles variations des constantes fondamentales, à la fois temporelles et spatiales, permettant d’unifier la gravité aux autres forces (théorie de Kaluza-Klein, théorie des supercordes, etc..).

Des contraintes existent déjà sur la variation des constantes fondamentales. Ces contraintes peuvent être géologiques, comme celles de la réaction nucléaire naturelle qui s’est produite à Oklo (Gabon) il y a 2 milliards d’années (les rapports isotopiques des résultats de la réaction mesurés aujourd’hui montrent que les constantes étaient les mêmes à 10-7 près, voir Fujii, 2002), ou astronomiques (observation de raies en absorption devant les quasars très lointains, permettant de tester les valeurs des constantes lorsque l’Univers n’avait que 20% de son âge, il y a 12 milliards d’années, cf Murphy et al 2001, Ivanchik et al, 2002 ; ou observations de désintégration radioactive dans les météorites du système solaire, Olive et al, 2002), et les expériences très précises en laboratoire, comme celles présentées ici. Jusqu’à présent, seuls Webb et al, 2001, 2002 ont trouvé une variation relative de alpha, il y a 10 milliards d’années, de (-0.57 +/- 0.10) x 10-5. Pour un savoir plus, voir l’article de revue de Jean-Philippe Uzan.

Les fontaines atomiques

Les horloges à fontaine atomique ont permis de faire d’importants progrès dans la précision de mesure des temps et fréquences, grâce à la technique de "refroidissement" des atomes. Normalement, les atomes sont animés à température ambiante d’un mouvement de vitesse aléatoire perturbant la mesure de leur fréquence (effet Doppler, dilatation relativiste du temps). Les atomes peuvent être stoppés et refroidis, par l’intéraction avec un faisceau lumineux, fourni par un laser. De plus, les atomes ainsi piégés peuvent rester longtemps dans l’instrument de mesure, ce qui améliore la précision (plus la mesure est longue, plus elle est précise). Dans une fontaine atomique, on lance verticalement un nuage d’atomes refroidis par lasers. Les atomes passent ensuite dans une cavité micro-ondes qui excite la transition hyperfine de l’atome. Le facteur limitant le temps de séjour des atomes dans l’instrument de mesure, est la gravité, qui ramène les atomes vers le bas (le mouvement des atomes est bien celui d’une véritable fontaine). L’étape suivante est de faire l’expérience dans l’espace, en apesanteur, cf le projet pharao.

En comparant les fréquences fondamentales (de structure hyperfine) des atomes de césium 133Cs et rubidium 87Rb, pendant 5 ans, l’équipe de l’Observatoire de Paris a permis de placer une limite supérieure sur la variation relative de alpha de 7 10-16 par an. Pour cela, trois fontaines atomiques ont été comparées entre elles, via un maser à hydrogène.

Aujourd’hui cette limite supérieure est la meilleure qui puisse être faite en laboratoire, et contraint les variations de alpha à l’époque actuelle. Dans un avenir proche, cette technique permettra de gagner encore un ordre de grandeur, surtout avec l’expérience ACES de l’ESA qui sera embarquée sur la station spatiale internationale en 2006. Un récent résultat également basé sur des mesures ultra-précises de fréquence atomiques (comparaison entre une transition optique de l’ion mercure 199Hg+ et la fréquence hyperfine du 133Cs) contraint une combinaison complémentaire de constantes fondamentales (Phys. Rev. Lett. 90, 150802).

Référence

  • H. Marion, F. Pereira Dos Santos, M. Abgrall, S. Zhang, Y. Sortais, S. Bize, I. Maksimovic, D. Calonico, J. Gruenert, C. Mandache, P. Lemonde, G. Santarelli, Ph. Laurent, A. Clairon, C. Salomon A Search for Variations of Fundamental Constants using Atomic Fountain Clocks , 2003, Phys. Rev. Lett. 90, 150801 Prépublication : physics/0212112

Contact

  • Harold Marion (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Frank Pereira (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Michel Abgrall (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Shougang Zhang(Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Yvan Sortais (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Sébastien Bize] (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Ivan Maksimovic (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Jan Grünert- (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Pierre Lemonde (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Giorgio Santarelli (Observatoire de Paris, SYRTE)
  • Philippe Laurent-(Observatoire de Paris, SYRTE)
  • André Clairon] (Observatoire de Paris, SYRTE)