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Première cartographie du voisinage de notre système solaire

1er juin 2003

Des astronomes du Service d’Aéronomie (CNRS, Université Pierre et Marie Curie et Université de Versailles Saint Quentin), de l’Observatoire de Paris (1) et de l’Université de Berkeley ont réalisé la cartographie en trois dimensions de la région entourant le système solaire. Celui-ci est dans une bulle de 1000 années-lumière de diamètre remplie de gaz très ténu et très chaud, d’un million de degrés. Autour de cette bulle, l’équipe a mis en évidence pour la première fois un réseau de parois et de tunnels reliant cette cavité à d’autres bulles de gaz chaud entourant des étoiles voisines. Des observations utilisant des satellites sont programmées pour mieux prévoir l’évolution future de la bulle locale. Ce résultat sera annoncé lors du meeting de l’American Astronomical Society, le 29 mai 2003 à Nashville (Etats-Unis).

La voie lactée

Une équipe internationale d’astronomes (2), conduite par Rosine Lallement, directrice de recherche au CNRS, Service d’Aéronomie, a reconstruit en trois dimensions les contours de la bulle interstellaire locale. Il s’agit d’un gigantesque trou dans notre galaxie, de 1000 années-lumière environ, d’où sont exclus gaz dense et poussières. C’est ce quasi-vide que traverse actuellement notre Soleil dans sa course autour du centre de la Voie lactée. Cette cavité, un million de fois plus grande que notre système solaire, a probablement été créée par une série d’explosions de supernovae (ou une unique explosion de type sursaut gamma) pendant les quelques derniers millions d’années ; ou bien elle a été insufflée au travers de tunnels par des vents stellaires massifs provenant de la région voisine du Scorpion-Centaure. Le gaz extrêmement ténu qui la remplit est à un million de degrés et cette température témoigne de ce passé agité. Les observations, faites à l’aide de plusieurs télescopes, essentiellement ceux de l’ESO au Chili à La Silla, mais aussi à l’Observatoire de Haute-Provence (CNRS), en Australie et aux Etats-Unis, avaient pour objectif de cartographier la région entourant cette bulle locale. Ces observations sont basées sur la recherche d’atomes de sodium interstellaire en direction des étoiles proches. Lorsque aucun atome n’est détecté sur le trajet en direction de l’étoile, cela signifie que ne règne que du vide très chaud. "Lorsque nous analysons la lumière en provenance d’une étoile plus distante, et que cette fois nous détectons une grande quantité de sodium provenant des zones proches de l’étoile, cela signifie que nous avons dépassé la limite de notre vide local et que l’étoile est enfouie dans le milieu galactique dense ou dans une autre bulle séparée de la nôtre par une paroi dense" explique Rosine Lallement qui a démarré le projet il y a quelques années.

L’existence d’un réseau de tunnels et de bulles de gaz très chaud est depuis longtemps prévue par les modèles : les explosions successives de supernovae produisent de gigantesques bulles en expansion qui poussent du gaz devant elles, comme un chasse-neige. Les parois ainsi chassées se heurtent les unes aux autres, créant des coquilles de gaz comprimé, disloquées par endroits, entourant les bulles, le tout ressemblant à de la mousse. L’établissement de cartes des régions entourant notre bulle locale est basé sur les observations au sol, sur les résultats récents du satellite européen Hipparcos concernant les distances des étoiles ainsi que sur de nouvelles méthodes tomographiques mises au point par Jean-Luc Vergely, un des membres de l’équipe. Elles montrent cet entrelacs de parois et de tunnels reliant notre cavité à d’autres bulles voisines de gaz chaud, comme les associations Lupus-Norma, Scorpius-Centaurus, Auriga-Perseus. Les images synthétiques seront publiées prochainement dans la revue européenne Astronomy & Astrophysics. "Il ne s’agit pas seulement de dresser la « carte Michelin  » de notre banlieue galactique, mais aussi de comprendre la physique des phénomènes de recyclage du milieu interstellaire, et de trouver des explications à un certain nombre d’anomalies", poursuit Rosine Lallement. Les cartes montrent que la cavité locale traverse le disque galactique de part en part et est prolongée par deux larges tunnels qui la relient au halo de la galaxie, côté nord et côté sud. "Nous voulons tester, à l’aide d’observations satellitaires avec FUSE et Hubble, et aussi d’une analyse synthétique des mouvements des parois, les propriétés du gaz chaud dans le plan galactique et dans ces cheminées vers l’espace intergalactique. Allons nous être confinés à l’intérieur d’une bulle de plus en plus petite, comprimée par ses voisines ? Où au contraire la cavité a-t-elle une pression suffisante pour les dominer et faire reculer les parois ?  ». Si les coquilles de supernovae sont couramment observées, le plus souvent à leurs premiers stades peu après l’explosion, la bulle locale est, elle, une « ancêtre », très étendue, beaucoup plus calme, et surtout il est possible de l’observer de l’intérieur et de près, ce qui apporte un autre type d’information. Grâce à cette proximité, il est possible d’analyser très finement, par exemple, la répartition des zones d’émission du gaz chaud de cette bulle ainsi que leurs caractéristiques spectrales, lesquelles révèlent une énorme sous-abondance de métaux, une propriété que l’on retrouve dans les « vents galactiques » de certaines galaxies à très fort taux de formation stellaire et encore incomprise. La bulle locale peut nous mettre sur la voie de mécanismes non pris en compte jusqu’ici.

Notes : (1) Laboratoire GEPI « Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation », unité mixte CNRS, Observatoire de Paris, Université Denis Diderot. (2) Cette équipe comprend : - Rosine Lallement, Service d’Aéronomie ; - Jean-Luc Vergely, société ACRI (Sofia-Antipolis) - Francoise Crifo, GEPI, Observatoire de Meudon - Barry Welsh, Université de Berkeley, Californie.

References

  • "New 3-D maps of the dense interstellar gas surrounding the Local Bubble" Welsh, B. Y., Lallement, R., Vergely, J. L., Crifo, F., Sfeir, D. : 2003, AAS 202, 5302

Contact

  • Rosine Lallement (Service d’Aéronomie, Jussieu)
  • Françoise Crifo (Observatoire de Paris, GEPI)