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Une nouvelle catégorie de régions H II dans les Nuages de Magellan

1er octobre 2006 Une nouvelle catégorie de régions H II dans les Nuages de Magellan

Une étude menée par les chercheurs de l’Observatoire de Paris met en évidence la présence d’une nouvelle classe de régions H II compactes, Low-excitation Blobs (LEBs), dans les Nuages de Magellan. Ces objets représentent la version à faible excitation des HEBs auparavant découverts dans nos galaxies voisines. Leur étude est importante, non seulement parce qu’elles constituent une véritable composante jusqu’alors inconnue du milieu interstellaire, mais aussi parce qu’elles doivent nous renseigner sur la fonction initiale de masse des étoiles massives, surtout en ce qui concerne sa partie inférieure.

Le contenu en gaz ionisé des Nuages de Magellan ne se limite pas aux régions H II géantes et à un petit nombre de restes de supernovae. La détection en 1983 des "blobs" à haute excitation, les HEBs, dans ces galaxies voisines, a montré la présence d’une composante inconnue de gaz ionisé. Contrairement aux régions H II ordinaires des Nuages de Magellan, qui sont des structures s’étendant sur plusieurs minutes d’arc sur le ciel (> 50 pc) et qui sont animées par des dizaines d’étoiles chaudes, les HEBs sont des objets plus denses, avec un diamètre de seulement environ 4" à 10" (1 à 3 pc). De même, ils sont considérablement affectés par la poussière locale. L’étude porte sur un échantillon de 29 régions H II compactes qui ont à peu près la même taille physique. Les observations spectroscopiques obtenues à l’ESO permettent d’obtenir, entre autres, la luminosité en Hβ, L(Hβ), et l’excitation, représentée par le rapport [O III/Hβ], de ces objets. Lorsque l’on place les points sur un diagramme luminosité-excitation on voit une corrélation linéaire entre les données.

Excitation (représentée par le rapport de raies [O III] 4959+5007/Hβ) en fonction de la luminosité pour les objets dans le Petit Nuage de Magellan (PNM) et dans le Grand Nuage (GNM). La luminosité est en unités logarithmiques de Watts (échelle du bas) ainsi qu’en luminosités solaires (échelle du haut). Traits pleins : corrélation linéaire pour les objets PNM et GNM. Traits en pointillés : corrélation linéaire pour les objets GNM (non inclus HEBs). Cliquer sur l’image pour agrandir.

Ces ajustements linéaires ne sont pas surprenants. En fait les modèles de photoionisation des régions H II sphériques indiquent que le rapport [O III]/Hβ dépend de la température effective de l’étoile ou des étoiles excitatrices, du paramètre d’ionisation, et de la métallicité. Selon les modèles de Stasinska (1990) il existe une corrélation linéaire entre [O III]/Hβ et la luminosité Hβ des régions H II ayant la même dimension, la même densité de gaz, et le même nombre d’étoiles excitatrices, alors que la température effective des étoiles augmente. Ce comportement s’explique par le fait que lorsque la température augmente, produisant des rapports [O III]/Hβ plus élévés, la valeur du paramètre d’ionisation augmente elle aussi, ce qui crée une luminosité plus grande. Les modèles montrent également que les environnements déficients en métaux favorisent des rapports [O III]/Hβ plus grands, mais la dépendance en métallicité peut être masquée par le paramètre d’ionisation.

Deux groupes d’objets se manifestent dans les Nuages de Magellan. Ceux qui occupent la partie en haut à droite sont déjà connus sous le nom de HEB. Ce sont GNM N160A1, N11A, N159-5, N83B et PNM N88A, N81. Dans le cas du GNM, un HEB est un objet qui se trouve au-dessus de la corrélation linéaire, avec une luminosité de Log L(Hβ) 30.0 W ou Log L(Hβ) 3.4 L(sun). Cela signifie que le HEB doit en même temps avoir un rapport [O III]/Hβ supérieur à 4.0. Si l’on utilise l’ajustement le moins pointu, N105A-IR rejoindra elle aussi le groupe des LEBs. En ce qui concerne les HEBs "classiques" du PNM, N88A and N81, remplissent les critères définis ci-haut. Ils sont du même coup plus excités que les HEBs du GNM. Les autres objets qui ne remplissent pas ces critères de luminosité et d’excitation, sont appelés LEBs. Bien entendu, il existe un groupe intermédiaire entre ces deux cas extrèmes.

L’empilement des HEBs dans le diagramme du GNM n’est pas clairement expliqué. Pourquoi les HEBs du PNM ne se comportent-ils pas de la sorte ? Soulignons qu’il n’y a que deux HEBs dans le diagramme du PNM et que, même si un tel comportement existait, les données actuelles ne seraient pas en mesure de le montrer. Cependant l’empilement peut s’expliquer en tenant compte de la variation du paramètre d’ionisation d’un objet à l’autre. Plus explicitement, l’excitation peut augmenter avec la température des étoiles excitatrices alors que la luminosité ne suit pas, en raison d’une limitation de la quantité de matière qui constitue la région H II. Lorsque les régions ont plus ou moins la même quantité de gaz, l’augmentation du nombre de photons du continuum Lymann n’arrive pas à engendrer des régions plus lumineuses. Si cette explication est valable, il faudrait alors connaître les conditions physiques qui créent des étoiles de plus en plus chaudes, tandis que la quantité de gaz disponible autour d’elles reste inchangée.