De nombreuses galaxies sont dotées d’un noyau extrêmement brillant alimenté par un trou noir supermassif. Ces noyaux transforment les “galaxies actives” en certains des objets les plus brillants de l’Univers. Leur brillance extrême s’expliquerait par la chute de matière chaude à l’intérieur du trou noir, un phénomène baptisé accrétion. Cet intense rayonnement varie grandement d’une galaxie active à l’autre, de sorte que les propriétés de la lumière qu’elles émettent constituent la base de la classification de ces galaxies en différents types [1].
Diverses observations ont révélé que certaines de ces galaxies changeaient de façon spectaculaire au cours d’une décennie à peine – un clin d’œil à l’échelle de temps astronomique. La galaxie active Markarian 1018, objet de cette nouvelle étude, a ainsi opéré rien moins que deux transformations, la seconde lui ayant permis de recouvrer son aspect initial en l’espace de cinq ans. Ce cycle complet, par ailleurs observé chez quelques autres galaxies, a pour la première fois fait l’objet d’une étude détaillée.
La découverte de la nature changeante de Markarian 1018 a été permise par le Sondage de Référence des AGN Proches (CARS), un projet alliant l’ESO à diverses autres organisations dont l’objectif consiste à recueillir des informations sur 40 galaxies proches dotées de noyaux actifs. Des observations de routine de Markarian 1018 effectuées grâce à l’instrument MUSE (Multi-Unit Spectroscopic Explorer) installé sur le Très Grand Télescope de l’ESO ont révélé l’étrange variation de brillance de la galaxie.
L’équipe de chercheurs profita de cette occasion, faisant de l’identification du processus à l’origine de la variation si brutale de luminosité de Markarian 1018 leur priorité première. De nombreux événements astrophysiques auraient pu en être la cause, mais l’équipe a pu éliminer l’ingestion d’une simple étoile par le trou noir [2] et jeté le doute sur la possibilitéde l’obscurcissement généré par un gaz environnant [3]. La première série d’observations ne permit pas d’identifier le processus véritablement responsable de la chute de luminosité de Markarian 1018.
Les chercheurs ont pu se procurer des données complémentaires, suite à l’allocation de temps d’observation auprès du Télescope Spatial Hubble du consortium NASA/ESA et de l’Observatoire Chandra X-Ray de la NASA. L’acquisition de ces nouvelles données par cette série d’instruments leur a permis de résoudre le mystère – privé de matériau d’accrétion, le trou noir s’obscurcissait lentement.
Les processus à l’œuvre au sein des galaxies actives, tel celui conduisant au changement d’apparence de Markarian 1018, continuent à faire l’objet d’études poussées.
L’équipe se compose de B. Husemann (ESO, Garching, Allemagne), T. Urrutia (Institut Leibniz dédié à l’Astrophysique, Potsdam, Allemagne), G. R. Tremblay (Centre d’Astronomie et d’Astrophysique de Yale, New Haven, Etats-Unis), M. Krumpe (Institut Leibniz dédié à l’Astrophysique, Potsdam, Allemagne), J. Dexter (Institut Max Planck dédié à la Physique Extraterrestre, Garching, Allemagne), V. N. Bennert (Département de Physique, Université d’Etat Polytechnique de California, Etats-Unis), G. Busch (Institut de Physique, Université de Cologne, Allemagne), F. Combes (LERMA, Observatoire de Paris, France), S. M. Croom (Institut d’Astronomie de Sydney, Sydney, Australie & Centre d’Excellence en Astrophysique ARC), T. A. Davis (Ecole de Physique & d’Astronomie, Université de Cardiff, Royaume-Uni), A. Eckart (Institut de Physique de l’Université de Cologne, Allemagne ; Institut Max Planck dédié à la Radioastronomie, Bonn, Allemagne), R. E. McElroy (Institut d’Astronomie de Sydney, Sydney, Australie & Centre d’Excellence en Astrophysique ARC), M. Pérez-Torres (Institut d’Astrophysique d’Andalousie, Grenade, Espagne), M. Powell (Centre d’Astronomie et d’Astrophysique de Yale, New Haven, Etats-Unis) et J. Scharwächter (Observatoire Gemini, Centre Opérationnel Nord, Hawaii, Etats-Unis).
Source(s) :
Ce travail de recherche a fait l’objet de deux articles intitulés "Mrk 1018 returns to the shadows after 30 years as a Seyfert 1”, et “What is causing Mrk 1018’s return to the shadows after 30 years ?”, à paraître au sein des Lettres de la même revue : Astronomy & Astrophysics.
[1] Les galaxies actives les plus brillantes sont des quasars : la luminosité de leur cœur surpasse celle du reste de la galaxie. Les galaxies de Seyfert constituent une autre classe, moins brillante. A l’origine, une méthode basée sur la luminosité et le spectre en émission – soit l’intensité du rayonnement émis à différentes longueurs d’onde – permettait d’effectuer la distinction entre deux types de galaxies de Seyfert, les unes de Type 1, les autres de Type 2. Depuis lors, des classifications supplémentaires de Type 1.9 ont été introduites.
[2] Un effet de marée de ce type se produit lorsqu’une étoile, située à trop grand proximité d’un trou noir supermassif, se trouve étirée par le champ de gravitation extrême. S’ensuit une augmentation conséquente de la luminosité de la région centrale, puis son lent déclin au fil des années. Les variations de luminosité observées à la surface de Markarian 1018 n’étaient pas compatibles avec la survenue d’un tel événement.
[3] L’obscurcissement généré par un gaz peut affecter la mesure de luminosité d’une galaxie active ainsi que son spectre – par voie de conséquence, sa classification. En effet, le gaz situé sur la ligne de visée se comporte comme du brouillard situé à l’avant des phares d’une voiture.
Dernière modification le 21 décembre 2021