Contrairement aux autres planètes du Système solaire, Uranus est couchée sur son orbite : son axe de rotation est incliné de 97 degrés par rapport au pôle de son orbite. L’origine de cette forte obliquité est encore mal comprise. Cela constitue même l’une des questions les plus intrigantes concernant le Système solaire.
Le mécanisme généralement invoqué pour résoudre ce problème, est une collision géante avec une protoplanète de la taille de la Terre à la fin de la formation de la planète. Mais la présence des satellites réguliers (Miranda, Ariel, Umbriel, Titania, Obéron) qui évoluent sur des orbites qui se trouvent pratiquement dans le plan équatorial d’Uranus suggère plutôt que le basculement d’Uranus a eu lieu progressivement, et non pas à la suite d’une collision violente.
C’est sur ce constat que Gwenaël Boué et Jacques Laskar, de l’Observatoire de Paris, ont étudié la possibilité qu’Uranus puisse basculer sans collision. Ils ont trouvé qu’un tel basculement a pu se produire pendant une phase précoce de l’histoire du Système solaire, au moment où les planètes ont migré jusqu’à décrire les orbites que l’on observe aujourd’hui. Le nouveau mécanisme suppose qu’Uranus a possédé un satellite massif dans le passé et que l’orbite Uranus a connu une période de forte inclinaison.
Dans le Système solaire, les axes des planètes ainsi que les pôles des orbites ont un mouvement de précession similaire à celui d’une toupie, ils décrivent un cône. Lorsqu’une planète est en résonance spin-orbite, c’est-à-dire quand son axe et son orbite évoluent à la même vitesse, elle peut basculer. Aujourd’hui, l’axe d’Uranus précesse très lentement, mais les chercheurs ont montré que la présence d’un satellite d’un centième de la masse d’Uranus situé à 50 rayons de la planète peut augmenter cette vitesse de précession d’un facteur 1000 ce qui permet alors la résonance.
Bien sûr, aujourd’hui Uranus ne possède pas de tel satellite mais les chercheurs supposent que le satellite qui a permis le basculement d’Uranus a été ensuite éjecté lors d’une rencontre proche avec une planète géante vers la fin de la phase de migration.
Pour vérifier ce scénario, Gwenaël Boué et Jacques Laskar ont effectué 10000 simulations numériques de la migration des planètes géantes, en suivant le modèle mis au point par les chercheurs de l’Observatoire de Nice. Dans ces migrations, l’ordre des planètes est parfois modifié, et ils n’ont gardé que celles où l’ordre final des planètes correspond au système actuel. Ils ont ensuite sélectionné les scénarios dans lesquels l’inclinaison d’Uranus est suffisamment grande pour permettre le basculement. En fixant ce seuil à 17 degrés, et après avoir écarté les simulations conduisant à des systèmes trop instables, il ne restait plus que 17 simulations du Système planétaire en lice. Pour chacun de ces scénarios de migration planétaire, ils ont ensuite simulé la présence du nouveau satellite. Dans 2 % des cas, ce nouveau satellite permet alors le basculement d’Uranus et est ensuite éjecté par une rencontre proche avec une des autres planètes géantes.
Ce scénario permet d’expliquer non seulement pourquoi Uranus est couché sur son orbite, mais il résout aussi le problème du satellite manquant évoqué par des théories récentes de formation de satellites.
Dernière modification le 21 décembre 2021