
Directeur adjoint du laboratoire en charge de sa mission nationale de métrologie et responsable de l’équipe de recherche sur la Métrologie des Fréquences Optiques, Sébastien Bize s’est impliqué de façon exceptionnelle au sein de son laboratoire et dans la communauté internationale, avec un fil conducteur :
« Développer une instrumentation de pointe, aussi performante que disponible dans la durée. »
Fontaine double
Sébastien Bize s’est d’abord illustré par sa contribution importante à la construction de la "fontaine double", une horloge à atomes refroidis par laser, unique au monde, car travaillant simultanément avec des atomes de césium 133 et de rubidium 87. En effet cette horloge exploite la transition hyperfine du césium qui définit la durée de l’unité de temps du Système International des unités, la seconde, mais aussi la transition correspondante du rubidium, qui a des propriétés physiques avantageuses à très basse température.
Cette horloge exceptionnelle, en fonctionnement quasi continu depuis près de 20 ans maintenant, a permis au SYRTE de disposer de l’étalon primaire de fréquence le plus exact au monde, et de faire reconnaitre la transition hyperfine à 6,8 GHz du rubidium 87 comme la première représentation secondaire de l’unité de temps.
Sébastien Bize a aussi œuvré pour augmenter l’impact du laboratoire et de la France dans la métrologie du temps mondiale. Il a grandement contribué à ce que la fontaine double, avec les fontaines atomiques à césium déjà développées et exploitées au laboratoire SYRTE, participe à plus de 40% des étalonnages du Temps Atomique International, sur les derniers 15 ans.
Une telle précision de mesure du temps gardée pendant plusieurs années, permet de rechercher d’infimes variations de l’espace-temps et ainsi de tester la théorie de la gravitation et le modèle standard de la physique des particules, rivalisant avec, et souvent dépassant, les tests cosmologiques et ceux à haute énergie.
La fontaine double a ainsi servi, en comparant les fréquences des transitions atomiques de rubidium et du césium, à poser des limites sur de potentielles variations temporelles de la constante de structure fine et à contribuer à la recherche de matière noire. En comparant les fréquences de la fontaine double à celles de masers à hydrogène, Sébastien Bize et des collègues français et australiens ont pu réaliser l’un des tests les plus contraignants de l’invariance locale de Lorentz.
Ce ne sont là que quelques facettes du travail de Sébastien Bize...
Visionnaire et pionnier
Sébastien s’est investi dès 2002 au développement d’horloges de nouvelle génération, utilisant non plus des transitions "autorisées" par la physique quantique, mais des transitions "interdites", où les fréquences de transition ne se font plus dans la gamme de 10 GHz, mais dans la gamme des 400-800 THz, et que l’on excite alors par des lasers. La fréquence beaucoup plus élevée de la transition permet de découper et donc de mesurer le temps avec une précision accrue, de plusieurs ordres de grandeur.
Pour limiter la perturbation de la fréquence de transition par effet Doppler et par d’autres effets d’interactions entre atomes (entre autres), les horloges optiques nécessitent le contrôle du mouvement et de la position des atomes dans des pièges ultra-sophistiqués. De nouveaux systèmes quantiques, avec des atomes ou des ions, sont alors étudiés pour réaliser ces horloges dites "optiques".
Sébastien Bize a entrepris la première horloge optique à atomes froids de mercure, en montrant que l’une de ses transitions avait des propriétés quantiques particulièrement attractives pour des tests d’invariance des constantes fondamentales. L’horloge à atomes froids de mercure est un défi rendu particulièrement audacieux par la nécessaire maitrise de l’optique dans le domaine ultra-violet et de l’optique non-linéaire, en sus de la maîtrise des technologies quantiques.

Aujourd’hui, c’est tout un ensemble d’horloges sondant des transitions de différents atomes (mercure, strontium, césium et rubidium) qui sont opérées ensemble au SYRTE et comparées par des peignes de fréquences optique. Sébastien Bize a ainsi pu jouer un rôle central dans la détermination précise des rapports de fréquence entre ces nouvelles transitions atomiques, et dans la reconnaissance de nouvelles représentations secondaires de la seconde, dont certaines joueront un rôle dans la future redéfinition de la seconde.
Les années à venir s’annoncent très excitantes. Les horloges optiques, instruments de précision extrême, qui peuvent être comparés sans dégradation par de nouveaux moyens optiques au sol et dans l’espace, promettent, au-delà de la redéfinition de la seconde, l’avènement de la géodésie chronométrique et des tests toujours plus contraignants des théories des interactions élémentaires.
European Frequency and Time Forum Le European Frequency and Time Forum, EFTF, regroupe la communauté européenne des chercheurs, métrologues et industriels spécialistes de la mesure précise du temps et des fréquences. Ses activités incluent l’organisation de la série de conférences du même nom depuis 1987, et l’attribution de prix depuis 1993. |