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R127 et son amas d’étoiles massives

1er février 2003 R127 et son amas d'étoiles massives

R127, l’étoile massive variable la plus spectaculaire du Grand Nuage de Magellan, a rarement été étudiée dans le cadre de son appartenance à un amas d’étoiles massives. Or une telle étude nous apporte des éléments supplémentaires pour mieux comprendre la formation d’une LBV exceptionnelle telle que R127. Une équipe d’astronomes de l’Observatoire de Paris et de l’Institut du Télescope Spatial (Baltimore) vient de réaliser l’étude la plus détaillée à ce jour de l’environnement stellaire de R127.

En utilisant le télescope NTT de l’ESO et une méthode performante de restauration d’images, ils obtiennent une résolution spatiale de 0".26, ce qui leur permet de résoudre cette "étoile" en 14 composantes au moins. La classification spectrale ainsi que la photométrie leur permet d’étudier l’histoire de la formation des étoiles dans cette région remarquable de notre galaxie voisine.

Les amas d’étoiles massives du Grand Nuage de Magellan, R127 (au centre) et R128 (à gauche). Le premier a été résolu en 14 composantes, le second en 33. Cette image en vraies-couleurs résulte de la combinaison de trois images individuelles, obtenues en Octobre 2002 avec SUSI2 au télescope NTT, dans les filtres H-alpha (rouge), [O III] (vert) et H-beta (bleu). La nébuleuse associée à l’étoile massive variable de R127 est particulièrement notable. (Champ environ 95" x 72", soit 24 x 18 pc, Nord vers le haut et Est à gauche) Cliquer sur l’image pour obtenir une meilleure résolution.

L’objet le plus lumineux de l’amas R127 appartient au club très fermé des LBVs (Luminous Blue Variables) dont on ne connaît qu’une dizaine de membres confirmés dans le Grand Nuage de Magellan. Ces objets remarquables ont la propriété d’avoir une luminosité proche de la limite supérieure pour une étoile massive (limite de Humphrey-Davidson) et par conséquent d’être extrêmement instables. Ils passent donc par des phases d’expulsion d’énormes quantités de matière, et peuvent voir leur luminosité visuelle varier (parfois de plusieurs magnitudes) en quelques mois tandis que leur luminosité bolométrique reste constante. Leur type spectral varie également, des types OB au moment du minimum de luminosité visuelle au type A, plus froid, lors du maximum. Les LBVs sont soupçonnées d’être les précurseurs des étoiles de type Wolf-Rayet, bien que l’on ne puisse pas encore affirmer quelle est leur place exacte dans le schéma évolutif des étoiles massives. Il est donc nécessaire d’étudier tous les aspects de ces étoiles rares afin de contraindre les modèles théoriques. Parmi ces étoiles peu banales, R127 fait figure de cas particulier : c’est la plus lumineuse LBV du Grand Nuage de Magellan (magnitude bolometrique -10.5) et ses variations sont les plus grandes ( 2.5 mag dans la bande V). Peu avant son maximum extraordinaire, en 1986, R127 était l’objet le plus lumineux du Grand Nuage de Magellan, jusqu’à l’apparition de la supernova en 1987. Mais à partir de 1989 sa brillance a diminué et depuis l’an 2000 elle augmente à nouveau.

La spectroscopie de 19 étoiles dans la direction de R127/R128, effectuée en utilisant NTT/EMMI, révèle que les étoiles les plus lumineuses de ces amas sont des géantes ou des supergéantes bleues de type spectral O et, dans une moindre mesure, B. Ainsi l’étude du diagramme H-R de ces étoiles nous renseigne sur leurs caractéristiques passées et présentes, par comparaison avec des modèles théoriques d’évolution stellaire. Il s’avère que la LBV a un âge de 3 millions d’années, et que son progéniteur était une étoile de 85 masses solaires. Connaissant sa masse actuelle, cela signifie que cette étoile a perdu près de 45 % de sa masse depuis sa formation, avec un taux de perte moyen de l’ordre de 10-5 masses solaires par an. De même, les étoiles les plus lumineuses et chaudes du groupe n’ont que 3 millions d’années, et avaient une masse initiale de l’ordre de 80 masses solaires. Des étoiles moins massives de l’amas se sont formées 3 à 5 millions d’années plus tôt. Il semblerait donc que la formation des étoiles les plus massives ait eu lieu après la formation des étoiles de plus faible masse.