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Prendre la température de l’Univers

28 janvier 2013

C’est la meilleure mesure du refroidissement de l’Univers depuis le Big bang. Les astronomes ont testé la théorie du Big bang grâce à une expérience difficile - mesurer la température de l’Univers quand il était à la moitié de son âge actuel. Une équipe internationale de scientifiques, dont deux astronomes de l’Observatoire de Paris, a effectué la mesure la plus précise à ce jour du refroidissement de l’Univers au cours de son histoire de 13,77 milliards d’années. Ils ont étudié des molécules dans les nuages de gaz d’une galaxie lointaine, si loin que sa lumière a mis la moitié de l’âge de l’univers à nous parvenir. Pour la mesure, ils ont utilisé l’interféromètre ATCA (Australia Telescope Compact Array) du CSIRO, un réseau de six radiotélescopes de 22 mètres à l’Est de l’Australie. L’article vient de sortir dans Astronomy & Astrophysics.

Les astronomes ont utilisé une nouvelle méthode astucieuse pour mesurer la température du fond cosmologique — ce reste très faible de la chaleur du Big bang qui imprègne l’univers tout entier. Ils ont observé les ondes radio d’un quasar distant, qui sont absorbées par les molécules dans une galaxie située devant le quasar, sur la même ligne de visée. La galaxie est si loin que sa lumière a voyagé pendant 7,2 milliards d’années pour nous rejoindre. La galaxie intervenante est si bien alignée avec le quasar lointain le long de la ligne de visée, qu’elle dévie et amplifie sa lumière, comme une lentille gravitationnelle, et par conséquent, le phénomène est beaucoup plus lumineux à détecter.

Les ondes radio (lignes jaunes) provenant d’un quasar lointain passent à travers une galaxie où elles sont absorbées par des molécules dans un nuage de gaz Les astronomes ont utilisé des radio telescopes pour mesurer la température de l’univers il y a 7,2 milliards d’années, en détectant les signatures des molécules absorbant les ondes radio.
(Onsala Space Observatory/R. Cumming/S. Muller)

Le gaz dans cette galaxie est tellement raréfié que la seule chose pouvant réchauffer ses molécules est le rayonnement de fond cosmologique — vestige du Big Bang. Profitant d’un alignement fortuit sur la ligne de visée, l’équipe a mesuré la lumière provenant d’une source encore plus lointaine derrière la galaxie, un quasar connu sous le nom de PKS 1830-211. Le quasar est une galaxie jeune qui brille à cause des jets provenant d’un trou noir supermassif en son centre.

Les astronomes ont étudié les ondes radio émises par le quasar qui ont traversé le gaz dans la galaxie. Ces ondes radio ont permis d’identifier des traces de nombreuses molécules différentes. A l’aide d’un modèle informatique perfectionné, les astronomes ont utilisé ces signatures moléculaires, comme les empreintes digitales laissées dans la lumière par le quasar, pour mesurer la température des nuages de gaz dans la galaxie intervenante.

La température du rayonnement cosmique mesurée est de 5,08 Kelvin (+/-0,10 Kelvin). C’est très froid, mais tout de même plus chaud que la température que les scientifiques mesurent dans l’Univers d’aujourd’hui, 2,73 Kelvin. Les astronomes mesurent les températures en degrés Kelvin au-dessus du zéro absolu (0 Kelvin =-273 degrés Celsius). Un degré Kelvin équivaut en amplitude à un degré Celsius.

Radio image of PKS1830-211
La galaxie joue le rôle de lentille gravitationnelle, et produit un anneau d’Einstein et deux images principales du quasar lointain PKS1830-211, aux longueurs d’onde centimétriques. Les molécules absorbent le rayonnement des deux images, correspondant aux deux points rouges, distants d’une seconde d’arc dans le ciel. Cette photo a été obtenue à 5GHz avec l’interféromètre MERLIN (UK).

La température du rayonnement cosmique dans le passé a déjà été mesurée, à des distances encore plus grandes. Mais la mesure présente est la plus précise qui n’ait jamais été obtenue de la température lorsque l’Univers était bien plus jeune qu’aujourd’hui. Selon la théorie du Big Bang, la température du rayonnement cosmique décroît doucement avec l’expansion de l’Univers. L’expérience montre que l’Univers il y a quelques milliards d’années était plus chaud de quelques degrés par rapport à sa température actuelle, exactement comme le prévoit la théorie du Big Bang.

Référence
A precise and accurate determination of the cosmic microwave background temperature at z=0.89, S. Muller, A. Beelen, J.H. Black, S.J. Curran, C. Horellou, S. Aalto, F. Combes, M. Guelin, C. Henkel Astronomy & Astrophysic, in press

Contact
 Francoise Combes
Observatoire de Paris-LERMA, CNRS