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Le pulsar caméléon étonne les astronomes

28 janvier 2013

Une collaboration internationale incluant huit chercheurs français de l’Université d’Orléans, du CNRS, de l’Observatoire de la Côte d’Azur, de l’Observatoire de Lyon et de l’Observatoire de Paris, a fait une découverte importante concernant les pulsars qui oscillent régulièrement entre deux états : actif ou calme. L’émission d’ondes radio et de rayons X par ces étoiles à neutrons change en quelques secondes. Cela suggèrerait un changement rapide de tout leur environnement. Dans ses recherches, l’équipe a rassemblé des observations du télescope spatial XMM-Newton et de radiotélescopes, dont le réseau européen Low Frequency Array LOFAR.

Schéma de l’environnement magnétique d’un pulsar.
(ESA medialab / XMM-Newton / ASTRON-LOFAR)

Les pulsars sont de petites étoiles d’une vingtaine de kilomètres de diamètre – la taille d’une petite ville – en rotation rapide sur elles-mêmes et d’une masse comparable à celle de notre Soleil. L’astre hyperdense émet un très mince faisceau de radiations. Comme il tourne sur lui-même et que le pinceau de rayonnement balaie périodiquement la Terre, nous détectons un bref pic d’intensité, un peu à la manière du faisceau d’un phare marin. Certains pulsars émettent des radiations sur tout le spectre électromagnétique, depuis les rayons gamma, les rayons X jusqu’aux ondes radio. Et bien que la découverte des pulsars remonte à plus de 40 ans, le mécanisme précis par lequel ils « rayonnent » demeure inconnu.

Cependant, il est clair depuis quelque temps que certains pulsars radio oscillent entre deux états, changeant l’aspect et l’intensité de leurs impulsions radio. Le moment de ce changement est à la fois soudain et imprévisible (souvent dans l’intervalle de temps d’une seule rotation). D’après les télescopes spatiaux, une poignée de pulsars radio peuvent aussi être détectés dans la gamme X. Malgré tout, rien jusqu’alors n’était connu de la variabilité des signaux X.

Les scientifiques ont étudié un pulsar particulier nommé PSR B0943+10, un des premiers pulsars découverts. Il réside à 3 500 années-lumière de distance, la constellation du Lion. Les impulsions de PSR B0943+10 changent toutes les quelques heures, et ces variations se produisent en environ une seconde. Puisque la source est également un faible émetteur de rayons X, l’équipe a observé le pulsar avec le télescope de l’ESA XMM-Newton sensible dans ce domaine. En parallèle, des radiotélescopes ont servi pour des études complémentaires aux basses fréquences. Le télescope Low Frequency Array LOFAR est implanté dans cinq pays européens, dont la France, sur le site de Nançay (Cher) station de radioastronomie de l’Observatoire de Paris. Il était alors encore en construction et a malgré tout apporté des observations de soutien.

Les résultats ont été totalement inattendus. Les émissions de rayons X changent de manière synchrone avec les émissions radio, comme on aurait pu s’y attendre, mais, lorsque le signal radio est fort et organisé, le signal rayon X est faible. Et quand l’émission radio devient faible, le signal X s’intensifie. Le plus frappant est que cette transformation a lieu en quelques secondes, après quoi le pulsar reste stable dans son nouvel état pendant plusieurs heures. Le pourquoi de tels changements, aussi importants qu’imprévisibles, n’est pas expliqué par les théories actuelles. Cela suggèrerait fortement un changement rapide de la totalité de la magnétosphère. Ce comportement « caméléon » inattendu du pulsar PSR B0943+10 va dynamiser les recherches fondamentales sur les processus physiques qui ont lieu dans les conditions extrêmes de ces environnements, et ce, 45 ans après la découverte des étoiles à neutrons.

Les deux états d’activité du pulsar PSR B0943+10 du Lion. L’astre peut se trouver dans un mode “lumineux” ou dans un mode “calme”, d’émission radio plus faible. Des observations conjointes entre le télescope spatial XMM-Newton de l’ESA et le réseau européen d’antennes radio basse fréquence LOFAR ont montré que les émissions du pulsar en rayons X et en radio changent en même temps, mais de manière opposée : lorsque la luminosité radio augmente, elle baisse en rayons X, et vice versa. Le schéma sur le coté gauche de la figure explique : Les émissions radio sont générées dans la magnétosphère diffuse et externe du pulsar, alors que les rayons X proviennent probablement de sa surface.
(ESA medialab / XMM-Newton / ASTRON-LOFAR)
(ESA medialab / XMM-Newton / ASTRON-LOFAR)


Note(s)

  • Les chercheurs français impliqués dans cette étude appartiennent à l’Université d’Orléans1 , au CNRS, à l’Observatoire de la Côte d’Azur, l’Observatoire de Lyon et l’Observatoire de Paris2
  • LOFAR est un grand réseau d’antennes basses fréquences (30-240 MHz) qui devrait être 10 ou 100 fois plus performants, en sensibilité et en résolution angulaire, que les instruments existants. La phase d’exploitation intensive vient juste de débuter : 247 scientifiques de 17 pays ont soumis leurs projets d’observations. 38 projets ont au final été retenus. Une vingtaine de chercheurs de laboratoires français participent et attendent les résultats de leurs observations avec impatience.

Source
Le résultat est publié dans le magazine Science du 25 janvier 2013 sous le titre Synchronous X-ray and Radio Mode Switches : a Rapid Transformation of the Pulsar Magnetosphere.

Contacts
 Jean-Mathias Griessmeier
CNRS/Université d’Orléans
OSUC région Centre
02 38 25 76 56

1 Le Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’Espace LPC2E est une entité commune du CNRS et de l’Université d’Orléans.
2 Le Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA est un département scientifique de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’Université Pierre et Marie Curie, et à l’Université Paris Diderot.

2 Le Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA est un département scientifique de l’Observatoire de Paris. Il est associé au CNRS, à l’Université Pierre et Marie Curie, et à l’Université Paris Diderot.