L2 Puppis est une étoile géante rouge observable depuis l’hémisphère Sud, dont la masse est environ deux fois celle du Soleil. Formée il y a environ 1,5 milliards d’années, elle est bien plus jeune que le Soleil (âge de 4,6 milliards d’années). Mais du fait de sa masse plus importante, elle a brillé beaucoup plus intensément durant son existence, et a donc consommé plus rapidement son hydrogène. Son rayon, mesuré par les chercheurs à l’occasion de ces travaux grâce à l’interféromètre du Very Large Telescope (Cerro Paranal, Chili), est très grand, environ 120 fois la taille du Soleil. Sa luminosité est aussi très élevée, estimée à plus de 2 000 fois la valeur solaire. Une grande taille et une luminosité élevée sont deux propriétés typiques des étoiles qui, ayant épuisé la réserve d’hydrogène dans leur cœur, sont parvenues en fin de vie.
L2 Pup entre donc actuellement dans le “quatrième âge” stellaire. Par comparaison, le Soleil entrera dans cette phase dans 4 milliards d’années. Située à 210 années-lumière, elle est la plus proche des “vieilles” étoiles, ce qui en fait une cible de choix pour l’observation détaillée de son environnement proche.
Les chercheurs ont utilisé pour cela l’optique adaptative NACO du VLT, assortie d’une technique de traitement d’image dite d’imagerie sélective pour corriger les perturbations introduites sur les images par l’atmosphère terrestre. Plusieurs milliers d’images ont été enregistrées sur l’étoile en quelques minutes, chacune avec un temps de pose très court, de l’ordre d’un centième de seconde. Les images les moins affectées par les résidus de la turbulence atmosphérique ont été sélectionnées, recentrées précisément et combinées pour former une seule image, qui présente alors un bien meilleur niveau de détail qu’une seule longue pose. Elles atteignent pratiquement la limite théorique de résolution d’un télescope de 8 mètres, soit environ 40 millisecondes d’angle. Cela correspond à la taille apparente d’un ballon de football vu à une distance de 1 000 km.
La qualité exceptionnelle de ces images en infrarouge (longueurs d’onde entre 1 et 4 µm) a permis à l’équipe de découvrir un disque de poussière autour de L2 Pup, vu pratiquement par la tranche, ainsi qu’une boucle également constituée de poussière s’étendant jusqu’à une distance de plus de 800 millions de kilomètres de l’étoile.
La découverte du disque de poussière de L2 Pup est un pas important dans la compréhension de la fin de vie des étoiles de masses faibles et intermédiaires comme notre Soleil. Les mécanismes en jeu dans cette phase complexe sont encore mal connus, notamment la manière dont ces étoiles restituent leur matière au milieu interstellaire pour former des nébuleuses planétaires, ces enveloppes de gaz en expansion éjectées de l’étoile en fin de vie. La présence de ce disque de poussière, très probablement constitué de matière éjectée par L2 Pup, indique que l’environnement des étoiles évoluées est structuré spatialement. L’interaction du vent stellaire émis par une étoile comme L2 Pup avec le disque de poussière qui l’entoure, pourrait notamment expliquer la forme en “sablier” des nébuleuses planétaires bipolaires.
Au nord-est de l’étoile, une boucle de poussière a également été observée. Son origine est encore mal comprise. Elle pourrait être due à l’influence gravitationnelle d’une seconde étoile en orbite près de L2 Pup, qui a aussi pu jouer un rôle dans la formation du disque. Du fait de la très grande luminosité de l’étoile principale, ce compagnon reste pour l’instant caché. La deuxième génération d’optiques adaptatives à hautes performances comme l’instrument SPHERE du VLT permettra dès la fin de cette année de rechercher ce compagnon.
Référence
Ce travail de recherche fait l’objet d’un article intitulé « An edge-on translucent dust disk around the nearest AGB star, L2 Puppis », publié en ligne dans la revue européenne Astronomy and Astrophysics le 10 avril 2014 :
http://dx.doi.org/10.1051/0004-6361/201323273
Collaboration
Ce résultat, fruit d’une collaboration internationale, implique la participation de cinq chercheurs de l’Observatoire de Paris :
Pierre Kervella, Miguel Montargès, Guy Perrin, Sylvestre Lacour et Xavier Haubois.
Et aussi de :
Stephen T. Ridgway (National Optical Astronomy Observatories, Tuscon, USA)
Olivier Chesneau (Observatoire de la Côte d’Azur)
Andrea Chiavassa (Observatoire de la Côte d’Azur)
Alexandre Gallenne (Universidad de Concepcion, Chili).
Dernière modification le 21 décembre 2021