Connue pour abriter les nébuleuses de la Tête de Cheval et de la Flamme, le nuage d’Orion B est un gigantesque réservoir de matière interstellaire, faite de gaz et de poussières, qui contient environ 70 000 fois la masse du soleil.
Les étoiles naissent dans les cœurs denses qui se développent à l’intérieur de ces nuages interstellaires. Les vents violents et les rayons ultra-violets des étoiles massives jeunes érodent et perturbent le nuage moléculaire qui leur a donné jour.
Les magnifiques images prises avec les télescopes optiques montrent l’interaction de la lumière et de la matière à la surface des nuages.

Cependant, les endroits où les futures étoiles peuvent naître, dits cœurs denses, brillent uniquement aux longueurs d’onde radio millimétrique. Ils sont invisibles aux télescopes optiques.
C’est pourquoi les astronomes utilisent des télescopes de classe mondiale tels que le télescope de 30-mètres de l’IRAM.
Le projet international ORION-B a obtenu à l’aide du radiotélescope de 30-‐mètres le relevé le plus complet à ce jour dans le domaine radio du nuage d’Orion B.
Une immersion dans l’anatomie interne du nuage
Jérôme Pety explique : "Nous avons observé la nébuleuse bien connue de la Tête de Cheval pendant plus d’une décennie maintenant. Pourtant, seule l’instrumentation récente à l’IRAM 30-mètres nous a permis de faire des images cent fois plus grandes qu’avant, et cela à de très nombreuses longueurs d’onde millimétrique en même temps !"
Le télescope de 30-mètres capture les signaux provenant de nombreuses molécules de l’espace (monoxyde de carbone, monosulfite de carbone, cyanures, méthanol, petits hydrocarbures, etc...).

Les images ainsi obtenues montrent des répartitions spatiales très différentes suivant les molécules : en fonction de leur évolution chimique, les molécules sont détectées dans des régions incroyablement différentes du nuage. C’est cette propriété capitale qui permet aux astronomes de caractériser les différentes étapes de la formation des étoiles.
Par exemple, les phases diffuses et turbulentes occupent la plupart du volume, au contraire des cœurs denses qui n’en occupent que quelques pourcents. Entre ces deux étapes, la matière est collectée le long de filaments.
Au plus près de la formation des étoiles
Les données du projet ORION-‐B éclairent une des questions clés de l’astrophysique moderne, à savoir pourquoi les nuages moléculaires forment-ils si peu d’étoiles ?
En effet, alors que les nuages devraient s’effondrer sous leur propre poids pour se transformer entièrement en cœur dense, puis en étoile, il n’y a que quelques pourcents du nuage qui se transforment en réalité en étoile.
Quels sont donc les paramètres clés qui régulent le taux de formation des étoiles ?
"Une réponse possible réside dans la nature des mouvements du gaz : à agitation turbulente constante, les mouvements de compression déclenchent l’effondrement des cœurs denses en étoiles, alors que les mouvements de rotation offrent une résistance efficace à l’effondrement gravitationnel. C’est ce que nous mettons en évidence quantitativement pour la première fois.", explique Maryvonne Gerin, directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’Étude du Rayonnement et de la Matière en Astrophysique et Atmosphères (LERMA) de l’Observatoire de Paris.
La rencontre du big data et de la radioastronomie millimétrique
Le projet ORION-‐B délivre environ 160 000 images, ou encore 1h50 de film à 24 images par secondes !
Il ne fait aucun doute que ce type d’observations radio va se généraliser dans un futur proche. Ainsi, les approches statistiques pionnières du projet ORION-‐B auront délivré les outils nécessaires et l’expérience pour faire parler des jeux de données de plus en plus grands.