Le 21 juillet 1969, avec les premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin à la surface de la Lune, a aussi démarré une expérience scientifique sans précédent. Les astronautes ont déposé un panneau de réflecteurs qui, depuis 50 ans, est utilisé pour mesurer la distance Terre-Lune et ce, grâce au chronométrage du temps de parcours des photons émis par des stations laser à la surface de la Terre. Au total, cinq panneaux de réflecteurs de ce type ont successivement été déposés à la surface lunaire.
Dans les années 1980, cette technologie a permis de mettre au jour indirectement l’existence d’un noyau fluide au sein de la Lune, présence confirmée par la suite par des données magnétiques et sismiques. Néanmoins, les estimations de la taille du noyau fluide variaient de +/- 55 km.
Les observations obtenues par télémétrie laser-Lune sont régulièrement traitées et exploitées dans INPOP (acronyme pour « Intégration numérique planétaire de l’Observatoire de Paris »), qui est un ensemble de modèles et de programmes de calcul des éphémérides planétaires et lunaire, que développent conjointement, depuis 2003, les équipes de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides – IMCCE (Observatoire de Paris - PSL / CNRS / Sorbonne Université) et du laboratoire Géoazur (OCA). L’éphéméride lunaire permet de calculer le mouvement orbital et rotationnel de la Lune avec une incertitude de l’ordre du centimètre sur 10 ans.
L’introduction d’un modèle dynamique de noyau fluide dans INPOP a permis d’améliorer de façon significative les écarts entre les prédictions et les observations et de sonder l’intérieur de la Lune. Le modèle de noyau introduit dans les années 1980 dans le programme de calcul américain des éphémérides développé par la NASA supposait que l’interface noyau-manteau était sphérique puis en 2004, ils introduisirent une interface axisymetrique. Dans une étude à paraitre à paraître en ligne dans la revue Geophysical Research Letters, le 10 juillet 2019, les chercheurs de l’équipe d’INPOP renouvellent cette approche en introduisant un modèle de noyau légèrement aplati et explore son influence de façon systématique : c’est l’ajustement de cet aplatissement obtenu grâce aux données de télémétrie qui a permis de déduire la taille du noyau lunaire.
Pour cela, l’équipe a comparé les valeurs ajustées aux données de télémétrie avec la valeur théorique de l’aplatissement du noyau lunaire à l’équilibre. L’intersection des deux courbes (valeurs ajustées aux observations de télémétrie et valeurs théoriques) permet de contraindre la taille du noyau lunaire et la valeur de l’aplatissement de l’interface noyau-manteau.
INPOP tient compte également des dernières mesures du champ de gravité déterminées en 2011-2012 par la mission spatiale de la NASA GRAIL [1].
Cette nouvelle mesure de la taille du noyau fluide est importante pour les modèles d’évolution de la Lune. Elle va permettre notamment de mieux comprendre les mécanismes qui ont permis l’apparition, puis la disparition du champ magnétique lunaire.
Aujourd’hui l’exploration lunaire est en pleine croissance et l’ajout de nouveaux réflecteurs à sa surface permettrait de poursuivre le sondage de son intérieur et de développer de nouveaux tests relativistes.
Référence
Viswanathan, V., Rambaux, N., Fienga, A., Laskar, J., Gastineau, M., 2019, "Observational constraint on the radius and oblateness of the lunar core-mantle boundary", Geophysical Research Letters, publié en ligne le 8 juillet 2019.
https://doi.org/10.1029/2019GL082677
Ce travail a bénéficié du soutien du Labex Exploration Spatiale des Environnements Planétaires - ESEP, du PNGRAM et des observations continues des stations laser, notamment la station MEO (OCA), France.
[1] Gravity Recovery and Interior Laboratory (GRAIL) est une mission spatiale de la NASA qui a réalisé un relevé très détaillé du champ de gravité de la Lune pour déterminer entre 2011 et 2012 la structure interne de celle-ci
Dernière modification le 21 décembre 2021