Illustration par défaut

La première galaxie obscure détectée ?

1er mars 2005

Une équipe internationale d’astronomes, dont un chercheur de l’Observatoire de Paris, a découvert un objet qui paraît être la première « galaxie obscure » jamais trouvée, un objet invisible de grande masse à la vitesse de rotation attendue d’une galaxie, mais sans étoiles. Sans lumière parvenant des étoiles, seul des radiotélescopes peuvent détecter un tel objet.

Dans l’amas de la Vierge ils ont trouvé un objet, dont le nom de travail est VIRGOHI21, avec une masse d’hydrogène neutre de deux cent millions de masses solaires (2 108 Mo) qui est invisible sur des images optiques profondes. L’amas de la Vierge est une grande collection de galaxies à une distance de cinquante millions d’années lumière (16 Mpc). Un chercheur de l’Observatoire de Paris (GEPI) a participé à la cartographie de l’objet au radiotélescope d’Arecibo, où ils ont confirmé la détection initiale faite au radiotélescope Lovell (voir la figure 1) avec une meilleure sensibilité et un lobe plus petit, ce qui a permet d’estimer que la taille de l’objet a une cinquantaine de milliers d’années lumière (16 kpc). Des spectres pris à différentes positions dans l’objet montrent une vitesse de rotation identique à celle trouvée dans des galaxies relativement massives. La cartographie de l’objet avec l’interféromètre VLA n’a pas permis de détecter de l’hydrogène, à cause de fortes interférences solaires, ce qui empêchait la détection de nuages étendus.

Figure 1 :

Sa masse totale de cent milliards de masses solaire (1011 Mo) est égale à cinq cent fois la masse de l’hydrogène détecté dans l’objet. S’il s’agissait d’une galaxie normale, elle devrait être assez brillante (de la 12ème magnitude — voir la figure 2) pour être visible dans une bonne lunette d’amateur.

Le radio télescope Lovell de 76 m de diamètre à l’observatoire de Jodrell Bank où la première détection de la galaxie obscure a été faite. Le graphe superposé est le spectre radio détecté qui montre la raie d’émission de l’hydrogène dans la galaxie obscure. (Copyright University of Manchester.) Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Des objets identiques ont déjà été détectés auparavant mais une fois qu’ils étaient observés par des télescopes optiques puissants des étoiles étaient observées. D’autres ont été identifiés comme les débris d’une collision entre galaxies. Cependant, quand l’équipe étudiait la région de VIRGOHI21 au télescope optique Isaac Newton à La Palma (Espagne), ils n’ont pas trouvé de traces visibles d’étoiles jusqu’à une brillance de surface limite de 27.5 magnitudes par seconde d’arc carré en bleu, et ni aucune galaxie proche qui aurait pu suggérer une collision. L’équipe a obtenu ses premières observations radio en 2000 et il a fallu presque 5 ans pour éliminer les autres interprétations possibles. C’est donc la première galaxie obscure jamais détectée. Les astronomes ont mesuré les mouvements d’étoiles et de galaxies depuis des décennies déjà. Ces mesures ont montré qu’il devrait exister bien plus de masse dans l’univers qu’on ne peut le voir. Cette matière noire est toujours un mystère pour les astronomes : est-elle mélangée avec les étoiles ou séparée d’elles ? Une autre énigme est que les idées courantes sur la formation des galaxies prévoit la présence de beaucoup plus de galaxies dans l’univers qu’on ne peut le voir actuellement. Ainsi, ces deux idées, la matière noire et le manque de galaxies visibles, ont poussé des astronomes à prévoir l’existence de galaxies obscures dans l’univers. L’identification d’une galaxie obscure est une percée importante, car selon les modèles cosmologiques la matière noire est cinq fois plus abondante que la matière normale (baryonique), celle que l’on peut voir et toucher. La quantité de matière dans une galaxie détermine la force gravitationnelle nécessaire pour maintenir sa cohésion. Certaines galaxies tournent tellement vite qu’elles devraient se désintégrer. Le fait qu’elles ne le fassent pas montre que la force gravitationnelle dans ces objets doit être plus forte que celle qu’on peut déduire de leur matière visible. Ceci a conduit à la déduction de la présence de matière invisible. La masse de cette matière noire peut être calculée par la force gravitationnelle nécessaire pour maintenir la cohésion de la galaxie. On pense que les galaxies obscures se forment quand la densité de matière dans un objet est trop basse pour conduire aux conditions qui permettent la formation d’étoiles. Bien que les observations de VIRGOHI21 puissent en principe avoir d’autres explications elles sont compatibles avec une distribution d’hydrogène dans un disque plat en rotation, comme on le trouve dans des galaxies spirales normales. L’équipe espère continuer ses observations de la partie cachée de l’univers. Pour cela ils ont à leur disposition les grands relevés profonds et complets de l’hydrogène froid qui viennent de débuter avec le système de récepteurs a sept cornets ALFA au radiotélescope d’Arecibo, ainsi que des observations plus profondes de VIRGOHI21 avec de grands interféromètres radio.