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La plus lointaine galaxie jamais mesurée

1er octobre 2010

La distance de la plus lointaine galaxie dans l’Univers vient d’être mesurée, par une équipe européenne d’astronomes, menée par un chercheur de l’Observatoire de Paris. Ils ont utilisé le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO et son spectrographe SINFONI, pour détecter la raie Lyman-alpha de l’hydrogène, et mesurer ainsi son décalage vers le rouge z=8.5549. L’Univers n’avait que 600 millions d’années, lorsque la galaxie nous a envoyé ces photons. Ce sont les premières observations confirmées d’une galaxie en pleine époque de réionisation, lorsque l’Univers contenait encore de l’hydrogène neutre diffus et opaque entre les galaxies. Ces résultats ont été publiés Jeudi 21 Octobre dans Nature.

L’étude de ces premières galaxies est extrêmement difficile. Même si leur luminosité initiale est importante, vues de la Terre elles semblent très faibles et petites. En outre, cette faible lumière tombe la plupart du temps dans la partie infrarouge du spectre parce que sa longueur d’onde a été décalée vers le rouge par l’expansion de l’univers. De plus, à ces époques très reculées, moins d’un milliard d’années après le Big Bang, l’Univers n’était pas entièrement transparent et une grande partie était remplie de brouillard d’hydrogène qui absorbe la lumière UV des jeunes galaxies. En effet, ce sont les premières galaxies qui vont réioniser l’espace intergalactique, et pendant cette période, appelée époque de réionisation, l’Univers comprend des poches d’hydrogène ionisé dans un continuum d’hydrogène neutre opaque. En dépit de ces défis, la nouvelle caméra à grand champ sur le télescope spatial Hubble a découvert plusieurs objets, candidats galaxies lointaines en 2009. La confirmation des distances de tels objets faibles est un énorme défi qui peut seulement être relevé par la spectroscopie des grands télescopes au sol, en mesurant le décalage vers le rouge de la lumière de la galaxie.

Une équipe franco-anglaise, conduite par un chercheur de l’Observatoire de Paris, a fait une demande spéciale au directeur général de l’ESO et a obtenu du temps de télescope sur le VLT pour observer une galaxie candidat appelée UDFy-38135539 pendant 16 heures. Après deux mois d’analyse très soigneuse et de tests de leurs résultats, l’équipe a constaté qu’elle avait clairement détecté la lueur très faible de l’hydrogène à un décalage vers le rouge de z=8.6, qui fait de cette galaxie l’objet le plus lointain jamais confirmé par la spectroscopie. Un déplacement vers le rouge z=8.6 correspond à une galaxie vue juste 600 millions d’années après Big Bang.

Figure 1 : Image en raie Lyman-alpha de la source UDFy-38135539. L’encart montre la réponse de l’instrument à une source ponctuelle (PSF). L’échelle de grisé montre le rapport signal-à-bruit. L’image est compatible avec une source ponctuelle, compte-tenu de la turbulence de l’atmosphère.

La détection de cette faible luminosité en Lyman-alpha montre que cette galaxie n’est pas suffisante pour avoir réionisé l’Univers autour d’elle. Il doit y avoir d’autres galaxies, probablement plus faibles, moins massives et proches de cette galaxie, qui ont également aidé à rendre l’espace transparent autour d’elle.

Figure 2 : Deux représentations du spectre de la source. L’image du haut montre la raie de Lyman-alpha de l’hydrogène, décalée de z=8.5549. L’image du bas montre le spectre à 2 dimensions, avec la longueur d’onde en abscisse, et la coordonnée d’ascension droite en ordonnée. La source est indiquée par le cercle blanc. Les perturbations du ciel nocturne sont visibles dans le reste de l’image. Cliquer sur l’image pour l’agrandir

A la limite de capacité des télescopes actuels, ce type de problématique scientifique pourra être pleinement abordé avec les très grands instruments de l’avenir, que ce soit l’European Extremely Large Telescope de l’ESO, le James Webb Space Telescope (JWST) de la NASA-ESA ou le grand interféromètre millimétrique et submillimétrique ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) .