Prévues par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale en 1916, les ondes gravitationnelles ont été directement observées pour la première fois sur Terre en 2015. Elles sont les échos à distance des événements célestes les plus violents. Mais si elles traversent l’Univers à la vitesse de la lumière, elles sont très difficiles à observer car les déformations engendrées sont infinitésimales, et les meilleures installations terrestres sont limitées dans la gamme de fréquences observables notamment par le bruit ambiant.
Acronyme pour Laser Interferometer Space Antenna, LISA est la 3e mission de « classe L » du programme européen Cosmic Vision de l’ESA. Avec un lancement prévu pour 2035, son objectif est la détection des ondes gravitationnelles.
La mission sera constituée de trois satellites qui accompagneront la Terre sur sa trajectoire orbitale autour du Soleil. Postés dans son sillage, ils la suivront à une distance de 50 millions de kilomètres. Disposés selon un triangle équilatéral de 2,5 millions de kilomètres de côté, ils formeront un gigantesque interféromètre optique orienté à 60° du plan de l’orbite terrestre.

Les unités seront reliées 2 à 2 par des signaux lasers identiques et synchronisés, pour mesurer les déplacements entre des masses d’épreuve en chute libre à l’intérieur de chaque instrument.
Placées dans un environnement isolé des perturbations extérieures (vent solaire, forces parasites, etc.), ces masses d’épreuve seront les témoins des infimes perturbations de l’espace-temps qui les rencontreront. La sensibilité attendue est de 10 picomètres, dans un domaine de basses fréquences gravitationnelles non encore explorées et impossibles à mesurer avec les laboratoires LIGO et VIRGO, opérant depuis le sol.
Laboratoires français contributeurs à la mission LISA :
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L’Observatoire de Paris - PSL est impliqué sur divers points clefs de la mission
◾ Prétraitement des données :
Le SYRTE est responsable du développement d’une partie de la chaîne d’analyse des données de la mission : le prétraitement des données.
Lorsque seront reçues les données instrumentales provenant des trois satellites de la constellation LISA, les signaux des ondes gravitationnelles seront totalement noyés et invisibles dans les bruits instrumentaux. L’objectif du prétraitement des données - l’élément de l’analyse qui se situe le plus en amont de la chaîne de traitement -, est de corriger les mesures expérimentales d’un grand nombre d’effets perturbateurs.
Dans un second temps, une combinaison astucieuse de ces données de bord permet d’inférer des séries temporelles dans lesquelles les bruits instrumentaux sont fortement réduits.
Les signaux des ondes gravitationnelles deviendront ainsi clairement visibles et identifiables dans ces produits du prétraitement. Il s’agit donc d’une étape critique et indispensable qui permettra ensuite d’extraire les informations scientifiques recherchées.
◾ Instrumentation :
Une contribution se traduit aussi au niveau instrumental, aux activités sur les dispositifs IDS (Interferometric Detection System) et OTS (Optical Test System), dont les responsables scientifiques sont respectivement membres de l’APC et du SYRTE.
Il s’agit des tests au sol des charges utiles, la technologie la plus poussée et complexe de la mission.
En particulier :
- l’APC fournit les bancs test interférométriques prototype, et accompagne le développement industriel des bancs test définitifs.
- Le SYRTE fournit les prototypes des systèmes laser nécessaires pour ces tests sol (lasers stabilisés en fréquence sur l’iode), et accompagne le développement industriel des systèmes lasers définitifs IDS et OTS.

◾ Exploitation scientifique :
Le SYRTE et le LUTH sont également impliqués dans de nombreux projets d’exploitation scientifique de la mission LISA :
L’équipe Théorie et Métrologie du SYRTE relève l’un des grands défis de la mission LISA qui est la détection d’une superposition de fonds stochastiques d’ondes gravitationnelles, homogènes et isotropes, provenant de processus physiques qui se sont produits dans les premiers instants de notre Univers (transitions de phase, cordes cosmiques, inflation, etc.).
![<multi>[fr] Les systèmes binaires de trous noirs supermassifs situés au cœur des galaxies produisent des ondulations dans l'espace-temps appelées ondes gravitationnelles. Les ondes gravitationnelles émises par toutes les binaires de trous noirs supermassifs de l'univers se combinent pour former un bruit de fond stochastique.[en] Supermassive binary black hole binary systems at the cores of galaxies produce ripples in spacetime called gravitational waves. Gravitational waves from all of the supermassive black hole binaaries in the universe combine to form a stochastic background.</multi>](IMG/jpg/gravwaves_2560_hq.jpg)
L’enjeu est :
- d’appréhender les formes spectrales de ces signaux qui sont relativement mal connues ;
- de séparer deux types de bruits - l’un cosmologique, l’autre instrumental - sans connaître la forme spectrale, ni de l’un ni de l’autre.
Par ailleurs, l’équipe développe aussi de nouvelles formes d’onde permettant de caractériser le magnétisme et la dissipation de marées dans les systèmes de binaires galactiques.
L’idée est de préparer, à l’aide de ces systèmes, de nouveaux tests de l’invariance de Lorentz ou encore de modéliser des systèmes binaires à rapport de masse extrême, désignés par l’acronyme EMRI (Extreme Mass Ratio Inspiral), près du Centre Galactique. Une collaboration a par ailleurs commencé il y a quelques années entre le LUTH, le LESIA et le SYRTE pour l’étude des EMRIs autour du trou noir supermassif au centre de notre galaxie, Sagittarius A*.
L’équipe Relativité et Objets Compacts du LUTH mène de nombreux travaux portant sur la modélisation des sources astrophysiques et les tests des théories de gravitation, étape cruciale pour être capable d’extraire les signaux des données de LISA.
Il s’agit notamment de :
- l’étude des systèmes binaires à rapport de masse extrême (EMRI) et la participation à l’effort international de développement d’un formalisme, dit de la self-force, permettant de calculer les formes d’ondes gravitationnelles engendrées par les EMRIs, qui sont parmi les principales sources attendues pour LISA ;
- la modélisation en physique fondamentale des différentes formes d’ondes gravitationnelles ;
- la participation à plusieurs groupes de travail de la collaboration LISA et la contribution à la rédaction d’un livre blanc de préparation scientifique en vue du lancement de la mission.