Illustration par défaut

L’évolution galactique du phosphore

1er août 2011

Août 2011 — La composition chimique des diverses étoiles dans la Galaxie est un traceur intéressant de son évolution. Jusqu’ici, le phosphore est resté mystérieux, parce qu’il est difficile de le détecter dans les étoiles froides. Une équipe internationale d’astronomes, comprenant des chercheurs de l’Observatoire de Paris, a mesuré avec le VLT/CRIRES l’abondance du phosphore de vingt étoiles froides dans le disque galactique. Les auteurs montrent que le rapport d’abondance du phosphore par rapport au fer (P/Fe) se comporte pareillement à celui du soufre, augmentant pour les étoiles pauvres en métaux. L’augmentation observée du rapport d’abondance P/Fe est plus forte que prévue par les modèles d’évolution chimique galactique, et les différents processus pour produire le phosphore dans les étoiles doivent être révisés. En outre, il n’y a aucune différence en P/Fe pour des étoiles avec ou sans planètes détectées.

Le phosphore, avec un numéro atomique de Z = 15, est dans le groupe de l’azote dans le tableau périodique des éléments. Il se situe entre le silicium (Z = 14) et le soufre (Z = 16). Contrairement au phosphore, le soufre et le silicium sont deux éléments bien étudiés, et leur abondance est mesurée dans la photosphère des étoiles "froides". Le phosphore est un élément abondant dans l’Univers, et il est essentiel pour la vie comme nous la connaissons sur Terre. En fait, le phosphore est un élément composant de l’ADN, ARN, ATP (phosphate) et des membranes cellulaires (phospholipides). Dans la photosphère solaire le phosphore est parmi les vingt éléments les plus abondants. En dépit d’être un élément commun, abondant dans l’Univers, et important pour notre vie, jusqu’à présent ls phosphore n’a jamais été systématiquement analysé dans la Galaxie. La raison de cette absence d’étude est due à l’absence de signatures du phosphore dans les spectres stellaires ; aucune raie de phosphore n’est détectée dans l’intervalle de longueur d’onde habituellement observé dans les étoiles froides. Depuis quelques années CRIRES, un spectrographe infrarouge à haute résolution, est disponible dans la classe de télescopes de 8m à l’ESO-Chili. Les raies faibles de P I dans le domaine 1050-1082 nm, sont détectables avec CRIRES. Il est alors possible de déterminer l’abondance de phosphore dans les étoiles à différentes étapes de la vie de la Galaxie, et retracer l’évolution du phosphore dans la Voie Lactée. Une équipe d’astronomes dirigée par Elisabetta Caffau (ZAH, GEPI) ont observé un échantillon de vingt étoiles Galactiques, avec une métallicité dans l’intervalle d’un dixième à deux fois la métallicité solaire, et dessiné la première image de l’évolution galactique du phosphore. L’échantillon contenait des étoiles avec et sans planètes détectées. Le résultat est montré dans la Figure 1.

Figure 1 : L’abondance relative du phosphore, [P/Fe], en fonction de la metallicité, [Fe/H]. Les étoiles connues pour avoir des planètes (carrés rouges) ont des symboles différents des étoiles sans planète connue (hexagones noirs). Un modèle d’évolution galactique du phosphore (Kobayashi et al. 2006) est ajouté (ligne continue) pour la comparaison aux données observées. Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Si nous utilisons [Fe/H] = (log10(NFe/NH)-log10(NFe/NH)Soleil) comme une mesure de la métallicité des étoiles, [P/Fe], défini comme log10(NP/NH)-log10(NP/NH)Soleil-[Fe/H], est le logarithme du rapport de l’abondance du phosphore sur l’abondance du fer. Dans la figure on voit que [P/Fe] est proche de zéro pour les étoiles de métallicité solaire, et le rapport augmente à mesure que la métallicité diminue, c’est à dire que les étoiles plus pauvres en métaux ont un rapport [P/Fe] plus élevé que le Soleil. Il n’y a aucune différence évidente dans le comportement entre les étoiles avec et sans planètes. Ce comportement était inattendu, et nous invite à une révision de nos modèles de l’évolution chimique de la Galaxie.
E. Caffau (1,2), P. Bonifacio (2), R. Faraggiana (3), M. Steffen (4,2) ((1) ZAH, LSW, (2) GEPI-Obs. Paris, (3) Univ. Trieste, (4), Leibniz Institut fuer Astrophysik, Potsdam) A&A in press