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Le sillage des planètes autour des pulsars

1er septembre 2011

Les premières planètes extra-solaires ont été détectées autour de pulsars. Ces étoiles à neutrons en rotation rapide, avec une période d’une milliseconde à une seconde, émettent un vent stellaire relativiste, emportant un champ magnétique, qui intéragit avec les corps en orbite autour du pulsar. Les phénoménes électromagnétiques ont été calculés par deux astronomes, dont un de l’Observatoire de Paris. Ils ont montré que les planètes pourraient alors émettre des ondes radio qui permettraient de les détecter, et que les petits corps pourraient subir des changements rapides d’orbite, en moins de 10 000 ans.

Les trois premières planètes qui ont été découvertes hors du système solaire (en 1992) tournent autour d’une étoile fort singulière portant le doux nom « PSR 1257+12 » : si sa masse est comparable à celle de notre étoile, son diamètre n’excède pas 40 kilomètres (contre 1 400 000 km pour le Soleil). C’est une étoile à neutrons, ainsi désignée car les neutrons en constituent le composant majoritaire. Les étoiles à neutrons, aussi denses que des noyaux atomiques, sont les résidus d’explosion d’une étoile au moins huit fois plus massive que le Soleil. Autrement dit : les étoiles à neutrons sont un des résidus d’une explosion de supernova. Si l’étoile à neutrons a deux ou trois masses solaires, le reste de l’étoile originelle (plus de 5 masses solaires) a été dispersé dans l’espace, suite à l’explosion. En raison de la très petite taille des étoiles à neutrons, leur éclat est très faible, et cela en rend la détection directe très difficile. En revanche, ces étoiles tournent très vite sur elles-mêmes (avec une période de quelques milli-secondes à quelques secondes, contre 27 jours pour le Soleil), et leur champ magnétique est très fort. De ce fait, une série de phénomènes relativement complexes les transforme en puissants émetteurs radio, les « pulsars », et c’est d’ailleurs avec des radiotélescopes que l’on a identifié le PSR 1257+12 et, indirectement, son système de planètes. PSR 1257+12 est l’objet d’une surveillance régulière avec le grand radiotélescope de Nançay.

Figure 1 : Vue d’artiste du pulsar 1257+12 apparaissant par-dessus le limbe d’une de ses planètes. Crédits : NASA/JPL-Caltech/R. Hurt (SSC) Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Les planètes identifiées autour de PSR 1257+12 ont une masse comparable à celle de la Terre ; elles sont constituées de matière ordinaire. Leur diamètre, de quelques milliers de kilomètres excède largement celui de leur étoile, ce qui en fait un système planétaire assez exotique. Depuis leur découverte, d’autres système planétaires, plus nombreux et bien différents on été découverts : les planètes y tournent autour d’étoiles assez semblables au Soleil (des étoiles de la « séquence principale » du diagramme HR), et l’espoir d’y découvrir de la vie a focalisé beaucoup d’attention. De ce fait, et du fait d’une plus grande rareté, on parle beaucoup moins des planètes de pulsars.

Néanmoins, les planètes de pulsars n’ont pas révélé tous leurs secrets, et la question se pose aujourd’hui de leur origine : sont-elles des planètes formées avant l’explosion de l’étoile -et dans ce cas, comment y ont-elles résisté ?- ou ont-elles été formées depuis, à partir de résidus de matière éparpillés par l’explosion ? Dans ce dernier cas, les phénomène de formation de nouvelles planètes autour d’une étoile à neutrons sont-ils analogues à ceux invoqués autour d’une jeune étoile « normale », ou existe-t-il des processus physiques spécifiques à l’environnement des étoiles à neutrons, capable d’en changer le cours ? Deux astronomes, au LUTH (observatoire de Paris-Meudon) et à l’observatoire de Strasbourg, ont mené une étude théorique sur l’interaction de planètes, ou de corps plus petits (astéroïdes, comètes...) avec l’environnement d’un pulsar. Ils se sont fondés sur le fait qu’un pulsar émet un vent, composé de matière peu dense mais extrêmement rapide. D’après de nombreux modèles, et jusqu’à une distance encore mal connue, malgré une vitesse proche de la vitesse de la lumière, ce vent est moins rapide que des ondes de déformation du champ magnétique en provenance de l’étoile (ondes d’Alfvén). Les deux chercheurs ont montré que dans ce cas, la planète est entourée d’un sillage caractérisé par une modification du champ magnétique porté par le vent de l’étoile, et par l’existence d’un très fort courant électrique se propageant tout au long du sillage. Les deux auteurs concluent que ce sillage peut avoir deux effets importants, suivant les dimensions de l’astre en rotation autour du pulsar : Le courant électrique associé au sillage pourrait être instable et émettre des ondes radio qui, peut-être, rendraient de nouvelles planètes de pulsar détectables directement avec les prochaines générations de radiotélescopes. D’autre part, ce sillage pourrait modifier profondément l’orbite de corps plus petits, tels des astéroïdes, des comètes, ou des planétésimaux (morceaux de planètes en formation), au point d’en faire tomber certains sur l’étoile, ou de les chasser au loin, selon le sens de leur orbite. De telles migrations seraient extrêmement rapides aux échelles de temps astronomiques. Pour des corps d’un kilomètre, la migration aurait lieu en moins de 10 000 ans. Cet effet devrait être pris en compte dans les prochains modèles de formation des planètes de pulsars comme celles de PSR 1257+12, si celles-ci sont issues des résidus d’une supernova.

Figure 2 : Variation du demi-grand axe d’un petit corps d’un kilomètre de rayon au voisinage d’un pulsar tournant sur lui même en une seconde, selon le modèle des auteurs. L’évolution est montrée en fonction du temps (axe horizontal). L’astre est initialement à une distance de 0.16 unité astronomique (une distance comparable à la distance Soleil-Mercure), et les différentes lignes représentent l’évolution pour des orbites d’excentricité « e » différentes. Une orbite d’excentricité nulle (e=0) est circulaire, une orbite d’excentricité e=0.20 forme un ovale comme la trajectoire d’une comète. On constate que dans tous les cas de figure, selon ce modèle, le petit corps tombe sur son étoile en moins de 6000 ans. Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Fabrice Mottez et Jean Heyvaerts (2011)