Entre 2004 et 2017, la mission spatiale NASA/ESA Cassini a exploré l’environnement de Saturne sous toutes ses coutures avec 293 orbites. Parmi la moisson de résultats scientifiques obtenus avec sa panoplie d’instruments, la détection unique, en 2008, de l’empreinte aurorale utraviolette (UV) d’Encelade dans l’atmosphère de Saturne avait révélé un nouveau cas d’interaction planète-satellite, ténu et transitoire. Les panaches de matière éjectés par Encelade sont la première source de plasma de la magnétosphère kronienne, cette cavité crée par le champ magnétique planétaire dans le vent solaire.
Jusque-là, seules les empreintes aurorales des satellites galiléens de Jupiter, intenses et régulières, étaient connues. On doit à Renée Prangé, chercheuse à l’Observatoire de Paris - PSL et coauteure de la présente étude, la détection historique en 1996 de l’empreinte aurorale UV d’Io sur Jupiter (voir Ref [1]).
Neuf ans plus tard, en 2017, lors de l’ultime orbite de la sonde Cassini avant son plongeon dans l’atmosphère de Saturne, l’empreinte aurorale UV nord d’Encelade a été à nouveau détectée fugitivement, pendant plus de 3h30, juste à l’emplacement prédit et tournant autour du pôle à la vitesse orbitale de la lune (Figure 2).
Cette deuxième détection confirme l’existence de l’interaction d’Encelade avec le champ magnétique de Saturne. Elle révèle aussi qu’Encelade dissipe moins d’énergie qu’Io, Europe ou Ganymède à sur Jupiter en raison du champ magnétique plus faible de Saturne. La tache aurorale est trop transitoire et/ou trop faible pour être détectée continûment.
Les auteurs de l’étude ont aussi montré que l’apparition de cette signature UV coïncidait avec une activité radio aurorale de Saturne intensifiée par une compression de la magnétosphère par le vent solaire, un lien qui n’avait jusqu’ici jamais été observé dans le cas de Jupiter. Ce contrôle de l’interaction planète-satellite par le vent solaire pose ainsi de nouvelles questions sur l’influence du vent solaire dans la magnétosphère interne.
L’étude comparée des interactions planète-satellite revêt un véritable enjeu, à l’heure où des émissions aurorales analogues sont activement recherchées autour d’exoplanètes orbitant près de leur étoile.
[1] Rapid energy dissipation and variability of the lo–Jupiter electrodynamic circuit, Renée Prangé, Daniel Rego, David Southwood, Philippe Zarka, Steven Miller, Wing Ip Nature
[2] Cette étude fait l’objet d’un article paru le 24/01/2024 dans la revue Planetary Science Journal.
doi : 10.3847/PSJ/ad0cbc
Dernière modification le 9 février 2024