L’astéroïde géocroiseur Apophis fascine car il effectue régulièrement des passages proches de la Terre : par exemple à 16,8 millions de km en mars 2021, ou bien sûr en avril 2029 à seulement 31 000 km de la surface terrestre (soit 12 fois plus proche que la Lune et un peu à l’extérieur de la zone des satellites géostationnaires). Sa trajectoire est donc surveillée de près depuis sa découverte en 2004.
Les 7 et 22 mars 2021, deux occultations stellaires par Apophis ont été observées pour la première fois, aux États-Unis :
Pour la première fois, deux campagnes d’observation d’Apophis par occultation stellaire ont été organisées : À l’initiative de : ◾ J. Desmars (IMCCE / IPSA / Observatoire de Paris - PSL), ◾ D. Souami et B. Sicardy (LESIA / Observatoire de Paris - PSL), ◾ B. Morgado (Obs. Nacional et LIneA, Brésil) ◾ et F. Braga-Ribas (UTFPR, Brésil) dans le cadre du projet ERC Lucky Star [1] Et en collaboration avec : ◾ P. Tanga (Observatoire de la Cote d’Azur), ◾ K. Tsiganis (Univ. Thessaloniki, Grèce), ◾ et plusieurs équipes américaines d’astronomes professionnels et amateurs. |
Les occultations stellaires permettent non seulement de déterminer la taille et la forme des petits corps du Système solaire à des précisions sub-kilométriques, mais également d’en donner des positions extrêmement précises.
Les prédictions des occultations stellaires requièrent cependant une bonne connaissance du mouvement du corps et de la position de l’étoile, ainsi qu’un réseau dense de télescopes répartis sur la planète permettant de suivre le phénomène céleste tout au long de son déroulement.
Pour un objet comme Apophis (380 m de diamètre seulement ! [2]), une détection était impensable sans :
- la précision du catalogue Gaia
- et l’expertise de l’équipe Lucky Star.
De plus, début mars 2021, des mesures radar ont contribué à améliorer encore la précision de l’orbite.
Enfin, la participation d’astronomes amateurs équipés de télescopes mobiles a été une fois de plus décisive dans le succès de ces observations.
Au total, 3 stations ont enregistré l’événement du 7 mars et une station a enregistré celui du 22 mars [3], qui durait moins de 0,1 seconde.
➕ Apophis devient ainsi le premier objet de quelques centaines de mètres à être observé par occultation stellaire. Les positions déduites sont complémentaires et équivalentes en précision aux observations radars, avec l’avantage d’être beaucoup moins coûteuses. |
Détection de l’effet Yarkovsky
Au-delà d’exclure tout risque de collision avec la Terre pour les 100 prochaines années, ces observations ont également permis de mesurer des accélérations très faibles du mouvement d’Apophis dues à l’effet Yarkovsky (une très petite force due à l’émission thermique du corps), ce dernier ayant un rôle prépondérant sur la dynamique de l’objet (trajectoire et futures rencontres proches avec la Terre).
Les retombées scientifiques sont donc inédites.
La réussite de ces occultations annonce une ère nouvelle dans l’étude des astéroïdes géocroiseurs.
Après les occultations stellaires réussies par le géocroiseur Phaéton (6 km de diamètre) en 2019 et les occultations par Apophis de mars 2021, d’autres occultations par des astéroïdes tels que le géocroiseur Didymos, cible des missions DART (NASA) et Hera (ESA), sont maintenant pleinement envisageables.
Pour en savoir plus
Un article paru le 26 mars 2021 sur le site de l’ESA, dans la rubrique Image of the week détaille le contexte et les résultats scientifiques.
[1] ERC Lucky Star : https://lesia.obspm.fr/lucky-star/
[2] Cela revient à mesurer la taille d’une pièce d’un euro à une distance de 1 000 km.
[3] Une nouvelle détection a été réussie le 4 avril, lors d’une campagne aux États-Unis.
Dernière modification le 21 décembre 2021