Après un lancement en 1977 et le survol de Jupiter puis Saturne, la sonde survola la planète Uranus à 81 000 km, révélant un système planétaire inattendu :
- un système complexe d’anneaux et de 27 satellites avec de grandes lunes (Obéron, Titania, Umbriel, Ariel, Miranda),
- une rotation rapide en 17,24 h,
- une chimie et une dynamique atmosphérique inédites,
- une source d’énergie interne nulle ou presque
- un environnement magnétique unique dans le système solaire.

On s’attendait bien à ce qu’Uranus dévoile quelques surprises. Avec un axe de rotation pointant alors vers le soleil – résultat probable d’une antique collision d’ampleur avec un impacteur géant – son atmosphère était soumise à une insolation extrême avec un hémisphère éclairé en permanence, tandis que ses satellites orbitaient dans un plan perpendiculaire à l’écliptique.
Mais avec, en sus, un axe magnétique incliné de 60° - un record dans le système solaire ! - cette magnétosphère asymétrique devenait dès sa découverte un cas extrême dans le club très fermé des planètes magnétisées.
Depuis, l’intérêt pour cet intriguant système planétaire ne s’est jamais démenti. C’est que, depuis la moisson de données pionnières de Voyager 2, de nombreuses questions restent en suspens.
Certes les observations régulières de télescopes au sol permettent d’étudier son activité nuageuse et son système d’anneaux, mais la gamme spectrale observable et la sensibilité atteignable depuis l’orbite terrestre (à plus de 2,7 milliards de km) n’égalent pas celles de mesures locales, dont certaines ne peuvent être réalisées qu’in situ (comme la mesure de particules, de champ magnétique, etc).
Et après les nombreuses missions spatiales terrestres, après l’exploration orbitale de Jupiter (Galileo, Juno en cette fin d’année, et JUICE en 2025), de Saturne (Cassini-Huygens), Mercure (Messenger, et bientôt Bepi-Colombo) et même de comètes (Rosetta/Philae), Uranus est la prochaine étape-clef de l’exploration du système solaire.
Elle forme en effet avec Neptune la catégorie des planètes géantes glacées (moins massives que les géantes gazeuses avec un cœur de roches et de glaces), mais elle est située deux fois moins loin, et donc plus accessible.
Le regain d’intérêt des agences spatiales
Depuis quelques années déjà, plusieurs scenarii de mission sont à l’étude :
• Côté NASA d’abord : une telle mission a été classée comme prioritaire dans plusieurs rapports récents (decadal surveys de planétologie et de physique héliosphérique), tandis qu’une équipe de définition scientifique d’une telle mission est actuellement en cours de constitution.
• Côté ESA ensuite : le projet de mission Uranus Pathfinder – avec un soutien important de la communauté française - a été soumis aux récents appels d’offre ESA et reçu une excellente évaluation scientifique, bien que sans sélection jusqu’ici.
Un premier enjeu technologique tient à la taille des panneaux solaires nécessaires pour alimenter une sonde à 19 UA (environ un terrain de foot) rend cette option caduque à côté de générateurs nucléaires, que l’ESA n’a pas encore mis au point.
Deuxième enjeu de taille : la durée de la phase de croisière qui est de 15 ans au bas mot, passés pour la plupart en hibernation, soit plus long encore que pour la mission Rosetta. En 2011, le projet soumis à l’ESA identifiait une arrivée possible en … 2037 !
Pour ce type de mission à longue échéance, il est particulièrement important de la sélectionner dès que possible, et d’anticiper sa préparation. A ce titre, on peut noter le choix du CNES de démarrer une étude de faisabilité d’une mission exploratoire de l’environnement Uranien en 2016.
Ré-analyse des observations de Voyager 2
En attendant, la période est propice à la ré-analyse des observations de Voyager 2 à la lueur de notre compréhension actuelle des systèmes planétaires.

Le groupe "magnétosphères" du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique de l’Observatoire de Paris a démarré cet été un travail de réhabilitation des jeux de données haute résolution de l’instrument PRA (Planetary Radio Astronomy), précédemment conservés sur bandes magnétiques et désormais archivées au CNES sous forme numérique.
En parallèle, il avait re-détecté les aurores d’Uranus avec le télescope spatial Hubble en 2011, en observant en période d’activité solaire élevée. Les résultats obtenus témoignent d’une richesse de processus magnétosphériques variant avec les saisons planétaires, une motivation de plus pour retourner explorer Uranus au plus vite.