Le satellite Gaia a été lancé le 19 décembre 2013, avec pour objectif d’observer plus d’un milliard d’étoiles de la Voie Lactée (soit environ un pour cent des objets qui la composent) et de mesurer leurs positions, distances, mouvements et propriétés physiques avec une précision inégalée.
C’est désormais chose faite grâce au travail coordonné de chercheurs issus de 20 pays, réunis au sein du Consortium pour le traitement et l’analyse des données Gaia (DPAC) de l’ESA.
Gaia exécute 500 millions de mesures par jour. Pour chaque objet céleste observé, il stocke à son bord toutes les informations enregistrées. Celles-ci sont ensuite transmises aux stations sol de l’ESA en Espagne, en Australie et en Argentine, puis redistribuées au sein du consortium qui, organisé en Unités de coordination (CU), se charge de les convertir en informations scientifiquement significatives.
Dans ce dispositif, la France a joué un rôle prépondérant avec une centaine de chercheurs et ingénieurs du CNRS, des observatoires et des universités, ayant assuré 40 % du traitement des données, et le Centre national d’Etudes spatiales (CNES), qui a mis en place un centre de traitement de “big data”.
Le premier catalogue de Gaia a été publié le 14 septembre 2016. Il incluait la position et l’éclat de 1 100 millions (1,1 milliard) d’étoiles, mais les distances et les mouvements pour deux millions d’étoiles les plus brillantes seulement.
Le 25 avril 2018, paraît le catalogue Gaia DR2, établi après 22 mois d’observations seulement (juillet 2014-mai 2016).
Gaia DR2 contient :
• 1,7 milliard positions d’étoiles sur le ciel et brillance ;
• 1,3 milliard de distances et mouvements propres d’étoiles ;
• 7,2 millions de vitesses radiales ;
• 500 000 courbes de lumières d’étoiles variables ;
• 500 000 quasars, ce qui permet de définir pour la première fois le référentiel
céleste en utilisant des observations optiques de sources extragalactiques ;
• 160 millions de températures de surface et 77 millions de rayons et
luminosités d’étoiles. À l’aide de ces paramètres, on a pu par exemple trouver 120 000 jumeaux du Soleil ;
• 14 000 astéroïdes.
Attendu par les astronomes du monde entier, ce catalogue ouvre une nouvelle ère pour la recherche en astronomie. En combinant données astrométriques, photométriques et spectroscopiques, Gaia apportera une moisson inédite d’informations sur notre Galaxie permettant ainsi une étude détaillée de sa structure en trois dimensions, de sa cinématique, de son origine et de son évolution.
Parallèlement à l’ouverture des données, une série d’articles scientifiques est publiée dans la revue Astronomy and Astrophysics, à partir du 25 avril 2018. Ces études ont été menées afin de valider la qualité du nouvel ensemble de données et démontrer tout le potentiel de Gaia.
Traitement spectroscopique :
Les données Gaia DR2 contiennent le tout premier catalogue de vitesses stellaires radiales obtenues avec le spectrographe embarqué Radial Velocity Spectrometer (RVS), avec une précision bien supérieure aux attentes. Ce catalogue de vitesses radiales pour 7,2 millions d’étoiles est le plus grand au monde et le seul à couvrir l’ensemble de la sphère céleste. La vitesse radiale, mesurée le long de la ligne de visée d’une étoile, est le complément indispensable aux mesures astrométriques des mouvements tangents à la sphère céleste pour étudier la cinématique et la dynamique en trois dimensions des populations stellaires et ainsi retracer l’histoire de la formation de notre galaxie.
Paola Sartoretti, première auteure de l’article :
« Gaia Data Release 2 : Processing, validation and performance of the spectroscopic data »
Diagramme Hertzsprung–Russell :
Les données Gaia DR2 fournissent les diagrammes Hertzsprung–Russell (H-R) les plus complets et détaillés disponibles à ce jour. Ces diagrammes représentent la luminosité des étoiles en fonction de leur couleur ou température. Ils permettent de classifier les étoiles et déterminer à quel stade de leur vie elles se trouvent. Très attendus par la communauté, les diagrammes H-R Gaia vont servir de base à une multitude d’études sur l’évolution stellaire et les populations galactiques.
Carine Babusiaux, première auteure de l’article :
« Gaia Data Release 2 : Observational Hertzsprung-Russell diagrams »
Structure galactique :
Les données extraordinaires collectées par Gaia permettent de construire la carte tridimensionnelle la plus précise des positions, des mouvements et de la composition chimique des étoiles dans notre galaxie.
David Katz, premier auteur de deux articles :
• « Gaia Data Release 2 : Mapping the Milky Way disk kinematics »
• « Gaia Data Release 2 : Properties and validation of the radial
velocities »
Système solaire :
Les données de Gaia pour les objets du Système solaire montrent une amélioration d’un facteur 100 de la précision des positions de ces objets. Ces résultats suggèrent que l’on pourra utiliser les observations Gaia pour détecter des effets très fins dans le mouvement des astéroïdes, qui permettent d’étudier leur évolution et origine.
Paolo Tanga, deuxième auteur de l’article :
« Gaia Data Release 2 : Observations of Solar System objects »
Gaia est une mission qui était prévue pour une durée nominale de cinq ans. L’ESA a déjà approuvé une extension indicative jusqu’à la fin de 2020, ce qui devrait être confirmé à la fin de 2018.
Liste des laboratoires français impliqués dans Gaia
Les principaux contributeurs à l’analyse des données sont :
• Le GEPI (Observatoire de Paris - PSL / CNRS)
• L’IMCCE (Observatoire de Paris - PSL / CNRS / UPMC / Université de Lille 1)
• Le SYRTE (Observatoire de Paris - PSL / CNRS / Sorbonne Université / LNE)
• Le LERMA (Observatoire de Paris - PSL / CNRS / Sorbonne Université /ENS -
PSL / Université de Cergy-Pontoise)
• Le laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur / CNRS / Université
Côte d’Azur) à Nice
• L’OSU THETA Franche-Comté-Bourgogne (CNRS / Université de Franche-
Comté) à Besançon
• Le Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS / Université de Bordeaux)
• L’Observatoire de Strasbourg (CNRS / Université de Strasbourg)
• Le Laboratoire Univers et Particules de Montpellier (CNRS / Université
Montpellier 2)
• L’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS / Sorbonne Université)
• L’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG - CNRS/UGA)
laboratoire de l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble (OSUG)
33 scientifiques de l’Observatoire de Paris - PSL sont impliqués dans le DPAC (tous départements confondus)
Contexte de la mission spatiale Gaia :
La mesure de la distance des étoiles, dans la Galaxie et au-delà, joue un rôle capital en astronomie. Et en trois dimensions, elle est d’autant plus difficile à déterminer. Depuis notre Terre, les étoiles semblent réparties sur la sphère céleste alors qu’elles sont en réalité distribuées dans un volume immense. Si l’on prend l’exemple des étoiles de la constellation du Lion, celles-ci sont en réalité dispersées dans le ciel en profondeur - de moins de 10 à plus de 7 000 années-lumière. Seules des mesures de distance permettent de bien situer chaque étoile dans l’espace.
Mesurer les distances
Comment faire pour mesurer la distance des étoiles ? Un phénomène permet d’appréhender cette mesure : depuis la Terre, en orbite autour du Soleil, une même étoile, dite « proche », ne se projettera pas au même endroit sur un fond d’étoiles « lointaines », selon qu’elle est observée à deux instants distincts (par exemple, en hiver ou en été). Seulement, les mesures de ces minuscules mouvements de position sont extrêmement difficiles à opérer depuis le sol. Les premières d’entre elles ont été
réalisées il y a 170 ans. Mais ce n’est que depuis l’espace que leur précision a pu être améliorée considérablement, lorsqu’on a pu s’affranchir des effets de la turbulence
atmosphérique.
Une idée française
Dès 1965, ce fut l’idée très originale de Pierre Lacroute, alors directeur de l’Observatoire de Strasbourg, qui permit la conceptualisation d’Hipparcos, premier
satellite astrométrique de l’Agence spatiale européenne. Opérationnel de 1989 à 1993,
Hipparcos mesura les distances et les mouvements de 118 218 étoiles avec une
précision 50 fois plus grande qu’au sol. Le catalogue Hipparcos publié en 1997 reste la seule référence en ce domaine aujourd’hui.
La genèse de Gaia
Forts de ce succès, les astronomes européens ont proposé dès 1992 un nouveau projet à l’ESA avec l’ambition de mesurer un milliard d’objets, avec une précision 50 fois supérieure à celle d’Hipparcos. « En imaginant un satellite à deux télescopes avec des miroirs beaucoup plus grands en taille que celui d’Hipparcos, et des détecteurs d’une technologie beaucoup plus avancée, nous souhaitions relever le défi de la très haute précision et atteindre la microseconde d’arc », se souvient Catherine Turon, astronome émérite de l’Observatoire de Paris, pionnière de l’astrométrie spatiale. Gaia révolutionnera le domaine de la cartographie céleste en ce début de XXIe siècle en introduisant de la 3D, et rendra possible la combinaison de données astrométriques, photométriques et spectroscopiques.
Traitement des données
Le volume des données à traiter est sans égal à ce jour dans le domaine astronomique. Le traitement de l’ensemble des données scientifiques a été confié à un consortium international, suite à un appel à proposition publié par l’ESA en 2006, et auquel a répondu un groupe de scientifiques européens au sein d’un consortium DPAC (Data Processing and Analysis Consortium). Le DPAC rassemble aujourd’hui 422 scientifiques européens et 10 autres du reste du monde, qui ont sous leur responsabilité la conception et le développement des méthodes de traitement des données.
Un rôle de tout premier plan pour la recherche française
La communauté astronomique française occupe dans cette mission un rôle de tout
premier plan. Avec une centaine de scientifiques impliqués, la France est le premier
pays contributeur en Europe, suivie par l’Italie et la Grande-Bretagne. La maîtrise d’oeuvre de la construction du satellite a été assurée par le groupe aérospatial français Airbus Defence & Space (anciennement EADS/Astrium) à Toulouse. Le CNES, agence spatiale française, contribue de façon importante à la mission Gaia en ayant développé, en hébergeant et opérant le centre français de traitement des données (DPCC, Data Processing Center CNES), outil fondamental dans la chaîne de traitement des informations.
Dernière modification le 21 décembre 2021