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Extension de la courbe de rotation de Messier 31

1er juin 2006 Extension de la courbe de rotation de Messier 31

Des nouvelles mesures de la vitesse de rotation de l’hydrogène neutre de la galaxie d’Andromède (Messier 31) ont été réalisées par des astronomes de l’Observatoire de Paris et de l’Université de Montréal. Elles permettent d’étendre la courbe de rotation de M 31 et montrent que la vitesse varie très peu en fonction de la distance au centre de la galaxie. Ce résultat, qui fournit une nouvelle estimation de la masse de M 31, met aussi en évidence la présence d’un halo de matière sombre peu massif par rapport à la matière lumineuse.

La Voie Lactée et Messier 31 (Figure 1a) sont les deux galaxies les plus brillantes du Groupe Local et en constituent la majorité de la masse. Une des questions récurrentes est de savoir laquelle de ces deux galaxies est la plus massive. Des contraintes sur la masse d’une galaxie spirale peuvent être apportées en mesurant la cinématique (la courbe de rotation) des étoiles ou du gaz interstellaire du disque. La courbe de rotation représente la variation de la vitesse de rotation circulaire d’un traceur cinématique en fonction de la distance au centre de la galaxie. Le traceur cinématique le plus facilement observable est le gaz atomique observé grâce aux raies d’émission de l’hydrogène ionisé dans le visible à 656.3 nm et de l’hydrogène neutre (noté H I) en ondes radio à 21 cm. Au début des années 1990, des observations du gaz H I de M 31 montraient une courbe de rotation décroissante en fonction du rayon galactocentrique. Ce résultat faisait de M 31 une galaxie unique dans l’Univers car les galaxies spirales disposent généralement d’une courbe de rotation présentant un plateau de vitesse à grande distance galactocentrique (Fig. 1b). Une équipe internationale (Montréal, Paris, Bonn, NRAO), dirigée par des chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Observatoire de Paris (Claude Carignan et Laurent Chemin) a réalisé une nouvelle mesure de la courbe de rotation de M 31 pour tenter de confirmer ce résultat et de fournir une meilleure estimation de sa masse par la cinématique du gaz H I. Les nouvelles observations ont été faites avec les télescopes radio de 100 m d’Effelsberg (Allemagne) et du Green Bank Telescope (USA). Ces observations obtenues avec plus de sensibilité que précédemment permettent de sonder des régions plus distantes dans le disque de M 31, jusqu’à un rayon de 35 kpc (Fig. 1b, symboles carrés pleins). Contrairement aux anciens résultats, la nouvelle courbe de rotation H I de M 31 ne décroît pas à grand rayon et les vitesses de rotation sont constantes en fonction de la distance galactocentrique, atteignant une valeur de 225 km/s. Les propriétés cinématiques de M 31 sont alors comparables à celles de la majorité des galaxies spirales dans l’Univers. Un modèle de décomposition de la courbe de rotation de M 31 en deux composantes lumineuse et sombre implique la présence d’un halo de matière sombre (Fig. 1b,courbe mauve) dont la masse ne domine pas celle de la matière lumineuse de M 31 (Fig. 1b, courbes jaunes) à l’intérieur d’un rayon de 35 kpc. La masse du halo de matière sombre est en effet environ la moitié de la masse visible (disques d’étoiles, de gaz et bulbe).

La masse totale de M 31 (lumineuse + sombre) intégrée dans un rayon de 35 kpc est de 3.5x1011 masses solaires, ce qui correspondrait à une masse extrapolée de 5x1011 masses solaires dans un rayon de 50 kpc. À titre de comparaison, la masse de la Voie Lactée est de 5x1011 masses solaires intégrée dans un rayon de 50 kpc. Les deux galaxies voisines auraient alors des masses comparables.

Ces travaux vont se poursuivre par une cartographie complète du gaz H I et du gaz ionisé de M 31 par interférométrie radio et optique. Ces observations permettront de modéliser plus précisément la distribution de matière dans M 31 avec notamment d’autres modèles décrivant

la distribution de densité de masse du halo de matière sombre. Référence The Extended H I Rotation Curve and Mass Distribution of M 31 C. Carignan, L. Chemin, W.K. Huchtmeier & F.J. Lockman 2006, The Astrophysical Journal, 641, L109

Contact Laurent Chemin (Université de Montréal et Observatoire de Paris, GEPI)