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Un mystérieux émetteur cosmique de rayons X révèle sa nature magnétique

1er mai 2006 Un mystérieux émetteur cosmique de rayons X révèle sa nature magnétique

Notre Soleil, malgré ses taches, ses éruptions et son vent, est une étoile plutôt calme. En comparaison, les étoiles beaucoup plus massives vivent intensément et meurent très jeunes ; elles sont si chaudes en surface qu’elles rayonnent à elles seules plusieurs millions de fois l’énergie lumineuse du Soleil. Tau Scorpii est l’une de ces étoiles massives ; éjectant de grandes quantités de matière sous forme de vent stellaire, cette étoile est une source très intense de rayons X, dont l’origine mystérieuse vient d’être élucidée. Une équipe internationale

Notre Soleil, malgré ses taches, ses éruptions et son vent, est une étoile plutôt calme. En comparaison, les étoiles beaucoup plus massives vivent intensément et meurent très jeunes ; elles sont si chaudes en surface qu’elles rayonnent à elles seules plusieurs millions de fois l’énergie lumineuse du Soleil. Tau Scorpii est l’une de ces étoiles massives ; éjectant de grandes quantités de matière sous forme de vent stellaire, cette étoile est une source très intense de rayons X, dont l’origine mystérieuse vient d’être élucidée. Une équipe internationale[1] conduite par un chercheur de l’Observatoire Midi-Pyrénées et comprenant des chercheurs de l’Observatoire de Paris, a observé tau Scorpii avec le spectropolarimètre ESPaDOnS[2] équipant le télescope Canada-France-Hawaii[3]. Ils ont pu observer, pour la première fois, le réseau complexe de lignes de champ magnétique de cette étoile. Il serait à l’origine de bouffées de plasma très chaud, créées par collisions, qui produiraient ainsi le rayonnement X de tau Scorpii.

Les étoiles massives sont si brillantes qu’elles parviennent à expulser les couches superficielles de leur atmosphère sous la seule pression de la lumière qu’elles émettent - c’est ce qu’on appelle un ’vent stellaire’. Ce vent joue un rôle déterminant sur l’avenir de l’étoile ; de plus, la matière ainsi expulsée peut non seulement interagir avec d’autres étoiles proches, mais aussi alimenter le milieu interstellaire en matière et en énergie, ou encore provoquer l’effondrement de nuages avoisinants et induire ainsi de nouvelles poussées de formation stellaire. A ce titre, les étoiles massives sont des acteurs de premier plan dans la vie d’une galaxie. Tau Scorpii est l’une de ces étoiles massives ; elle est si lumineuse qu’elle est facilement visible à l’oeil nu malgré sa distance de plus de 400 années lumière. D’une masse égale à 15 fois celle du Soleil, tau Scorpii est aussi 5 à 6 fois plus grande et plus chaude que notre propre étoile. Dans le cosmos, ces étoiles très chaudes sont bien moins nombreuses que les étoiles comme le Soleil - tau Scorpii est en fait l’une de nos plus proches voisines très massives. Ces étoiles très chaudes émettent des rayons X, qui, d’après les scientifiques, sont produits lors de chocs supersoniques intervenant au sein du vent, sortes de gigantesques carambolages de particules cosmiques. Mais l’intensité des rayons X produits par tau Scorpii est encore bien supérieure à celle émise par la plupart des autres étoiles de même type, sans qu’aucune raison apparente n’explique cette étrange particularité. La présente découverte, qui révèle que la surface de l’étoile est couverte d’un réseau complexe de lignes de champ magnétique (voir l’image), permet de mieux comprendre l’activité inhabituelle de tau Scorpii. D’après l’équipe qui a obtenu ces résultats[1], le champ magnétique est très probablement un ’fossile’ datant de l’époque à laquelle l’étoile s’est formée. Mais la propriété la plus intéressante de ce champ magnétique est sans doute la manière dont il interagit avec le vent de l’étoile, forçant les particules du vent à suivre les lignes de champ comme des perles sur des fils. Dans ce contexte, les flots associés aux lignes de champ ’ouvertes’ (en bleu sur l’image) s’échappent librement vers l’espace, tandis que les flots associés aux boucles de champ fermées (en blanc sur l’image) restent captifs. Au sein de chacune de ces arches magnétiques, les flots en provenance des deux pieds de l’arche se rencontrent au sommet et produisent une collision frontale si colossale qu’elle parvient, grâce à l’énergie libérée lors du choc, à changer la matière expulsée par le vent en boules de plasma chauffées à plusieurs millions de degrés et confinées au sommet des boucles magnétiques. Ce modèle fournit une explication plausible et naturelle de l’émission de rayons X inhabituellement intense que tau Scorpii parvient à engendrer. Toutefois, le mécanisme par lequel le champ magnétique a réussi à freiner la vitesse de rotation de l’étoile (à moins d’un dixième de celles d’autres étoiles similaires non magnétiques) reste incertain : si les étoiles comme le Soleil peuvent en effet être freinées par leur vent magnétisé (à la manière d’un patineur qui ralentit sa rotation en écartant les bras), tau Scorpii ne perd pas sa masse assez vite pour que sa rotation ait pu être affectée au cours de sa très brève existence de ’seulement’ quelques millions d’années.

Les chercheurs ont découvert et modélisé le champ magnétique de tau Scorpii en détectant et en analysant les minuscules signaux polarisés que les champs induisent dans la lumière des étoiles magnétiques ; pour ces mesures, ils ont utilisé ESPaDOnS[2], l’instrument le plus performant au monde pour mener ce type d’étude. Ce nouvel instrument, actuellement monté au Télescope Canada-France-Hawaii[3], a été spécifiquement conçu et construit à l’Observatoire Midi-Pyrénées pour l’étude des champs magnétiques des étoiles.

Ces étoiles très chaudes émettent des rayons X, qui, d’après les scientifiques, sont produits lors de chocs supersoniques intervenant au sein du vent, sortes de gigantesques carambolages de particules cosmiques. Mais l’intensité des rayons X produits par tau Scorpii est encore bien supérieure à celle émise par la plupart des autres étoiles de même type, sans qu’aucune raison apparente n’explique cette étrange particularité. La présente découverte, qui révèle que la surface de l’étoile est couverte d’un réseau complexe de lignes de champ magnétique (voir l’image), permet de mieux comprendre l’activité inhabituelle de tau Scorpii. D’après l’équipe qui a obtenu ces résultats[1], le champ magnétique est très probablement un ’fossile’ datant de l’époque à laquelle l’étoile s’est formée. Mais la propriété la plus intéressante de ce champ magnétique est sans doute la manière dont il interagit avec le vent de l’étoile, forçant les particules du vent à suivre les lignes de champ comme des perles sur des fils. Dans ce contexte, les flots associés aux lignes de champ ’ouvertes’ (en bleu sur l’image) s’échappent librement vers l’espace, tandis que les flots associés aux boucles de champ fermées (en blanc sur l’image) restent captifs. Au sein de chacune de ces arches magnétiques, les flots en provenance des deux pieds de l’arche se rencontrent au sommet et produisent une collision frontale si colossale qu’elle parvient, grâce à l’énergie libérée lors du choc, à changer la matière expulsée par le vent en boules de plasma chauffées à plusieurs millions de degrés et confinées au sommet des boucles magnétiques. Ce modèle fournit une explication plausible et naturelle de l’émission de rayons X inhabituellement intense que tau Scorpii parvient à engendrer. Toutefois, le mécanisme par lequel le champ magnétique a réussi à freiner la vitesse de rotation de l’étoile (à moins d’un dixième de celles d’autres étoiles similaires non magnétiques) reste incertain : si les étoiles comme le Soleil peuvent en effet être freinées par leur vent magnétisé (à la manière d’un patineur qui ralentit sa rotation en écartant les bras), tau Scorpii ne perd pas sa masse assez vite pour que sa rotation ait pu être affectée au cours de sa très brève existence de ’seulement’ quelques millions d’années.

Les chercheurs ont découvert et modélisé le champ magnétique de tau Scorpii en détectant et en analysant les minuscules signaux polarisés que les champs induisent dans la lumière des étoiles magnétiques ; pour ces mesures, ils ont utilisé ESPaDOnS[2], l’instrument le plus performant au monde pour mener ce type d’étude. Ce nouvel instrument, actuellement monté au Télescope Canada-France-Hawaii[3], a été spécifiquement conçu et construit à l’Observatoire Midi-Pyrénées pour l’étude des champs magnétiques des étoiles.

[1] Cette équipe comprend JF Donati (Observatoire Midi-Pyrénées/LATT, CNRS/UPS, France), ID Howarth (University College London, UK), MM Jardine (University of StAndrews, UK), P Petit (Observatoire Midi-Pyrénées/LATT, CNRS/UPS, France), C Catala (Observatoire Paris-Meudon/LESIA, CNRS/UP7, France), JD Lanstreet (University of Western Ontario, Canada), JC Bouret (Observatoire de Marseille/LAM, CNRS/UdP, France), E Alecian (Observatoire Paris-Meudon/LESIA, CNRS/UP7, France), JR Barnes (University of StAndrews, UK), T Forveille (Canada-France-Hawaii Telescope Corporation, USA), F Paletou (Observatoire Midi-Pyrenees/LATT, CNRS/UPS, France) et N Manset (Canada-France-Hawaii Telescope Corporation, USA) [2] ESPaDOnS a été financé par la France (CNRS/INSU, Ministère de la Recherche, LATT, Observatoire Midi-Pyrénées, Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique, Observatoire de Paris-Meudon), le Canada (NSERC), le CFHT et l’ESA (ESTEC/RSSD). La première lumière d’ESPaDOnS au TCFH a été obtenue le 2 Sept 2004. [3] Le fonctionnement du TCFH est financé par le Canada (NSERC), la France (CNRS/INSU) et l’Université d’Hawaii.