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Étoiles singulières et multiples

19 décembre 2023
◼ Les étoiles multiples, tangos célestes...

Les étoiles célibataires ne représentent qu’une minorité : beaucoup sont en couple, voire en ménage à trois, ou plus si affinité !

Mais leur vie privée nous est la plupart du temps inconnue car si les étoiles sont lointaines, un couple n’est vu que comme un seul point lumineux. C’est ici que Gaia intervient : observant durant plusieurs années, il peut détecter le mouvement orbital d’un couple à l’aide de ses trois instruments.

Orbites projetées sur le ciel de 335 étoiles binaires détectées par Gaia, représentées à la même échelle. La couleur correspond à peu près à la couleur de la source telle que déterminée par Gaia.
© ESA/Gaia/DPAC, CC BY-SA 3.0 IGO, J. Sahlmann

Si les deux composantes sont proches, il est possible que l’une passe devant l’autre, provoquant une baisse régulière de luminosité. Si le spectre des étoiles a été mesuré, la variation de leurs vitesses radiales, suivant qu’elles s’approchent ou s’éloignent de nous, signe la présence d’un couple.

Enfin, pour des couples plus séparés, le mouvement orbital du point lumineux sur le ciel peut en être la signature.

Naturellement, ces mouvements sont quasi-indétectables, mais Gaia est ultra précis ! Un catalogue de 800 000 orbites a été produit [Gaia collaboration, Arenou et al., 2023], battant largement le nombre de celles déjà connues.

L’intérêt de telles orbites ? C’est, en particulier, une des rares façons d’estimer la masse des étoiles !

◼ Le premier trou noir endormi dans les bras de la Galaxie

La grande majorité des quelques trous noir d’origine stellaire que nous connaissons ont été identifiés dans des binaires à rayons X. Dans ces binaires, l’émission de rayons X est due à la matière perdue par l’étoile en orbite autour du trou noir, lorsqu’elle est aspirée par le trou noir.

Toutefois, lorsqu’un trou noir n’a pas de compagnon suffisamment proche pour lui voler de la matière, il n’émet aucun rayonnement, d’où la difficulté d’identifier ces trous noirs "dormants".

Les trous noirs avec un compagnon peuvent être détectés, même lorsqu’ils ne lui volent pas de matière, à partir du mouvement orbital de ce dernier, par des mesures astrométriques et/ou spectroscopiques.

Cependant, cette technique nécessite l’observation répétée d’un grand nombre d’étoiles au fil du temps, car les trous noirs sont des objets rares.

Le relevé astrométrique et spectroscopique de Gaia est idéal pour trouver ces trous noirs "dormants" autour desquels gravite un compagnon.

Les informations publiées dans le troisième catalogue Gaia ont permis à El Badry et à ses collègues de trouver le premier trou noir "dormant" caché entre les orbites astrométriques [El Badry et al., 2023].

Mouvement orbital sur le ciel du trou noir (orbite interne) et de l’étoile compagnon (orbite externe) du système Gaia BH1, autour de leur centre de masse.
Les dates marquent les positions attendues au cours des prochains mois.

Il s’agit d’un trou noir de 9,6 masses solaires, dont le compagnon est une étoile semblable au Soleil, orbitant à 1,4 fois la distance Terre-Soleil du trou noir avec une période de 186 jours. C’est aussi le trou noir le plus proche de la Terre actuellement connu, à seulement 1 561 années-lumières.

Distribution des masses en fonction de la période orbitale, des trous noirs d’origine stellaire connus jusqu’à présent.

La découverte de ce trou noir "dormant" ouvre la voie à l’étude de cette population jusqu’à présent inconnue. On s’attend à ce qu’il y ait des dizaines, voire des centaines de trous noirs dormants dans le catalogue binaire du futur catalogue Gaia DR4.

◼ Quand astérosismologie et astrométrie se rejoignent

Il y a un peu plus de 20 ans, l’étude des étoiles a vécu une révolution avec le développement de l’astérosismologie. Cette technique étudie les vibrations des étoiles (analogue aux ondes sismiques excitées suite à un séisme sur Terre) pour sonder l’intérieur de celles-ci.

Or, l’astrométrie, Gaia et l’astérosismologie ont des intérêts communs.

Comparaison des parallaxes issues des mesures sismiques (missions Kepler, K2, et TESS de la NASA) aux parallaxes astrométriques de Gaia.

L’astrométrie permet d’étalonner les relations d’échelle sismiques qui lient les tremblements stellaires aux propriétés des étoiles et qui fournissent leurs masses et leurs rayons.

L’astérosismologie, quant à elle, permet d’obtenir une mesure indépendante du point-zéro des parallaxes de Gaia, en sondant des étoiles géantes rouges à grande distance dans la Galaxie [Khan et al., 2023]. De plus, les mesures sismiques permettent d’estimer l’âge des étoiles, et enrichissent ainsi les travaux d’archéologie galactique qui retracent l’histoire des populations stellaires de la Voie lactée.

À propos de ce chapitre :

Auteurs : Frédéric Arenou, Benoît Mosser, Pasquale Panuzzo

Laboratoires de l’Observatoire de Paris - PSL : GEPI, LESIA

Articles présentant les résultats :



Liens (en français) :
https://gaia.obspm.fr/la-mission/les-resultats/article/gaia-et-les-etoiles-non-simples-un-tresor

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