Depuis la découverte en 1995 de la première exoplanète en orbite autour d’une étoile de type solaire, les planètes autour d’autres étoiles que le Soleil sont l’objet de nombreuses études. Dans ce cadre, la recherche de systèmes comprenant plusieurs planètes en orbite autour d’une même étoile est particulièrement intéressante. Ces planètes s’attirent en effet entre elles du fait de leur gravité, et cela produit des modifications de leur mouvement qui peuvent être détectées dans certains cas.
Lorsqu’une exoplanète est seule à être en orbite autour d’une étoile, elle en fait le tour avec une période bien définie et qui ne varie pas. Si l’orbite est orientée de manière à ce que la planète passe juste devant son étoile, on peut observer depuis la Terre une légère baisse de la lumière de l’étoile pendant ce qu’on appelle un « transit planétaire ». Ces transits se reproduisent à intervalles de temps réguliers ce qui permet de mesurer précisément la période orbitale de la planète ; on peut ainsi constater que cette période ne varie pas. Si par contre l’étoile possède une seconde planète en plus de la planète en transit, les interactions gravitationnelles entre les deux planètes provoquent de petites accélérations ou décélérations des planètes sur leurs orbites. On observe ainsi des transits planétaires un peu en avance ou en retard d’un passage à une autre, phénomène appelé « variations de chronométrage » (ou TTV, pour transit timing variations en Anglais).
Prédites d’un point de vue théorique, les variations de chronométrage sont longtemps restées inobservées malgré de nombreuses recherches avec des télescopes au sol. En effet, dans la plupart des cas les interactions gravitationnelles conduisent à des variations de chronométrage de quelques secondes ou moins, difficiles à détecter. C’est le télescope spatial Kepler qui le premier, en 2010, a détecté des variations de chronométrage dans un système exoplanétaire. Ce cas était particulièrement favorable à une détection car les deux planètes principales de ce système sont en résonance ce qui a pour effet d’augmenter l’amplitude des variations de chronométrage. Quelques dizaines de systèmes planétaires résonants avec variations de chronométrage ont depuis été détectés, tous avec des télescopes spatiaux.
Le système planétaire WASP-148, dont la découverte est annoncée au printemps 2020 par une équipe internationale conduite par l’Institut d’astrophysique de Paris et impliquant des chercheurs de l’Observatoire de Paris, a été quant à lui détecté à partir de télescopes au sol. Un candidat planète en transit avait tout d’abord été identifié par l’instrument SuperWASP, installé à l’Observatoire de Roque de los Muchachos à La Palma, aux îles Canaries. À partir de 2014, l’étoile hôte fut observée avec le spectroscope à haute résolution SOPHIE installé à l’Observatoire de Haute-Provence (Figure 1), en France, qui permet de mesurer précisément les variations de vitesse des étoiles dues à la présence d’exoplanètes. L’ensemble de ces observations a permis de conclure que l’étoile WASP-148 héberge une première planète, WASP-148b, ayant environ la taille et la masse de Saturne et une période orbitale de 8,8 jours. Les observations de SOPHIE ont de plus révélé qu’une seconde planète est en orbite autour de cette étoile, WASP-148c, avec une masse pour moitié celle de Jupiter et une période orbitale de 34,5 jours.
Il s’agit d’un système proche de la résonance, la période orbitale de la planète WASP-148c étant approximativement quatre fois plus longue que celle de WASP-148b. Des variations de chronométrage ont été détectées, au moyen de petits télescopes situés aux îles Canaries (télescopes Nites, Carlos-Sánchez et Liverpool) et en France (observatoire amateur Hubert-Reeves, en Ardèche) : des transits de WASP-148b devant son étoile ont été observés et se sont produits parfois un quart d’heure en avance ou en retard par rapport à la prédiction en considérant une période orbitale constante. On a ainsi une bonne compréhension de la structure de ce système planétaire et des interactions qui le régissent, les variations de chronométrages de la planète WASP-148b étant expliquées par la présence de la planète WASP-148c. Les études théoriques des interactions gravitationnelles entre les deux planètes indiquent également que leurs orbites sont approximativement coplanaires (situées dans des plans faisant un angle de moins de 35 degrés entre eux), et que cette configuration est stable (Figure 2).
Ce résultat constitue la première détection depuis le sol de variations de chronométrage pour un système planétaire résonant, obtenue grâce à dix années d’observation. Dans les mois et années à venir, le système multiplanétaire WASP-148 sera l’objet de nombreuses études théoriques et d’observations complémentaires, qui permettront d’affiner les mesures de ses propriétés et de mieux comprendre sa structure et son évolution. En particulier, le système est observé en ce moment par le télescope spatial TESS de la NASA (Transiting Exoplanet Survey Satellite). Ces observations permettront d’observer neuf transits consécutifs de WASP-148b, et de tester la possible existence d’un transit pour WASP-148c, qui serait dû au passage de cette deuxième planète devant son étoile hôte.
Réference
- Discovery and characterization of the exoplanets WASP-148b and c. A transiting system with two interacting giant planets , G. Hébrard, R.F. Díaz, A.C.M. Correia, A. Collier Cameron, J. Laskar, D. Pollacco, J.-M. Almenara, et al. Astronomy & Astrophysics, 2020, in press
Dernière modification le 21 décembre 2021