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De nouvelles molécules dans la comète Hale-Bopp plaident pour une origine interstellaire des glaces cométaires

1er décembre 2000
Photograph : Nicolas Biver

Les comètes sont de formidables outils pour la compréhension de la formation du Système Solaire. Elles se sont formées il y a 4,5 milliards d’années, en même temps que le Soleil, dans les régions extérieures de la Nébuleuse Solaire Primitive - vraisemblablement au niveau d’Uranus et de Neptune -, et sont, avec les astéroïdes, les descendants directs des petits corps dont l’agglomération a donné naissance aux planètes. Relégués aux confins du Système Solaire dans un environnement très froid, les noyaux cométaires ont très peu évolué depuis leur formation. L’étude de leur composition chimique nous donne ainsi accès à la composition chimique des régions extérieures de la Nébuleuse Solaire telle qu’elle était il y a 4,5 milliards d’années. Il est essentiel d’établir si cette composition reflète la composition du nuage interstellaire protosolaire ou si elle traduit une chimie qui aurait eu lieu dans la Nébuleuse Primitive, comme celle invoquée dans les régions plus internes pour expliquer, par exemple, la composition des météorites.L’identification des composés volatils présents dans les glaces des noyaux cométaires n’est pas aisée. Le noyau cométaire est trop petit pour être accessible directement, sauf lors d’explorations spatiales. Les composés sont observés à l’état gazeux dans l’atmosphère cométaire. Leur identification spectrale nécessite les techniques spectroscopiques millimétriques, submillimétriques et infrarouge, et l’opportunité de comètes brillantes.Le passage près du Soleil en Avril 1997 de la comète Hale-Bopp - très exceptionnelle par son activité - a permis d’améliorer très spectaculairement notre connaissance des molécules qui composent les glaces cométaires. Des observations de spectroscopie radio à l’interféromètre et au télescope de 30 m de l’Institut de Radioastronomie Millimétrique (IRAM), et au Caltech Submillimeter Observatory (CSO) ont conduit à l’identification de 7 nouvelles molécules : le monoxyde de soufre (SO), le dioxyde de soufre (SO2), l’acide formique (HCOOH), le formamide (NH2CHO) le cyanoacétylène (HC3N), le formiate de méthyle (HCOOCH3) et l’éthanal (CH3CHO). Ces observations ont également permis de confirmer la présence de HNCO et OCS, qui avaient été identifiées un an auparavant dans la comète Hyakutake. Deux douzaines de molécules sont maintenant identifiées dans les comètes.Plusieurs des molécules cométaires n’ont jamais été observées dans d’autres objets du Système Solaire alors qu’elles sont présentes dans les régions de formation d’étoiles du milieu interstellaire, plus spécifiquement dans les coeurs chauds moléculaires. Ces régions denses sont chauffées par le rayonnement d’étoiles de forte masse tout juste formées. Leur composition diffère de celle des nuages froids moléculaires par la présence en abondance de molécules hydrogénées, telles que H2O, NH3, CH3OH et H2S, et de molécules organiques complexes, en particulier celles détectées dans la comète Hale-Bopp. Une grande majorité de ces molécules ont été vraisemblablement synthétisées à la surface des grains interstellaires et relâchées dans la phase gazeuse des coeurs chauds moléculaires par sublimation. Les rapports de mélange dans les glaces cométaires présentent de fortes similitudes avec ceux mesurés dans les coeurs chauds moléculaires (cf. la figure ci-dessus pour les molécules organiques). L’identification par le télescope spatial infrarouge ISO de quelques composés simples constituant les glaces interstellaires avait permis de souligner des analogies de composition entre glaces interstellaires et glaces cométaires pour les constituants prépondérants. La comparaison avec les coeurs chauds moléculaires étend cette analogie à l’ensemble des molécules détectées dans les comètes. Ceci plaide en faveur d’une formation des molécules cométaires dans le nuage protosolaire, ou en tout cas par des processus très similaires à ceux rencontrés dans le milieu interstellaire : réactions ion-molécule et à la surface des grains, par opposition aux réactions neutre-neutre dominantes dans la Nébuleuse Solaire interne.

Référence

Bockelée-Morvan, D., Lis, D. C., Wink, J. E., Despois, D., Crovisier, J., Bachiller, R., Benford, D. J., Biver, N., Colom, P., Davies, J. K., Gérard, E., Germain, B., Houde, M., Mehringer, D., Moreno, R., Paubert, G., Phillips, T. G., Rauer, H. : 2000, New molecules found in comet C/1995 O1 (Hale-Bopp). Investigating the link between cometary and interstellar material. Astronomy and Astrophysics 353, 1101

Pour en savoir plus

La campagne d’observations de la comète Hale-Bopp.

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