Les trous noirs sont des objets si compacts et si denses qu’à leur voisinage, la vitesse d’échappement dépasse la vitesse de la lumière : leur attraction gravitationnelle piège même la lumière qui s’aventure de trop près et s’y engloutit. Pourtant S. Hawking a montré dans les années 70 que les trous noirs ne sont pas si noirs que cela. Ils possèdent une entropie, qui ne peut qu’augmenter, et donc une température : les trous noirs émettent des particules et du "rayonnement" thermique, avec une température qui ne dépend que de leur masse : le trou noir est d’autant plus "chaud" qu’il est peu massif. Ces particules sont émises dans une zone juste à l’extérieur de l’horizon du trou noir (la limite à l’intérieur de laquelle rien ne peut s’échapper). C’est un effet quantique, basé sur la création spontanée de paires de particules- antiparticules dans les fluctuations d’énergie du vide.
Les trous noirs de quelques masses solaires, résidus des étoiles massives après leur mort, ont une température bien inférieure au fond cosmologique et ne s’évaporent pas. Par contre, les trous noirs microscopiques formés très tôt dans l’Univers se sont déjà évaporés si leur masse est inférieure au milliard de tonnes. Dans le domaine intermédiaire de masse, il pourrait exister des trous noirs très chauds, encore en train de s’évaporer aujourd’hui. Lors des phases finales de l’évaporation, la masse du trou noir devient infiniment petite, et donc sa température tend vers l’infini. Le trou noir disparaît dans une fantastique explosion. Les dernières phases de l’évaporation du trou noir restent encore à préciser.
Les trous noirs microscopiques relevant à la fois de la très forte gravité et de la mécanique quantique, devraient être expliqués dans le cadre d’une théorie de gravité quantique, qui aujourd’hui n’est pas encore établie. La théorie des cordes est parmi les meilleurs candidats de cette théorie, qui devrait aussi unifier toutes les forces. Cette théorie généralise les particules élémentaires ponctuelles (à zéro dimension en quelque sorte) par des particules à une dimension, les cordes, à très haute énergie. Les divers modes de vibration des cordes correspondent à diverses particules de masse et d’énergie différentes.
Norma Sanchez, de l’Observatoire de Paris, et ses collaborateurs se sont attachés ces dernières années à développer les mécanismes d’émission des trous noirs dans le cadre de la théorie des cordes. Le trou noir émet des particules, et dans la limite des hautes énergies, il émet tout un spectre de cordes. La température des cordes est proportionnelle à leur masse. La température du trou noir ne peut pas dépasser celle des cordes. Lorsque la température du trou noir est basse, on retrouve l’émission de particules ponctuelles. Lorsque la température du trou noir est haute, et comparable à celle des cordes, son émission est dominée par celle de cordes très massives, et on ne peut plus distinguer le trou noir de ces cordes : il y a changement de phase des cordes qui se transforment en trou noir microscopique, ou bien c’est le trou noir qui vers sa fin se transforme en une corde. Ainsi l’évaporation ne fait plus apparaître de température infinie, comme c’était le cas dans la théorie des particules ponctuelles.
Ces travaux sont détaillés dans un article à paraître dans Physical Review D (M. Ramon Medrano, N. Sanchez hep-th/9906009 )