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De l’antigel dans la comète Hale-Bopp

1er mars 2004

En analysant des spectres d’archive, des astronomes de l’Observatoire de Paris et leurs collaborateurs ont découvert de l’éthylène glycol dans la comète Hale-Bopp. C’est la molécule organique la plus complexe identifiée àce jour dans une comète.

Comet Hale-Bopp
crédit : Nicolas Biver

Le passage de la comète Hale-Bopp en 1997, qui fut d’une brillance exceptionnelle, a été l’occasion de la découverte de nombreuses nouvelles molécules cométaires, à partir d’observations spectroscopiques dans les domaines radio et infrarouge.

Une étude ultérieure des spectres radio vient d’aboutir à l’identification d’une nouvelle molécule, l’éthylène glycol.

L’éthylène glycol, de formule chimique HOCH2CH2OH, est un diol (c’est-à-dire que sa molécule possède deux fonctions alcool).
Il est utilisé dans la vie pratique comme antigel dans le circuit de refroidissement des moteurs de voiture. Il a récemment été identifié dans les nuages interstellaires du Centre galactique. L’un des spectres observés àl’IRAM montrant trois raies de l’éthylène glycol et les raies d’autres molécules organiques.L’éthylène glycol a été identifié par l’observation d’une dizaine de raies dans des spectres de la comète Hale-Bopp obtenus au printemps 1997 avec les instruments de l’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) (radiotélescope de 30 m en Espagne et interféromètre du Plateau de Bure dans les Hautes-Alpes) et du Caltech Submillimeter Observatory (CSO) (radiotélescope de 10 m à Hawaï). Ces mêmes spectres avaient déjà permis la découverte de sept nouvelles molécules, dont l’acide formique (HCOOH), le formamide (NH2CHO), le formiate de méthyle (HCOOCH3) et l’éthanal (CH3CHO). Pour que l’identification de l’éthylène glycol soit possible, il a fallu attendre que les fréquences des raies radio de cette molécule soient connues avec précision à partir de mesures de laboratoire et d’une modélisation théorique.Avec ses dix atomes, l’éthylène glycol est maintenant la molécule la plus complexe observée et identifiée dans l’atmosphère des comètes. L’exploration spatiale de la comète de Halley avait bien indiqué la présence de molécules complexes composées de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote, notamment dans les manteaux organiques réfractaires entourant les poussières cométaires. Mais leur nature précise n’avait pu être établie. Les observations montrent qu’il y a près de trois molécules d’éthylène glycol pour mille molécules d’eau (la molécule la plus abondante des glaces cométaires). Parmi les molécules organiques à base d’hydrogène, de carbone et d’oxygène, c’est la molécule cométaire la plus abondante après le méthanol (CH3OH) et le formaldéhyde (H2CO). Ce qui laisse présumer que des molécules encore plus complexes y sont présentes en quantités appréciables.Cette découverte confirme l’analogie entre la matière interstellaire et le matériau cométaire qui ont pu se former à la suite de processus similiares. L’éthylène glycol et toutes les autres molécules cométaires sont en effet également présentes dans les glaces interstellaires ou dans les coeurs chauds moléculaires des nuages interstellaires. En bombardant la Terre autrefois avec un rythme effréné, les comètes ont pu y apporter quantité de constituants : une partie de l’eau des océans, mais aussi des molécules organiques complexes dont l’éthylène glycol atteste l’existence. Cet apport a pu alors avoir un rôle essentiel dans l’origine de la vie.Ont collaboré àce travail J. Crovisier, D. Bockelée-Morvan, N. Biver, P. Colom (LESIA, Observatoire de Paris), D. Despois (Observatoire de Bordeaux) et D.C. Lis (Californian Institute of Technology, États-Unis).