Le passage des 5-6 Juin 2012 offre une opportunité exceptionnelle à la communauté scientifique internationale. Tout d’abord, il offre la possibilité de caractériser l’atmosphère de Vénus comme celle d’une atmosphère d’exoplanète en transit devant son étoile, aux limites de la zone habitable. L’observation permettra de tester les techniques développées pour l’analyse de la structure, la composition et la dynamique de l’atmosphère d’une telle exoplanète. De plus, l’observation simultanée de Vénus à partir de moyens terrestres et spatiaux lors du transit permettront d’observer la partie de l’atmosphère située au-dessus des nuages, un élément essentiel de la climatologie encore très mal comprise de la planète-soeur de la Terre.
’Le prochain passage de Vénus sera le dernier du siècle, il sera l’occasion unique d’observer de près le passage d’une planète de type terrestre devant une étoile de type solaire’, nous dit le Dr. Thomas Widemann de l’Observatoire de Paris, co-organisateur de l’atelier international.
’Les missions Corot et Kepler ont révélé l’existence d’exoplanètes appelées super-Terres, s’approchant de la dimension de la Terre et Vénus. Or, ces deux corps sont des planètes soeurs, presque semblables mais ayant évolué différemment. Si Vénus était une exoplanète en transit, que verrions-nous de ses caractériques physiques ? de sa composition chimique ? Quelles mesures seraient sujettes à interprétation ? Nous allons en particulier, caractériser la signature spectrale de l’atmosphère de Vénus en transit, et tester la limite de détection de ses constituants atmosphériques, qui nous sont déjà connus’, explique T. Widemann. Le passage de Vénus devant le soleil nous donne également l’opportunité d’étudier l’atmosphère de Vénus depuis la Terre. A l’instant où Vénus est en contact avec le bord du soleil, un arc de lumière appelé auréole, à l’intensité variable, souligne la planète du côté opposé. Il s’agit de lumière solaire réfractée au dessus des nuages de Vénus, qui culminent à 70 kilomètres d’altitude. Cette auréole est 10-100 fois plus ténue que la surface visible du soleil. Sa brillance et son étendue sont fonction de la densité et la température des couches atmosphériques traversées.
’Nous ignorions jusqu’en 2004 que la photométrie de l’auréole pouvait être si aisément observée et s’intégrer dans ces deux problématiques scientifiques, la climatologie de Vénus et la caractérisation des exoplanètes’, dit le Dr. Paolo Tanga de l’Observatoire de Nice, qui a conduit cette étude. ’A partir de 3 observations de 2004, nous avons pu construire un modèle photométrique complet de l’auréole et le comparer à nos mesures. Mieux détaillées, les observations de l’auréole en chaque point du limbe de Vénus en 2012 permettront aux scientifiques de déterminer si la variabilité des phénomènes observés par le satellite de l’ESA Vénus Express, en orbite autour de Vénus depuis 2006, correspondent à des variations fonction du temps ou de la latitude. Comme l’explique T. Widemann, ’Nous dépendons des mesures depuis le sol terrestre pour comprendre les variations rapides décelées dans les données de Vénus Express. A l’instant du passage de Vénus, par l’imagerie de l’auréole à plusieurs longueurs d’onde, nous pourrons mesurer la structure thermique de l’atmosphère moyenne à toute latitude, d’un pôle à l’autre, le long du terminateur, et comparer ces valeurs aux mesures Vénus Express. Tanga, Widemann et leurs collègues ont conçu un ensemble de huit coronographes, chacun fonctionnant dans un intervalle spectral différent, afin d’enregistrer l’auréole lors du passage de juin 2012. Les coronographes, fabriqués et assemblés à l’OCA, seront mis en station dans les régions d’observation du phénomène (Svalbard en Europe, Extrême-Orient, la côte ouest US et l’Australie).
Alors que l’auréole a été décrite par les observateurs depuis 1761, le passage de 2004 est le premier où elle a pu être enregistrée avec une précision exploitable au plan scientifique. ’Les passages sont un passionnant marqueur des avancées technologiques siècle après siècle’, dit T. Widemann. ’Au dix-huitième siècle, les chronomètres ont permis la mesure de l’unité astronomique. Au dix-neuvième siècle, la photographie a permis pour la conservation et l’archivage des observations. Au 21e siècle, nous explorons le phénomène simultanément depuis l’espace et depuis la Terre. Quelle nouvelle approche du passage de Vénus nous réservera le 22e siècle, nous ne le savons pas encore !’
Dernière modification le 21 décembre 2021