La stratosphère d’une planète est la région de son atmosphère où la température croît avec l’altitude. La stratosphère diffère en cela de la troposphère --- dans laquelle nous vivons --- où la température décroît avec l’altitude. L’accroissement de la température avec l’altitude est dû à l’absorption du flux solaire par un constituant atmosphérique : l’ozone sur la Terre, le méthane sur les planètes géantes, en particulier sur Saturne.
Les variations verticales de température de sens opposé entre la troposphère et la stratosphère induisent des circulations atmosphériques très différentes dans ces deux régions. Dans la troposphère, la convection domine, et sous-tend la circulation de Hadley où l’air chaud monte depuis l’équateur pour redescendre dans les régions polaires. Dans la stratosphère, les mouvements convectifs sont interdits. En effet, en montant une particule d’air se refroidit, tandis que la température de l’atmosphère environnante se réchauffe. La particule devient donc plus froide que son voisinage et redescend. Ce mouvement de rappel génère des ondes de pression ou de température, qui se propagent verticalement. Avec le transport d’énergie sous forme radiative, ces ondes atmosphériques dominent le transfert d’énergie dans la stratosphère.
Une équipe menée par des chercheurs de l’Observatoire de Paris vient d’en apporter une nouvelle preuve. En utilisant le spectromètre infrarouge thermique (CIRS) à bord de la sonde Cassini en orbite autour de Saturne depuis 2004, ils ont établi une carte de la température stratosphérique de Saturne en fonction de l’altitude (ou de la pression) et de la latitude. A l’équateur, la température ne croît pas régulièrement avec l’altitude, mais présente des oscillations verticales. De plus, à un niveau de pression donné, une température élevée à l’équateur est associée à des températures basses dans les zones tropicales (20°S et 20°N). A partir de ce gradient de température, il est possible de calculer la vitesse et la direction des vents. La carte montre qu’il existe deux jets équatoriaux superposés, l’un tournant dans le sens est-ouest, l’autre dans le sens ouest-est.

Une telle structure existe également dans la stratosphère équatoriale terrestre, ainsi que sur Jupiter. Elle est due à l’interaction des ondes avec le vent local. Les ondes atmosphériques transportent un moment angulaire positif ou négatif suivant leur type et le transfèrent aux jets équatoriaux lorsqu’elles sont amorties. De plus la structure verticale des vents est continuellement tirée vers le bas. Ainsi à une altitude donnée, le vent alterne quasi-périodiquement entre un vent d’est et un vent d’ouest. Sur Terre, la période est de 26 mois, d’où le nom d’oscillation quasi-biennale sur Terre. Sur Jupiter, la période est de 4 ans (oscillation quasi-quadriennale). Parallèlement aux observations CIRS/Cassini, des astronomes américains ont établis, grâce à une très longue campagne d’observation au sol, que la période de l’oscillation pour Saturne est de 15 ans.
Ainsi, la stratosphère de Saturne se comporte comme ses soeurs terrestre ou jovienne. La comparaison entre ces trois planètes permettra de mieux comprendre comment les ondes atmosphériques engendrent ce phénomène d’oscillation sur Terre et ailleurs dans le système solaire.
