Il est grand comme trois pommes, ou plutôt comme les trois cubes de 10 centimètres de côté qui le composent. Il n’est pas plus lourd qu’un chat (3,5 kg). Sa consommation électrique, d’environ 5 W, équivaut à celle d’une ampoule économique. Et son télescope ne fait que cinq centimètres de diamètre, comme ceux des astronomes amateurs débutants. Pourtant, ce nanosatellite va permettre de mieux connaitre le système de l’étoile Beta Pictoris, une star du ciel de l’hémisphère Sud.
Beta Pictoris n’est qu’à 63,4 années-lumière de nous et très brillante, ce qui la rend facile à étudier. Cela tombe bien : c’est une étoile extrêmement jeune, seulement 23 millions d’années, qui passionne les chercheurs depuis la découverte d’un grand disque de poussières, de gaz et de débris rocheux autour d’elle, au début des années 1980. Ce disque, vestige du nuage primitif qui a donné naissance à l’étoile, est un cas d’étude rare pour les astronomes du monde entier, qui le scrutent régulièrement depuis : mieux connaître Beta Pictoris, c’est mieux comprendre la formation des planètes géantes et des systèmes planétaires en général. En 2009, une équipe française dirigée par Anne-Marie Lagrange [1] y a découvert une planète gazeuse géante : Beta Pictoris b, sept fois plus massive que Jupiter, qui tourne autour de son étoile à 1,5 milliard de kilomètres de distance, comme Saturne autour du Soleil.
Or, vue de la Terre, la planète Beta Pictoris b pourrait passer devant son étoile d’ici l’été 2018. Observer ce transit, qui se reproduit tous les 18 ans, permettrait de déduire la taille exacte de l’exoplanète, l’étendue et la composition de son atmosphère, et sa composition chimique. Mais un transit de la planète ne durera que quelques heures. Réussir à observer ce phénomène, dont on ne connait pas le moment exact, impose donc une surveillance continue du système planétaire : c’est possible seulement depuis l’espace, notamment pour échapper au cycle jour-nuit et au passage des nuages.
Pour tenter d’observer ce transit, seul un satellite très léger, un nanosatellite, pouvait être développé en un délai très court. PicSat a été conçu puis construit en trois ans seulement, grâce à l’utilisation de modules de base cubiques “CubeSat”, un format conçu aux Etats-Unis, à visée pédagogique, pour des projets étudiants. Pour le CNRS et pour l’Observatoire de Paris, c’est le tout premier satellite entièrement conçu et intégré dans leurs murs. PicSat est né d’une idée de Sylvestre Lacour, astrophysicien au CNRS, en collaboration avec Alain Lecavelier des Etangs, de l’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS/Sorbonne Université), qui travaille sur le système Beta Pictoris depuis de nombreuses années. Sylvestre Lacour a concrétisé ensuite le projet au sein de son laboratoire, le Lesia (Observatoire de Paris - PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université Paris-Diderot) avec une petite équipe de chercheurs et ingénieurs. C’est ainsi une nouvelle approche instrumentale qui s’amorce pour la recherche spatiale française. Les développements technologiques se sont opérés dans le cadre du campus spatial C2ERES de l’Université PSL, sur le site de l’Observatoire de Paris, à Meudon. Le projet PicSat s’est concrétisé principalement grâce à un financement de l’European Research Council (ERC). Il a reçu également le soutien du CNES, du Labex Esep [2] et de la FONDATION MERAC dans le cadre de son programme d’aide aux jeunes chercheurs en astrophysique.
C’est le 12 janvier 2018 à 4h58 (heure française) que décollera le lanceur indien PSLV pour placer PicSat sur une orbite polaire à 505 km d’altitude, en même temps que trente autres satellites. PicSat sera ensuite exploité à partir du Lesia, à Meudon. Cependant, la station du laboratoire ne pourra observer le satellite qu’environ 30 minutes par jour. Or, PicSat transmet sur les fréquences radioamateurs [3], grâce à l’aide du Réseau des émetteurs français (REF). Toute personne disposant d’un minimum d’équipement de réception radio pourra écouter ses transmissions. L’équipe PicSat invite donc les radioamateurs à collaborer pour suivre le satellite, recevoir ses données et les transmettre à la base accessible sur internet. Sur PicSat.obspm.fr, toute personne intéressée peut s’inscrire, suivre les mises à jour et, si elle le souhaite, faire partie du réseau radio.
PicSat est prévu pour fonctionner pendant un an. Dès qu’il observera le début du transit de la planète ou tout autre phénomène, le télescope de 3,6 mètres de diamètre de l’ESO, à la Silla au Chili, sera immédiatement activé pour observer le phénomène à son tour à l’aide de l’instrument Harps. Associées à celles de PicSat, ses données permettront d’affiner les mesures.
Pour en savoir plus :
– http://PicSat.obspm.fr
– le suivi du lancement en direct : http://webcast.gov.in/live/
– Chaîne YouTube PicSat : https://goo.gl/VhdjAP
– Compte Flickr PicSat (photos du satellite, de l’équipe, etc.) : https://www.flickr.com/people/PicSat/
– Fiche d’information PicSat sur le système planétaire Beta Pictoris :
https://www.flickr.com/photos/PicSat/27136602019/
[1] Chercheuse CNRS de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes)
[2] Observatoire de Paris-PSL/CNRS/Sorbonne Université/UVSQ/UPEC/Université d’Orléans/ENS
[3] 145.910 MHz (voie montante) et 435.525 MHz (voie descendante)
Dernière modification le 21 décembre 2021