D’UTR-2 à NenuFAR : 30 ans de synergie scientifique et technique
Cette collaboration a démarré au début des années 1990 entre les membres du groupe décamétrique de l’Observatoire de Paris-PSL (OP) à Meudon et Nançay (P. Zarka, A. Lecacheux, L. Denis, C. Rosolen, A. Gerbault) et les équipes de B. Ryabov et O. Konovalenko à l’IRA. L’équipe de H. Rucker au Space Research Institute de Graz (Autriche) en fut un partenaire important pendant la première décennie.
L’IRA avait développé le réseau d’antennes géant (2040 dipôles) UTR-2 de Kharkiv, auquel les équipes de l’OP ont amené des récepteurs modernes (analyseur de spectre, spectro-acousto optique, récepteurs numériques) et l’informatique associée, au cours de multiples visites dans le cadre de divers programmes de collaboration (INTAS Europe, PICS CNRS France-Ukraine, ANR Radio-Exoplanets, ANR LSS study & prototyping…). Cette collaboration a ouvert aux chercheurs de l’OP l’accès au radiotélescope basse fréquence (8-32 MHz) le plus sensible au monde avant LOFAR et NenuFAR, tout en améliorant ses performances.
Des technologies partagées au service de la recherche radioastronomique
Les sujets abordés, en démarrant par les émissions radio de Jupiter et du Soleil (notamment leurs structures fines temps-fréquence) se sont progressivement diversifiés, vers les éclairs d’orages (de Saturne, détectés pour la première fois depuis le sol), les pulsars et autres émissions radio transitoires (avec le LPC2E/Orléans), et la recherche d’exoplanètes en radio (avec une thèse en co-tutelle France-Ukraine). Une collaboration technique intense s’est également mise en place, menant au développement des récepteurs numériques « standard » aujourd’hui utilisés sur tous les radiotélescopes Ukrainiens, à des travaux préparatoires au développement de NenuFAR (l’IRA possédant une grande expertise en antennes, réseaux, propagation), et à une participation commune aux projets de réseaux d’antennes sur la Lune.
Les chercheurs de l’IRA contribuent désormais à l’exploitation scientifique de NenuFAR (10-85 MHz), sur de nouveaux sujets tels que les raies de recombinaison du milieu interstellaire, l’évolution des restes de supernova, la scintillation et la propagation radio. Ces activités ont donné lieu à plus de 50 articles à referee en commun, et de très nombreuses communications et présentations à colloques.
Malgré la guerre, la coopération perdure et regarde vers l’avenir
La guerre Russo-Ukrainienne a détruit une grande partie des installations du radiotélescope UTR-2, conduisant les chercheurs Ukrainiens à se rabattre sur leur réseau URAN, l’utilisation accrue de NenuFAR et le développement de leur projet GURT (analogue à NenuFAR). L’Observatoire de Paris a accueilli des radioastronomes Ukrainiens en France dans le cadre du programme PAUSE, aidé la communauté radioastronomique Ukrainienne à se rapprocher de la communauté européenne rassemblée autour de LOFAR, et co-déposé des demandes de financement à l’Europe en vue de la reconstruction des infrastructures de recherche radioastronomique en Ukraine.
Cette collaboration Est-Ouest inédite par son ampleur et sa durée, dont les piliers sont O. Konovalenko et V. Zakharenko (IRA) en Ukraine et P. Zarka (LIRA, ORN, OP) en France, a été consacrée le 2 mai 2025 par l’élection simultanée de V. Zakharenko et P. Zarka respectivement comme membre national et membre étranger de l’Académie de Sciences d’Ukraine.


Même dans le difficile contexte actuel, les collaborations entre OP et IRA se poursuivent, et elles sont prêtes à se développer à nouveau dès que la guerre Russo-Ukrainienne connaîtra une issue, que l’on espère favorable pour l’Ukraine. Les sujets phares sont l’Univers transitoire et l’étude des exoplanètes en radio, sujets actuellement en rapide développement, notamment à l’OP et dans la communauté internationale.