
Les astronomes en rêvaient depuis le début de la conquête spatiale : explorer in situ la couronne du soleil, source du vent solaire, ce plasma d’électrons et de protons qui baigne le système solaire et dont l’interaction avec notre planète gouverne la métérologie de l’espace et nous offre les aurores polaires. Nous avons exploré le système solaire jusqu’à sa frontière externe à plus de dix milliards de kilomètres. Mais jamais la région interne, à intérieur de l’orbite de Mercure, et les astrophysiciens cherchent depuis des décennies la réponse à deux questions majeures (Figure 1) : comment la température de la couronne peut-elle atteindre plus d’un million de degrés, alors que la surface visible du Soleil n’atteint pas 6000°C ? Et comment le plasma du vent solaire est-il accéléré jusqu’à des vitesses supersoniques de près de 1000 kilomètres par seconde ? Ces questions concernent aussi de nombreuses étoiles qui possèdent une couronne chaude et un vent. Elles impliquent un problème fondamental de physique des plasmas encore non résolu : comment est transportée l’énergie dans ces milieux turbulents si éloignés de l’équilibre thermodynamique local ?
La sonde Solar Probe Plus, qui devrait être lancée en 2018, ne sera pas plus grosse qu’une petite voiture et devra supporter des rayonnements intenses et des températures de plus de 1000° C. Elle portera un bouclier thermique de nouvelle génération pour protéger ses instruments pendant les passages près du Soleil, à seulement 6,5 millions de kilomètres - moins de 10 rayons solaires.

La sonde portera quatre suites d’instruments, dont ceux du consortium FIELDS, mené par le laboratoire spatial de l’Université de Califormie, qui vient d’être sélectionné au terme d’une compétition très rude impliquant treize propositions. Cette expérience mesurera les champs électriques et magnétiques en utilisant des récepteurs qui devront être fabriqués respectivement au LESIA (1) et au LPC2E (2) (avec le soutien du CNES), pour étudier in situ les électrons de la couronne solaire, les émissions radio, les ondes de plasma, les ondes de choc et la turbulence, ainsi que les grains de poussière.La sélection de l’instrument du LESIA est le fruit d’un travail théorique et instrumental de longue haleine mené par des scientifiques de l’Observatoire de Paris avec le soutien du CNRS et du CNES, pour transformer des antennes électriques munies d’un récepteur radio ultrasensible en détecteurs géants d’électrons et de poussières. Ceci a impliqué une étroite collaboration entre scientifiques et ingénieurs, et les développements théoriques et instrumentaux ont donné lieu à sept thèses de doctorat. Le principe est simple et a été testé sur de nombreuses missions spatiales dans divers environnements du système solaire. L’agitation thermique des électrons au voisinage des antennes induit des champs électriques qui sont détectés par le récepteur radio, et dont la spectroscopie révèle les propriétés de base des électrons, comme leur concentration et leur température (3). Le récepteur radio détecte aussi les poussières qui impactent la sonde en créant des microcratères dont la matière s’ionise et produit des impulsions électriques(Figure 3).

(1) Observatoire de Paris, CNRS, Universités UPMC et Paris Diderot, 92195 Meudon Cedex
(2) Observatoire des Sciences de l’Univers en région Centre, Université d’Orléans
(3) http://lesia.obspm.fr/Spectroscopie-du-bruit-quasi.html
(4) Meyer-Vernet et al., 2009, Solar Phys. 256, 453
(5) http://lesia.obspm.fr/SORBET-sur-MMO-BEPICOLOMBO.html
(6) http://lesia.obspm.fr/Solar-Orbiter.html