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Premiers résultats de CHEOPS sur une exoplanète extrême

28 septembre 2020

Le télescope spatial CHEOPS tient ses promesses : ses premières observations révèlent le visage de l’exoplanète WASP-189b – l’une des planètes les plus extrêmes connues. CHEOPS est une mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) avec la participation de laboratoires suisses et français parmis lesquels l’IMCCE/CNRS/Observatoire de Paris/PSL University/Sorbonne Université.

Huit mois après le départ du télescope spatial CHEOPS pour son voyage en orbite autour de la Terre, la première publication scientifique utilisant des données fournies par CHEOPS vient de paraître. CHEOPS est la première mission de l’ESA destinée à l’exploration d’exoplanètes déjà découvertes. Les exoplanètes sont des planètes tournant autour d’autres étoiles que le Soleil, dont la première découverte en 1995 a été récompensée par le prix Nobel de physique 2019 aux Suisses Michel Mayor et Didier Queloz. CHEOPS a été conçu dans le cadre d’une collaboration entre l’ESA, la Suisse et différents pays européens. Un consortium de plus d’une centaine de scientifiques et ingénieurs originaires de onze pays européens ont ainsi participé à la construction du satellite pendant cinq ans. L’IMCCE est présent dans le Science Team de CHEOPS en raison de son expertise dans la dynamique des systèmes planétaires.

L’étude portant sur les données fournies par CHEOPS, qui vient d’être acceptée pour publication dans le journal « Astronomy & Astrophysics », décrit l’exoplanète WASP-189b. Les résultats obtenus montrent que les observations faites par CHEOPS sont aussi précises que prévu.

L’une des planètes connues les plus extrêmes
L’objet des observations faites par CHEOPS est WASP-189b, une exoplanète en orbite autour d’une étoile hors de notre Système solaire, appelée HD 133112. Celle-ci, plus grosse et plus chaude que notre Soleil, émet une lumière bleutée. Elle se situe à 322 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Balance. Les astronomes considèrent que l’étoile est brillante (bien qu’invisible à l’œil nu), ce qui facilite grandement l’étude de la planète par CHEOPS. WASP-189b est vingt fois plus proche de son étoile que la Terre du Soleil ; elle en fait le tour en moins de trois jours ! De plus, cette étoile est beaucoup plus chaude que le Soleil. La planète reçoit donc une énorme quantité de rayonnement, qui la chauffe littéralement à rouge. C’est une planète géante mesurant une fois et demie la taille de Jupiter. Elle possède une température extrême, c’est pourquoi on l’appelle un Jupiter ultra-chaud.

Les objets planétaires tels que WASP-189b sont hors du commun : En raison des effets de marées très intenses résultant de leur proximité avec leur étoile, leur rotation s’est ralentie au point d’être synchronisée avec leur période orbitale, comme c’est le cas pour la Lune autour de la Terre. Ils ont un côté jour permanent, toujours exposé à la lumière de l’étoile, et un côté nuit permanent, toujours dans l’ombre. C’est ce qui distingue, par exemple, son climat de celui des géantes gazeuses Jupiter et Saturne dans notre système solaire. Sur la base des observations de CHEOPS, l’étude coordonnée par Monika Lendl, de l’Observatoire de Genève, évalue la température de WASP-189b à 3 200 degrés Celsius, faisant de WASP-189b une des planètes les plus extrêmes connues.

Fig. Vue de l’artiste Frederik Peeters représentant CHEOPS devant le côté jour de la planète, avec l’étoile derrière.


Des mesures de luminosité de très grande précision

Nous ne pouvons pas voir directement une planète aussi distante de nous et aussi proche de son étoile, nous devons recourir à des méthodes indirectes. À cette fin, CHEOPS mesure la lumière des étoiles avec une très grande précision : lorsqu’une planète vue depuis la Terre passe devant son étoile, elle en masque petite partie. Ce passage, appelé « transit », est détecté comme une petite baisse de la brillance de l’étoile. Étonnement, lorsque c’est au tour de la planète de passer derrière l’étoile, une baisse de lumière, encore plus petite, est aussi observée ! Le fait que l’exoplanète WASP-189b soit très proche de son étoile rend son côté jour tellement brillant que nous pouvons mesurer la lumière « manquante » lorsque la planète passe derrière l’étoile. CHEOPS a pu observer WASP-189b pendant plusieurs passages derrière son étoile et les chercheurs ont pu en déduire sa luminosité. L’équipe a ainsi constaté que la planète ne reflète pas beaucoup la lumière de son étoile. Ceci est lié à l’absence de nuages qui ne peuvent pas se former à des températures aussi élevées. Par conséquent, la planète chauffe fortement et émet elle aussi de la lumière : elle rougeoie !

L’étoile en elle-même est également unique
Les mesures de CHEOPS sont si précises qu’elles permettent également d’en apprendre plus sur l’étoile-hôte de WASP-189b. En effet, la baisse de lumière enregistrée par CHEOPS lors du passage de la planète devant l’étoile n’est pas constante. L’étude conclut que la surface de l’étoile présente des zones plus sombres que d’autres. Pour les chercheurs, c’est ce qu’on s’attend à voir si l’étoile tourne tellement vite sur elle-même : elle se déforme légèrement et, s’allonge. Les parties de l’étoile plus loin de son centre deviennent plus froides et donc plus sombres.

Pour Willy Benz, Principal Investigator de CHEOPS, ce système constituera une référence pour de futures études : « Nous ne connaissons aujourd’hui qu’une poignée d’exoplanètes autour d’étoiles aussi chaudes et ce système est de loin le plus lumineux », et donc l’un des plus précieux. CHEOPS pourra observer de nouvelles exoplanètes à mesure que celles-ci sont découvertes et d’autres résultats spectaculaires seront possibles grâce à ses observations. Cette étude montre bien la qualité des observations effectuées par CHEOPS et les prochaines publications sont déjà en cours de préparation.

Référence

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CHEOPS – À la recherche de planètes potentiellement habitables
La mission « CHEOPS » (CHaracterising ExOPlanet Satellite) est la première des « S-class missions » de l’ESA avec un budget bien inférieur à celui des missions de grande et moyenne taille, et une période plus courte entre le début du projet et le lancement.
CHEOPS mesure les variations de luminosité d’une étoile lorsqu’une planète passe devant elle. Ces mesures permettent de déduire la taille de la planète et ensuite de déterminer sa densité lorsque leur masse est également connue. On obtient ainsi des informations capitales sur ces planètes – par exemple, si elles sont principalement rocheuses, si elles sont composées de gaz ou si on y trouve des océans profonds. C’est une étape importante pour déterminer si une planète réunit des conditions favorables au développement de la vie.
CHEOPS est une mission spatiale de l’ESA réalisée en collaboration avec la Suisse et un consortium de plus d’une centaine de scientifiques et ingénieurs originaires de onze pays européens dont la France. Le mercredi 18 décembre 2019, CHEOPS a commencé son voyage dans l’espace à bord d’une fusée Soyouz-Fregat au centre spatial européen de Kourou, en Guyane. Depuis lors, CHEOPS tourne autour de la Terre en une heure et demi environ à une hauteur de 700 kilomètres.
Plus d’information :https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Cheops
https://cheops.cnes.fr/fr
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