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Premières franges au VLTI et application aux Céphéides

1er décembre 2001 Premières franges au VLTI et application aux Céphéides

Le lundi 29 Octobre 2001, les premières franges ont été obtenues avec l’interféromètre optique VLTI (ESO-VLT), en combinant la lumière venant des deux grands télescopes de 8m ANTU (UT1) et MELIPAL (UT3) dans l’instrument VINCI, à Paranal. Les jours suivants, des mesures interférométriques ont été faites sur plusieurs objets astronomiques, y compris des naines rouges, des étoiles variables supermassive, et des Céphéides.

Pierre Kervella, de l’Observatoire de Paris-Meudon, et ses collaborateurs, reviennent sur ces moments passionnants, et présentent l’importance des résultats pour les Céphéides. Le "Very Large Telescope" (VLT) de l’ ESO au Cerro Paranal (2635 m) dans le nord du Chili, se compose de quatre grands télescopes, qui sont censés être utilisés dans un mode interférométrique, le VLTI.

Le VLT ("Very Large Telescope") de l’ESO à Paranal (Chili) se compose de quatre télescopes de 8.2m de diamètre chacun, qui sont visibles sur cette photographie, prise au coucher du soleil. Pour le projet interférométrique, sont prévus également des télescopes auxiliaires, de 1.8m de diamètre. Cliquez sur la photo pour l’agrandir.

Le samedi 17 Mars 2001, l’interféromètre du VLT a observé ses premières franges sur une étoile, à l’aide de deux sidérostats et de la caméra VINCI, construite par l’Observatoire de Paris-Meudon. Le 29 Octobre 2001, étaient obtenues avec succès les premières franges avec deux des télescopes principaux, UT1 (ANTU) et UT3 (MELIPAL).

Application aux Céphéides

Les Céphéides sont des étoiles supergéantes variables : elles sont sujettes à des pulsations radiales, leur rayon et leur luminosité oscillent avec une période de l’ordre de 5 à 60 jours. Elles sont connues pour obéir précisèment à une loi P(L) entre leur luminosité absolue L et leur période P. Une fois que cette loi d’oscillation est calibrée avec précision pour les Céphéides proches, la luminosité absolue de Céphéides lointaines peut être déduite de la période mesurée, et donc leur distance, et d’ailleurs aussi la distance des objets (amas, galaxies) auxquels elles appartiennent. En effet, la distance d’une étoile est facilement déduite de la comparaison entre sa luminosité absolue et sa luminosité apparente. Ainsi la relation précise P(L) convertit les Céphéides en indicateurs primaires de distance en astronomie extragalactique. L’étalonnage de la relation P(L) est cependant délicate. Même les Céphéides les plus proches sont habituellement trop lointaines pour une mesure directe de leur distance (et de leur luminosité absolue). Le diamètre angulaire n’est habituellement pas mesurable avec un seul télescope. Dans une première méthode, appelée la méthode de Baade-Wesselink, la vitesse radiale (velocimetrie) et la couleur (colorimétrie) de l’étoile sont mesurées tout le long de la période d’oscillation. On choisit deux époques (ou phases) où l’étoile a la même couleur mais différents rayons et différentes luminosités. La température (commune) est évaluée à partir de la couleur (commune), le rapport des rayons est dérivé du rapport des luminosités apparentes, la différence entre les deux rayons est dérivée de l’intégration de la vitesse entre les deux époques choisies. Un rapide calcul permet alors de déduire les deux valeurs du rayon, la luminosité absolue découle de la connaissance du rayon et de la température (par conséquent la distance). La méthode est sensible à l’erreur sur la température. Une meilleure évaluation est possible, quand la taille angulaire de l’étoile est mesurée avec un interféromètre. De longues lignes de base sont requises, puisque le diamètre est de l’ordre de quelques milli-arcsecondes (mas). La deuxième méthode dépend encore plus des longues lignes de base interférométriques. A deux époques différentes, le rayon angulaire de la Céphéide est mesuré à deux différentes phases de sa pulsation. Ceci fournit un premier nombre X : l’amplitude de variation angulaire entre ces deux phases, exprimé généralement en milli-arcsecondes (mas). Puis, par vélocimétrie, la vitesse radiale de la surface de l’étoile est intégrée entre les deux époques précédentes, ce qui fournit l’amplitude Y de variation du rayon, cette fois directement en mètres. Il est alors possible d’en déduire la distance de l’étoile en parsecs, par la relation : d[pc] = 9.305 * Y[m] / X[mas].

Une deuxième méthode pour obtenir la distance des Céphéides Gauche : Mesure de la vitesse radiale (perpendiculaire au plan du ciel) en fonction du temps Droite : Mesure directe des oscillations du rayon stellaire

En raison de la turbulence de l’atmosphère, qui est plus violente aux longueurs d’onde visibles, les mesures interférométriques sont plus faciles dans les bandes proche-infrarouges (près de 2 microns). La résolution spatiale qui peut être obtenue est proportionnelle à la distance entre les télescopes de l’interféromètre (la ligne de base). Ci-dessous sont présentées des observations de la Céphéide Zeta Geminorum avec le combinateur de faisceau FLUOR, installé sur l’interféromètre IOTA. Le diamètre angulaire du disque uniforme moyen de l’étoile a été mesuré à 1,64 +0,14 -0,16 mas. La distance à Zeta Gem est évaluée par la première méthode ci-dessus à 502 +/- 88 pc. FLUOR (Fiber Linked Unit for Optical Recombination) a servi de prototype à instrument VINCI, et est un des trois instruments de recombinaison de IOTA (Infrared and Optical Telescope Array), une collaboration avec 5 établissements américains, en Arizona.

La mesure a été également faite début novembre avec le VLTI, avec des interférences entre ANTU et MELIPAL (et une ligne de base de 102m). Le diamètre angulaire a été mesuré plus exactement, à 1,78 +/- 0,02 mas. Bien que les oscillations du rayon n’aient pas pu être détectées avec FLUOR/IOTA, il sera possible de les mesurer avec VINCI/VLTI.

En 2002, les instruments scientifiques du VLTI MIDI et AMBER et l’analyseur de franges FINITO seront installés, et l’intégration des télescopes auxiliaires (AT) commencera. Une fois les ATs et les instruments opérationnels, les observations régulières pourront commencer.

Références

  • P. Kervella, V. Coudé du Foresto, G. Perrin, M.Schoeller, W. A. Traub, M. G. Lacasse, 2001, ``The angular diameter and distance of the Cepheid Zeta Geminorum’’ Astronomy and Astrophysics, 367, 876 (astro-ph/0102359)P. Kervella, Soutenance de thèse, le 14 Novembre 2001 [ Giant Eyes for the VLT Interferometer First Scientific Results with Combined Light Beams from Two 8.2-m Unit Telescopes E "First Light" for the VLT Interferometer - Excellent Fringes From Bright Stars Prove VLTI Concept

Contact

  • Pierre Kervella (DESPA, Observatoire de Meudon and ESO-Garching)
  • Vincent Coudé du Foresto (DESPA, Observatoire de Meudon)
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